Barthes a écrit ce petit essai en 1970 de retour d'un voyage au Japon. Il ne s'agit pas d'un récit de voyage. Barthes affirme vouloir considérer le Japon comme "système". Si ce pays l'intéresse, c'est qu'il lui fournit "une réserve de traits dont la mise en batterie, le jeu inventé" lui permettent de "flatter l'idée d'un système symbolique inouï, entièrement dépris du nôtre" (page 11). En gros, le Japon est pour lui une réserve de signes qu'il étudie à travers plusieurs de ses manifestations - la cuisine, le pachinko (sorte de jeu de flipper/machine à sous), la topologie de la ville, le haïku ou encore le théâtre de marionnettes.
Ce qui sous-tend toutes les analyses de Barthes est le signe "Mu", dont la calligraphie est reproduite en début d'ouvrage. Mu signifie "le vide", le Satori zen qui n'est pas non-sens ou absurdité, mais vacuité qui libère le sens. Ainsi, pour Barthes, le centre-ville est "centre-vide" (p. 47) car lieu où les gens ne font que passer. Barthes analyse aussi longuement le haïku et considère qu'il y a en lui "exemption du sens" (p. 99), grâce à sa brièveté qui n'est pas le signe d'une pensée riche, mais d'un "événement bref qui trouve d'un coup sa forme juste" (p. 102).
Hum, j'entends certains d'entre vous s'écrier : mais qu'est-ce qu'il raconte Paddy, je comprends rien ! C'est vrai que L'empire des signes n'est pas d'une lecture très facile. Il faut parfois s'accrocher pour arriver à suivre où Barthes veut en venir. C'est à la fois ce qu'il y a de génial et d'absolument irritant chez Barthes : cette façon de tout transformer en concept et de pousser parfois si loin la conceptualisation qu'on se demande si à force de sur-signifier il ne se met pas à ne plus rien signifier du tout.
En tous les cas, L'empire des signes parvient à systématiser la culture japonaise, tout en parvenant à garder sur celle-ci une réelle attention au détail. Pour s'en convaincre, il faut absolument lire les pages que Barthes consacre à la cuisine japonaise. Elles m'ont fait saliver, je ne vous dis pas ! Barthes compare l'art culinaire à l'art pictural. Un plateau repas est "un tableau des plus délicats" : une multitude de morceaux de nourriture ténus, joliment placés dans des récipients raffinés. Tout est magnifiquement ordonné, et en même temps tout est "destiné à être défait, refait selon le rythme même de l'alimentation" (p. 23). Le plateau repas est une palette d'artiste avec laquelle joue non pas seulement le cuisinier, mais surtout celui qui déguste le repas. Barthes parle précisément du riz cuit (dont la "destination substantielle" est "le fragment"), ou encore de la soupe miso dont il vante la légèreté de la "poussière de soja" (p. 26). Un chapitre est également consacré aux baguettes : contrairement à la fourchette des occidentaux, la baguette ne considère pas la nourriture comme une proie à laquelle il faut faire violence, mais comme une "substance harmonieusement transférée" (p. 31).
Je crois que c'est ce graphisme délicat qui ordonne chaque met qui m'attire particulièrement dans la nourriture japonaise. Rien à voir avec le ragoût (et surtout le ragoût de mouton, pouah !) où tout est mêlé dans une grosse casserole et cuit jusqu'à dénaturation de la viande !
Pour l'instant, je ne connais de la nourriture nipponne que les restaurants japonais de la rue Sainte-Anne, à Paris. Par exemple, voici la photo d'un repas partagé avec mon cousin Roddy en août dernier :
Mais si j'en crois les photos d'un des ryokans où je vais aller au Japon, voici le tableau picturo-culinaire qui m'attendra là-bas :
Miam, quand je vous disais que j'en salivais déjà !
Ce qui sous-tend toutes les analyses de Barthes est le signe "Mu", dont la calligraphie est reproduite en début d'ouvrage. Mu signifie "le vide", le Satori zen qui n'est pas non-sens ou absurdité, mais vacuité qui libère le sens. Ainsi, pour Barthes, le centre-ville est "centre-vide" (p. 47) car lieu où les gens ne font que passer. Barthes analyse aussi longuement le haïku et considère qu'il y a en lui "exemption du sens" (p. 99), grâce à sa brièveté qui n'est pas le signe d'une pensée riche, mais d'un "événement bref qui trouve d'un coup sa forme juste" (p. 102).
Hum, j'entends certains d'entre vous s'écrier : mais qu'est-ce qu'il raconte Paddy, je comprends rien ! C'est vrai que L'empire des signes n'est pas d'une lecture très facile. Il faut parfois s'accrocher pour arriver à suivre où Barthes veut en venir. C'est à la fois ce qu'il y a de génial et d'absolument irritant chez Barthes : cette façon de tout transformer en concept et de pousser parfois si loin la conceptualisation qu'on se demande si à force de sur-signifier il ne se met pas à ne plus rien signifier du tout.
En tous les cas, L'empire des signes parvient à systématiser la culture japonaise, tout en parvenant à garder sur celle-ci une réelle attention au détail. Pour s'en convaincre, il faut absolument lire les pages que Barthes consacre à la cuisine japonaise. Elles m'ont fait saliver, je ne vous dis pas ! Barthes compare l'art culinaire à l'art pictural. Un plateau repas est "un tableau des plus délicats" : une multitude de morceaux de nourriture ténus, joliment placés dans des récipients raffinés. Tout est magnifiquement ordonné, et en même temps tout est "destiné à être défait, refait selon le rythme même de l'alimentation" (p. 23). Le plateau repas est une palette d'artiste avec laquelle joue non pas seulement le cuisinier, mais surtout celui qui déguste le repas. Barthes parle précisément du riz cuit (dont la "destination substantielle" est "le fragment"), ou encore de la soupe miso dont il vante la légèreté de la "poussière de soja" (p. 26). Un chapitre est également consacré aux baguettes : contrairement à la fourchette des occidentaux, la baguette ne considère pas la nourriture comme une proie à laquelle il faut faire violence, mais comme une "substance harmonieusement transférée" (p. 31).
Je crois que c'est ce graphisme délicat qui ordonne chaque met qui m'attire particulièrement dans la nourriture japonaise. Rien à voir avec le ragoût (et surtout le ragoût de mouton, pouah !) où tout est mêlé dans une grosse casserole et cuit jusqu'à dénaturation de la viande !
Pour l'instant, je ne connais de la nourriture nipponne que les restaurants japonais de la rue Sainte-Anne, à Paris. Par exemple, voici la photo d'un repas partagé avec mon cousin Roddy en août dernier :
Mais si j'en crois les photos d'un des ryokans où je vais aller au Japon, voici le tableau picturo-culinaire qui m'attendra là-bas :
Miam, quand je vous disais que j'en salivais déjà !
L'Empire des signes
Roland Barthes
Seuil, collection Points
2005 / 2007
- Un petit article intéressant sur L'empire des signes.
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