jeudi 21 mai 2009

Les bons petits plats

Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
20e relais : Mariko
"Maison de thé aux célèbres spécialités" (Meibutsu chamise)


Je marche sur la route du Tokaïdo. Mais je ne fais pas que cela. Le soir, je fais halte dans les maisons de thé. Je m'assois dans la partie ouverte de la maison, presque dehors pour profiter du jour couchant, et je me laisse servir. Du tofu grillé, de la soupe miso, des ramen, des tempura ? Je ne connais pas d'avance le menu, mais je sais que je vais me régaler. La cuisine que sert cette jeune maman qui porte un enfant sur son dos est aussi bonne que la cuisine de Maître Moun.

lundi 18 mai 2009

Etre adulte

Quand on était au Japon, il nous est arrivé de prendre le petit-déjeuner dans la chambre du ryokan. La tentation était forte de presser le bouton de la télévision.
(Sauf dans ce minshuku d'Aso où la propriétaire semblait près de ses sous :
(oui oui, il fallait mettre une pièce de 100 yen pour regarder la télé !!)

Et au Japon, qu'y a-t-il à la télévision le matin ? Hé ben, comme en France : des dessins animés et des émissions éducatives. Sauf que là-bas on trouve souvent dans ses émissions des adultes déguisés en canard ou en poussin jaune. Si si !

Indéniablement au Japon (et en Corée aussi), l'enfant est au centre de tout et les adultes sont prêts à tout pour l'amuser.
Pour exemple, j'adore la mise en scène de cette chanson qui clôt l'anime Ponyo :





Il y a la petite fille au centre de la scène, impeccable dans sa petite jupe grise. Elle s'applique dans chacun des gestes de sa chorégraphie et est très concentrée pour n'oublier aucune des paroles de sa chanson. Mais pas autant que le monsieur sur sa droite ! Celui-ci porte une cravate et un costume foncé, impeccable lui aussi, et on pourrait croire qu'il se rend au bureau. Mais il tient une marionnette dans la main... comme si c'était normal, comme s'il n'était pas ridicule !

Soyons honnête, quel Français oserait chanter et danser ainsi sur une musique d'enfant... avec un costume tiré à quatre épingles ?

Quoi ? Maître Moun est volontaire ? Hum, hum, j'en doute... Mais bon, au cas où, je lui mets ci-dessous la version karaoké, histoire de répéter les paroles !

Se laisser porter par le temps

Hiroshige, Sur la route du Tokaïdo
19e relais : Fuchû
"Le fleuve Abe" (Abegawa)

Aujourd'hui, c'est jeudi. Enfin, non, en fait, aujourd'hui c'est lundi. Mais jeudi dernier, j'ai été attaqué par un accès de flegme (ouais, ça se produit souvent en ce moment). Donc jeudi, je n'ai pas eu le courage de faire mon pèlerinage sur le Tokaïdo (shame on me). Heureusement, y'en a qui suivent ici et qui m'ont rappelé à l'ordre !
Donc, aujourd'hui, c'est jeudi (enfin, on fait comme si). J'ai un large fleuve à traverser. Trois solutions s'offrent à moi pour aller de l'autre côté de la rive de l'Abe :
- grimper à califourchon sur les épaules d'un aimable porteur très courtement vêtu dans son pagne ;
- monter sur une plateforme de bois, d'une stabilité suspecte ;
- me vautrer sur un palanquin et me laisser porter.
Devinez quel moyen de transport nous avons choisi, ma flegme et moi ?

mardi 12 mai 2009

Y'a quoi dans ton bento ?

Vendredi dernier, c'était férié et donc c'était pique-nique. Si si, c'est logique ! Enfin, en vérité, Geisha Line cherchait juste une raison pour crâner honteusement avec les boîtes qu'elle a ramenées du Japon et de Corée et avec le petit tapis à pique-nique acheté dans un 100-yen shop. Alors elle a prétexté l'excuse du moindre petit rayon de soleil pour traîner son docile (!!!!) mari au zoo du jardin des Plantes et pour décider qu'il y aurait là-bas un vrai pique-nique à la mode asiatique.
Et qu'il y avait-il dans les belles boîtes à bento de Gesha Line ?
Ben juste ça :
En plus des kiwis, des restes du repas de la veille commandé au restau japonais-vietnamien du coin !
Le saucisson est venu occuper l'étage inférieur du bento Miffy, accompagné d'une bonne part de saucisson. Histoire de donner une petite touche française, que diable !

Maintenant, si mes maîtres avaient été moins paresseux, ils auraient composé un vrai repas de pique-nique asiatique avec des vrais makis par exemple. En d'autres mots, pour leur pique-nique parisien, ils auraient été comme les mamans de ces petits Coréens en voyage à Gyongju et que Geisha Line regarde avec une envie non dissimulée :
Ils auraient eu la baguette alerte...
... et auraient pensé à se cacher du soleil sous leur casquette à visière...
En revanche, dans leur pique-nique, les filles ne se seraient pas mélangées aux garçons (et vice versa). Et ça, c'est déjà moins drôle, vous ne trouvez pas ?

jeudi 7 mai 2009

6 jeudis en retard

Aujourd'hui, c'est la veille du week-end, alors je me crois vendredi, bien entendu. Mais non ! Aujourd'hui, on est bel et bien jeudi ! Et où va-t-on le jeudi ? Sur la route du Tokaïdo bien sûr !
Mais entre le long voyage dans le pays d'Hiroshige et dans sa terre voisine, le gros coup de paresse post-vacances et les jours fériés, il y a des étapes à rattraper ! Rappelez-vous, le 26 mars dernier, on avait halte avec les saltimbanques au long nez...
Notre voyage dans le Tokaïdo ne sera donc pas seulement spatial, mais aussi temporel.

Le jeudi 2 avril, on débarquait à Séoul. On avait des heures de sommeil en retard et on découvrait, non sans un certain effarement, les étranges habitudes alimentaires des Coréens. Du coup, le jeudi 2 avril, on manquait la 13e étape du Tokaïdo, qui aurait dû nous mener à Hara, au pied du merveilleux Fuji-san.
Hiroshige, Sur la route du Tokaïdo
13e relais : Hara
"Le Fuji au matin" (Asa no Fuji)


Le jeudi suivant, le 9 avril, mes maîtres faisaient du tandem dans la magnifique vallée de Gyongju. Ils roulaient sous les cerisiers qui, déjà, commençaient à se faner et à pleurer de tous leurs pétales. Du coup, ils en oubliaient que ce jeudi-là, Hiroshige aurait dû les mener à leur 14e étape, à Yoshiwara, sur un chemin bordé par les rizières. S'ils avaient été sur ce chemin-là, ils auraient pu troquer leur bicyclette contre un cheval... cela n'aurait pas été si mal.
Hiroshige, Sur la route du Tokaïdo
14e relais : Yoshiwara
"Le Fuji à gauche" (Hidari Fuji)


Le jeudi d'après, le 16 avril, nous avions sombré dans les enfers japonaises. Cette fois-ci, nous étions bien dans le pays du Tokaïdo, mais à des kilomètres au sud de celui-ci. Tout près de la terre qui grondait, fumait, bouillonnait. Ironie du sort, les estampes de Hiroshige auraient dû nous mener ce jeudi-là bien loin de la chaleur de Beppu : à Kambara, dans la froideur immaculée de l'hiver.
Hiroshige, Sur la route du Tokaïdo
15e relais : Kambara
"Neige de nuit" (Yoru no yuki)


Le jeudi encore après, le 23 avril, nous étions revenus en France. Mais nous devions être encore un peu en décalage, car nous n'avons pas même pensé que c'était le jeudi du Tokaïdo. Du coup, nous avons manqué la 16e étape qui aurait dû nous mener au bord de la côte, à Yui.
Hiroshige, Sur la route du Tokaïdo
16e relais : Yui
"Les crètes de Satta" (Satta-mine)


Le jeudi suivant, le 30 avril, c'était la veille du Jour du travail. Alors, je l'avoue, j'ai eu la flemme de prendre mes bagages pour les porter sur le Tokaïdo. Honte à moi qui ai manqué la 17e étape, qui aurait dû me mener sur le fleuve d'Okitsu. Tant pis, j'ai raté les sumos sur leur chaise à porteur !
Hiroshige, Sur la route du Tokaïdo
17e relais : Okitsu
"Le fleuve Okitsu" (Okitsugawa)


Et le jeudi après tous ces jeudis, c'est aujourd'hui. Cette fois-ci, je ne rate pas l'étape du jour. Elle me mène exactement là où j'ai envie d'aller en ce jour de printemps : au bord de la mer. Ces voiles blanches rectangulaires m'attendent pour partir à nouveau loin, très loin d'ici. Vous ne croyez pas ?
Hiroshige, Sur la route du Tokaïdo
18e relais : Ejiri
"Vue lointaine de Miho" (Miho embô)


Jeudi prochain, je n'oublierai plus mon voyage dans les estampes japonaises. C'est promis. J'espère que vous allez reprendre la route imaginaire avec moi.


mardi 5 mai 2009

Personnages

Il y a des personnes que l'on croise par hasard qui ont d'emblée des têtes de personnages. Tout, dans leur corps, dans leurs gestes, dans leurs mimiques, appellent à la narration et à la mise en portrait, comme si leur existence même faisait signe vers l'écriture du récit. Bien sûr, dira-t-on, ce n'est pas l'être de la personne qui fait le personnage, c'est le regard - subjectif, forcément - que l'on porte sur cette personne rencontrée. Bien sûr, ajoutera-t-on, il faut avoir trop lu de romans dans son enfance pour voir en chaque passant croisé dans la rue un personnage romanesque.

Pourtant... Pourtant, lorsque notre train s'est arrêté dans cette petite gare japonaise et que j'ai vu ce chef de gare dressé sur son sens du devoir, ignorant le petit chat allongé devant la porte sur la droite, j'ai aussitôt tiré sur le coude de Maître Moun, répétant : "va y, sors l'appareil photo ! je veux une photo de cette scène !" Nous n'étions pas en face et la photo, prise dans l'urgence, est mal cadrée.

Mais j'aimerais un jour lire l'histoire de ce petit homme, impeccable dans son uniforme des chemins de fer. Regarde-t-il chaque jour, chaque heure, passer les trains ? A-t-il les yeux rivés sur sa montre ? Prend-il parfois le temps de caresser le petit chat tigré ?

Il y a des personnes qui sont des personnages. A Séoul, devant un grand palais dont j'ai déjà oublié le nom, voici le frappeur de tambour. Il a un beau costume rouge satiné, un chapeau de velours, une petite jupette noire. La photo l'a immobilisé en pleine action. Il frappe avec force sur la peau du tambour coloré. Si fort que les perles de son chapeau s'envolent en même temps que son geste.

Que devient se gros monsieur lorsqu'il ôte son costume d'une autre époque ? Paraît-il si authentique lorsqu'il est revêtu d'un costume de ville ? A quoi pense-t-il lorsque, chaque jour, il revêt son costume pour jouer à la relève de la garde devant les touristes ?

Et puis, il y a des hommes qui appartiennent déjà à l'histoire qu'on voudrait lire d'eux. Voici ce Coréen qui médite en haut de la montagne de Gyongju, devant un temple bouddhiste, sous un cerisier en fleurs. Il n'écoute plus rien de ce qui l'entoure, ne voit plus rien d'autre que la montagne sacrée qui s'étend à ses pieds.

Que dit-il dans ses prières ? Est-il parvenu près du dieu ?