mardi 31 mars 2009

J moins 1

Voilà, mes maîtres adorés ont (à peu près) bouclé leur boulot, mis de l'ordre dans leurs dossiers importants, ignoré les commentaires jaloux des collègues qui-partent-pas-en-vacances-eux-et-c'est-trop-pas-juste... OUF ! Ils sont en vacances... et ils arrivent à peine à y croire !

Mais pour profiter de leurs vacances, y'a encore quelques petits trucs à faire avant le décollage demain soir à Roissy. Comme par exemple changer 1 million 500 mille won pour garnir le porte-feuille et se prendre pour des riches ! Ou encore trouver des solutions aux problèmes existentiels (est-ce que je prends mon pull bleu ou mon rouge ?)

En tout cas, moi, je suis fin prêt ! Le Ninja est chez Papicha et Mamicha depuis deux jours et je respire à nouveau. En plus, Geisha Line ne m'a pas oublié et m'a mis en bonne posture dans ses bagages, entre quelques unes de ses créations couturesques (la pochette noir et rose pour l'Eee-PC et la pochette orange pour ranger les papiers importants), son carnet de notes dont les pages vierges attendent de jolis mots et bien sûr le guide de voyage qu'il va falloir potasser dans l'avion :
Revenez souvent par ici pour suivre notre itinéraire coréano-japonais ! Grâce au PC de madame et, on l'espère, au WIFI, vous devriez pouvoir suivre très régulièrement nos aventures !

A bientôt !

jeudi 26 mars 2009

Pinocchio sur le Tokaïdo

Hiroshige, Sur la route du Tokaïdo
12e station : Numazu
"Le crépuscule" (Tasogare zu)

C'est le crépuscule. L'instant du soir où la lumière se fait lourde et grise, flirtant entre chien et loup.
Mais point de chien ni de loup ici - juste un visage monstrueux à nez immense. Le voyageur qui le transporte sur son dos se rend au sanctuaire shintô de Shikoku et a amené avec lui le masque porte-bonheur du génie chinois. A-t-il pour sa femme et son enfant qui marchent devant lui un voeu particulier à former ?

***
Sur la route du Tokaïdo, sous la lune qui donne au ciel un si joli bleu, je me demande comment je vais pouvoir continuer mon voyage imaginaire durant les trois prochaines semaines. Jeudi prochain, je ne serai pas devant mon ordinateur. Ou du moins, si je le suis, mon ordinateur ne sera pas ici, mais à plusieurs milliers de kilomètres de là. Bien plus près de la vraie route du Tokaïdo, mais également bien plus loin que le Tokaïdo imaginaire des estampes.

Alors, quand nous serons en Corée puis au Japon, que ferai-je de mes jeudi sur le Tokaïdo ? Je ne peux pas en même temps vivre le voyage réel et imaginer le voyage irréel ! Comment donc vais-je pouvoir franchir les 13e, 14e et 15e relais d'Hiroshige ?

mercredi 25 mars 2009

Le Visiteur du Sud

Monsieur Oh est Sud-Coréen. Il travaille dans le bâtiment et est envoyé en Corée du Nord pour installer des canalisations. Comme monsieur Oh aime bien dessiner à ses heures perdues, il en profite pour tenir un carnet de voyage sous forme de bande dessinée. Par de petites anecdotes racontées avec humour mais aussi sensibilité, monsieur Oh parle des mois qu'il a passé dans ce pays qui, malgré la proximité géographique et culturelle, semble si loin du sien : la Corée du Nord.
Le dessin est très simple, voire caricatural. Mais cette simplicité n'atténue en rien la profondeur du propos de cet album qui se situe entre le documentaire et le récit autobiographique. C'est une vraie incursion dans ce pays si fermé qu'est la Corée du Nord que j'ai fait grâce à monsieur Oh. Et ce que j'ai découvert est étonnant... et fait peur tout à la fois.
Pour aller jusqu'en Corée du Nord, monsieur Oh doit passer par Beijing, la Chine étant un des seuls pays à autoriser l'entrée en République populaire de Corée. C'est par le récit de ce détour absurde que commence l'album. Les pages suivantes nous montrent le regard du Sud sur le Nord. Ce qui est fascinant, c'est que monsieur Oh est à la fois étranger - aux yeux des habitants du pays, et par son regard lui-même qui s'étonne si souvent de ce qu'il voit - et en même temps proche de ce peuple qui, il y a quelques dizaines d'années, formait encore une unité. Le récit de monsieur Oh est souvent ironique : il a du mal à se résoudre à appeler Kim Jong-il "Cher Dirigeant" et ses collègues "camarades", ne comprend pas qu'on censure une de ses photos sous prétexte que les inscriptions officielles des monuments y sont légèrement coupées et rigole lorsque la douane croit que le plat pliant à patates qu'il transporte dans sa valise est un appareil perfectionné de télécommunication. Monsieur Oh déplore également les lenteurs et les incompétences du régime communiste, et est le témoin de l'extrême pauvreté de ses habitants.
Ce qu'il y a peut-être de plus frappant est le regard que les gens du Nord portent sur ceux du Sud... et vice-versa : un regard mêlé de racisme et d'un sentiment bivalent de supériorité/infériorité. On comprend que la scission du pays n'est pas seulement une histoire de politique mais qu'elle a façonnée les mentalités, tant le combat idéologique est fort et totalitaire.
Un album fort qui m'a fait un peu mieux comprendre cette mystérieuse Corée du Nord...

Le Visiteur du Sud (2 tomes)
Yeong-Jin Oh
Editeur : FLBLB
2008 (paru en Corée en 2004)


Carnet de route, version 2009

Saviez-vous que même sur le périph' parisien il y a des cerisiers en fleurs ? Si, si, la preuve ici, de l'autre côté du volant de Maître Moun : Des sakuras, il n'y en pas que sur le périphérique, il y en a aussi dans le tout petit jardin près duquel Geisha Line passe pour aller au bureau. Tous les jours, les fleurs sont un peu plus épanouies, surtout lorsqu'un rayon de soleil vient les chatouiller. Et tous les jours, Geisha Line peste de n'être qu'ici, là où les cerisiers en fleurs se comptent sur les doigts d'une seule main et où personne ne pense à les admirer et à les photographier... et non là-bas, où l'arrivée du printemps est une fête et où les admirateurs des sakuras n'en peuvent plus de s'exclamer devant la beauté des fleurs volantes.

Bon, là, c'était mon quart d'heure de poésie gratuite, juste pour vous dire que chez les Moun on a hâte d'aller là-bas, à l'extrême de l'Orient ! Mes maîtres râlent devant le temps qui passe, car ils se disent que le temps d'arriver vers ce fameux là-bas,les cerisiers ne seront plus en fleurs et la fête du printemps sera terminée...

Pourtant, il n'y a plus beaucoup de temps à attendre ! Dans une semaine jour pour jour, les Moun s'apprêteront à prendre l'avion. Oui, Maître Moun a enfin imprimé les billets d'avion et il n'y pas plus qu'à faire les derniers préparatifs, comme l'année dernière (sauf que, euh, on est un peu moins avancé à l'heure qu'il est !).

Histoire de patienter, voici en avant-première la feuille de route du voyage en Corée et au Japon des Moun, version 2009 :
- 1er avril : départ pour Séoul... et arrivée le lendemain dans l'après-midi
- Du 2 au 6 avril : Séoul, avec plusieurs excursions autour de la ville, dont probablement une journée près de la ligne de démarcation
- 7 avril : Andong (à confirmer ? on n'a pas réservé et on peut changer d'avis...)
- 8 et 9 avril : Gyeongju
- 10 avril : Busan
- Du 11 au 14 avril : île de Jeju-do, avec une nuit à Seongsan-ri (?) et deux nuits à Seogwipo. Il paraît que cette île est la Hawaï asiatique où tous les jeunes mariés viennent passer leur lune de miel. Cool !
- 14 avril au soir : on s'envole pour le Japon, direction Fukuoka !
- 15 avril : Nagazaki
- 16 avril : Beppu et ses sources de l'Enfer
- 17 et 18 avril : Aso pour faire un peu de randonnée
- Du 19 au 21 avril : Fukuoka...
... et retour à Paris, parce qu'il le faut bien !

Cet emploi du temps est le fruit de longs dimanches à feuilleter les Lonely Planet et à fréquenter les forums de voyage sur Internet. Mine de rien, ça prend du temps de préparer un tel voyage !

Chers lecteurs qui, peut-être, connaissez le Japon et/ou la Corée, avez-vous des suggestions à nous faire ? Ah, et puis, si vous habitez là-bas et que vous avez envie de rencontrer des petits touristes français, faites-nous signe ! On en serait ravis !

lundi 23 mars 2009

Les quatre saisons

Le printemps est revenu depuis quelques jours et, après un hiver qui semble avoir duré trois siècles, cela fait du bien de retrouver ce que le froid de l'hiver semblait avoir définitivement perdu : les jolies fleurs qui boutonnent timidement sur le balcon, les rayons du soleil qui sont plus nombreux et plus chaleureux et puis les jours qui, de semaines en semaines, deviennent un peu plus longs.

Il y a dans la culture asiatique une attention toute particulière portée à l'alternance cyclique des saisons. Récemment, les Moun en ont vu deux beaux exemples cinématographiques.

Le premier film est sud-coréen et est sorti en 2003 : Printemps, été, automne, hiver... et printemps. Avec un titre comme celui-ci, on ne peut pas trouver de symbolique plus claire ! En effet, tout le film est construit sur une large comparaison entre la succession des quatre saisons et l'évolution d'une vie humaine. On suit l'évolution d'un élève auprès de son maître bouddhiste. Lorsque c'est le printemps, l'élève n'est qu'un enfant d'une dizaine d'année. C'est la saison des apprentissages et de l'innocence. A l'été, l'enfant a grandi et est devenu adolescent : c'est la découverte de la passion et des tentations du désir. A l'automne, le jeune homme est adulte : colère et révolte lui font remettre en question l'enseignement de son maître. Lorsque l'hiver vient, l'homme, âgé désormais d'une quarantaine d'années, se repentit et acquiert la sagesse. Il est prêt désormais à devenir maître à son tour. Le printemps peut revenir... la relève est assurée.
A une narration construite sur la succession des saisons s'ajoute une parfaite unité de lieu : toute l'histoire a lieu dans un seul et même endroit - un tout petit temple flottant qui se trouve au milieu d'un lac, au coeur de la montagne. Ce lieu, magnifiquement filmé, est le troisième personnage de l'histoire. On le voit à travers les saisons, toujours flottant, sous les fleurs du printemps, les feuilles rougies de l'automne ou emprisonné dans la glace de l'hiver.
Évidemment, ce n'est pas un film d'action. Mais à aucun moment, je ne me suis ennuyé ! Le film est d'une grande délicatesse et offre une superbe vision de la philosophie bouddhiste et, plus largement, ouvre une réflexion sur le sens de l'existence et de l'expérience du temps.


Autre film construit autour de la succession des saisons, mais japonais cette fois-ci : Dolls de Takeshi kitano. Ce film est beaucoup plus noir et d'une construction plus complexe, comme souvent chez Takeshi Kitano (dont nous avons déjà parlé ici). Le film s'ouvre sur une longue séquence de bunraku. Le bunraku est un genre traditionnel japonais, aussi célèbre que le ou le kabuki : il s'agit d'un spectacle de marionnettes, né au XVIe siècle. Les grosses marionnettes de bois sont maniées par trois marionnettistes, dont deux sont cachés derrière une capuche noire. La scène de bunraku montre un couple d'amoureux. On comprend que leur histoire est tragique... mais il faudra attendre la fin du film pour mieux comprendre l'histoire de ces "mendiants enchaînés".
La suite du film raconte trois histoires : celle d'un jeune homme qui, le jour de son mariage, s'enfuit pour retrouver la fiancée qu'il avait quittée ; celle d'un chef yakuza qui retourne dans un parc retrouver son premier amour ; puis celle d'une jeune chanteuse pop qu'un accident de voiture a défiguré. Trois histoires, trois destins... trois fins tragiques, d'une grande dureté.
Bon, là aussi, le film raconté ainsi perd de sa force. Car ce qui m'a plu dans ce film, ce ne sont pas tant les histoires que la construction filmique. En lisant la quatrième de couverture du DVD, je m'attendais à trois courts métrages sans liens les uns avec les autres. Bien au contraire, il s'agit d'un film où ces trois récits sont tissés les uns dans les autres et non pas juxtaposés. On regarde les personnages évoluer d'une saison à l'autre - depuis les sakuras du printemps jusqu'aux feuilles multicolores des érables de l'automne. Ce qui fait l'unité de ces trois narrations est l'histoire fondatrice du couple de marionnettes de bunraku. Les deux amants hantent les images du film, croisent les autres personnages, marchant à travers les saisons.
Le film de Takeshi Kitano est d'une grande poésie, même s'il met souvent mal à l'aise. C'est l'histoire de la petite amie délaissée qui, pendant trente ans, attend chaque samedi son fiancé sur le banc du parc, qui m'a le plus touché.


Une scène du film Dolls



Printemps, été, automne, hiver... et printemps
Titre original : Bom yeoreum gaeul gyeoul geurigo bom
Réalisateur : Kim Ki-duk
2003


Dolls
Réalisateur : Takeshi kitano
2002

jeudi 19 mars 2009

Swapperies

Suite à sa première et dernière expérience swappesque, Geisha Line s'était dit que les swaps c'était sympas, mais bon... quand on n'a déjà pas le temps d'offrir des cadeaux à ses amis, pourquoi en donner à des inconnus ? On voit l'égoïsme de ma maîtresse, n'est-ce pas ?
Sauf que Geisha Line a craqué. Il y a quelques mois, un swap "littérature asiatique" était annoncé. Elle l'a découvert... et cinq minutes après elle était inscrite !
La swapeuse de Geisha Line a eu quelques soucis de santé. Du coup, Geisha Line a du faire preuve d'une qualité qui n'est pas du tout son fort : la patience. Mais ça valait le coup d'attendre ! Voici ce que notre chère gardienne a apporté dans un petit paquet samedi dernier. Tout ça :

Des livres (comme s'il n'y en avait pas assez à la maison), du thé à la rose venu de Chine, des baguettes qui forment de supers attache-cheveux, une jolie carte...
... et puis ce très joli badge aquarelle, fait main, avec sa petite étiquette ! Bravo !
Merci beaucoup à Noakeane !!!

Du coup, j'en profite pour mettre une photo du colis concocté par Geisha Line herself pour sa swappée :Vous noterez, entre autres, les pâtes au thé vert (j'aurais bien aimé goûter !) et la pochette origami fait main (ouf ! d'ici, on voit pas les défauts !)...
... et puis aussi les marque-pages avec du papier japonais, qui viennent caler les pages de ce super roman de Yoko Ogawa qu'un jour, peut-être, j'aurai le temps de chroniquer ici (l'espoir fait vivre).
Alors, Geisha Line, c'est vraiment ton dernier swap cette fois-ci ?

La brume du petit matin

Hiroshige - Sur la route du Tokaido
11e station : Mishima

C'est le petit matin. La brume froide et humide entoure le paysage dans un sommeil silencieux. Les voyageurs semblent sortir de nulle part. La montagne et le torii dorment dans le matin presque transparent. L'atmosphère est féérique avec ces ombres qui, au loin, se détachent.
Le voyageur installé dans la logette (le kago) portée par deux porteurs est assoupi sous son chapeau. Il ne veut pas voir le jour qui se lève et en profite pour continuer sa nuit, tout comme son camarade monté sur le cheval.

Le Japon en ombres chinoises. Cette estampe est magnifique. Je l'ai mise en fond d'écran.

vendredi 13 mars 2009

Le mont Fuji rêvé

Hier, c'était le jeudi. Et le jeudi, c'est normalement ballade sur la route de Tokaido. Mais ce matin je me suis soudain rendu compte que j'avais complètement oublié notre rendez-vous ! (Voilà, c'est ça de jouer les moutons mondains à l'inauguration du salon du livre...)

Et pourtant, l'étape du jour n'est pas n'importe laquelle. Peut-être la plus importante de toutes : Hakone.
Il y a un an, quasiment jour pour jour, le 1er avril 2008, nous étions exactement à l'endroit où Hiroshige nous mène aujourd'hui. Depuis Tokyo, nous avons pris pour la première fois le shinkansen, puis lebus. Vers midi, nous sommes arrivés à Moto-Hakone. Il faisait un temps magnifique : un printemps vif et ensoleillé. J'étais fébrile. Depuis le matin, je me répétais : "je vais voir le mont Fuji, je vais voir le mont Fuji". Enfin.
Nous avons déposé les sacs au ryokan, puis nous avons emprunté un petit chemin dans la montagne. Nous avons un peu marché... Et tout à coup, au détour de la route, Fuji-san est apparu. Immaculé, majestueux, pointant insolemment vers l'infinité bleutée du ciel.
Là, devant le mont Fuji, Geisha Line et Maître Moun se sont embrassés. C'était le 1er avril - non pas le jour des farces, mais celui de leur anniversaire de mariage. Pour cadeau, ils avaient devant eux le plus célèbre des monts d'extrême Orient. Rien que ça !
Nous avons continué de marché sur le chemin, traversant une belle forêt de cèdres presque aussi magnifiques que ceux du pays de Maître Moun.
A un endroit, nous avons vu un panneau. Etait-ce marqué en anglais ? Je ne sais plus, mais en tout cas c'est à cet endroit précis que j'ai entendu parler pour la première fois de la route de Tokaido allant de Tokyo à Kyoto. Nous avons regardé la route qui partait dans la direction du panneau. Nous avons hésité, avons failli la suivre, puis finalement nous sommes revenus sur notre route initiale. Nous nous sommes dit : un jour, peut-être, pourquoi ne pas revenir emprunter cette route du début à la fin ?
Puis le chemin est devenu goudronné, et nous sommes arrivés dans le village, au pied du lac Ashino-ko. Il y avait ce grand lac bleu, et au loin le mont Fuji. C'était beau. Pourtant, j'étais déçu. "Où est le reflet du mont Fuji dans l'eau ?", ai-je demandé en ralant devant le bateau de pirates à touristes qui passait sur le lac. "Et pourquoi le sommet du Fuji-san n'est-il pas plus harmonieusement pointu ?", ai-je ajouté, avant de me plaindre des couleurs qui non, décidément, n'avaient rien à voir avec les estampes d'Hiroshige et Hokusaï.
Je l'avoue : je préférais le Fuji des maîtres de l'estampe au Fuji réel. L'art plus fort, plus grand, plus beau que la réalité.
Ce soir, je regarde l'estampe d'Hiroshige à la 10e étape de mon voyage imaginaire. J'étais là bas il y a un an. Mais cela n'a rien à voir avec ce que j'ai vu. Quelle est cette pente vertigineuse qui tombe dans le lac ? Que sont ces monts grisés sur lequel vient rebondir le paysage ? Quel est ce vert magnifique qui vient contraster avec le bleu profond ?
Je n'ai rien vu de tout cela. Et Hiroshige n'a probablement rien vu lui non plus. Ceux qui pensent que l'art est une imitation de la nature sont des sots. L'art est une transfiguration de nos rêves et nulle autre chose.
Hiroshige - Sur la route du Tokaido
10e relais : Hakone
"Vue du lac" (Kosui zu)


"Personne ne peignait mieux que Wang-Fô les montagnes sortant du brouillard, les lacs avec des vols de libellules, et les grandes houles du Pacifique vues des côtes. On disait que ses images saintes exauçaient d'emblée les prières ; quand il peignait un cheval, il fallait toujours qu'il le montrât attaché à un piquet ou tenu par une bride, sans quoi le cheval s'échappait au grand galop du tableau pour ne plus revenir. Les voleurs n'osaient pas entrer chez les gens pour qui Wang-Fô avait peint un chien de garde."
Marguerite Yourcenar, Comment Wang-Fô fut sauvé, Gallimard, Folio Cadet, illustrations de Georges Lemoine.

mercredi 11 mars 2009

Bento made in Paris

Le week-end dernier, mes maîtres ont calé dans leur apprentissage de la nourriture coréenne pour se laisser séduire à nouveau par leurs premières amours : la cuisine japonaise.

Sous la houlette de Maître Moun - que les fidèles lecteurs de ce blog vont finir par prendre pour un ventre fait homme - mes maîtres se sont rendus samedi dans leur rue favorite : rue sainte Anne, of course ! Pas de grand restaurant cette fois-ci, mais un simple traiteur-épicerie : Juji-ya, qui se trouve en face de l'épicerie coréenne. Simple, mais sans nul autre équivalent ! Maître Moun et son épouse ont commandé chacun un bento, en choisissant le contenu de leur assiette. Le menu leur a été présenté dans un plat compartimenté. En l'espace de quelques instants, devant leurs beignets de crevettes, leurs salsifis à la japonaise et leur salade à la sauce sésame,ils se sont crus à 5 000 km de là... le tout pour à peine plus de 18 € pour deux !
La preuve en images :


Bon, à un moment donné, la serveuse, qui devait s'ennuyer à la caisse, a appuyé sur le bouton de la télécommande de la télé et tout à coup des voix nasillardes de R'nB à la française se sont mises à retentir dans le snack. Cela a un peu cassé le charme, je le reconnais. Mais, ne soyons pas méprisant envers nos compatriotes chanteurs !

La partie restaurant de ce traiteur est assez petite. Mais l'intérêt de cette boutique est qu'elle fait aussi épicerie japonaise. Le ventre plein, Maître Moun a donc pu faire ses petites emplettes, restant une heure devant chaque produit (pire qu'une fille dans un magasin de vêtements, c'est dire !). Bref, il a acheté divers produits, dont un long radis (daikon) qui a eu le privilège de partir ensuite se promener dans tout Paris avec nous (quelle idée de faire ses courses avant de partir en balade !).

Le lendemain, Maître Moun s'est de nouveau enfermé dans sa cuisine et il nous a concocté ceci :

Le truc marron à côté du mouton, ce sont des haricots rouges... qui ont le goût de châtaigne !

Cette fois-ci, il y avait autour des crevettes de la vraie chapelure japonaise... et oui, ça a bien fait toute la différence. La chapelure française n'a rien à avoir avec son homologue nippon, qu'on se le dise !

PS pour Baiya : je me suis en effet trompé dans ma précédente entrée. Ce ne sont pas pour confectionner les tempura qu'on utilise la chapelure ! Pffff, s'il en fallait une, voici la preuve que l'auteur de ce blog, pauvre mouton culinairement inculte, n'est pas le cuisinier de la maison... loin s'en faut !


Juji-ya
46 rue sainte Anne
75001 Paris
Tel : 01 42 86 02 22
Ouvert 7j/7, 10h-22h


jeudi 5 mars 2009

Passage à gué

Hiroshige - Sur la route du Tokaido
9e station : Odawara
"Le fleuve Sakawa" (Sakawa-gawa)

Sur la route du Tokaido, encore un fleuve. Mais cette fois-ci, pas de pont. Pour passer de l'autre côté du fleuve Sakawa, il faut traverser à gué. Cela veut dire tremper ses jambes dans l'eau froide, s'enfoncer dans le sable par endroits et arriver trempé du côté de la montagne.
Il vaut mieux être né chef. Au moins, on reste au sec.

Finalement, c'est une belle métaphore de la vie en société.

The ford at Sakawa-Nagawa, par Felice Beato.
Photo colorée à la main, entre 1863 et 1885.
Source:
New York Public Library, The Ford at Sakawa-Nagawa, 21 juin 2006.
Via Wikipedia.

Expériences culinaires

Voilà longtemps qu'on n'a pas parlé sérieusement sur ce blog ! En ce moment, comme mes maîtres (enfin, surtout ma maîtresse adorée) bossent comme des dingues, ils n'ont pas trop le temps de se consacrer aux nourritures spirituelles... en revanche, ils gardent quand même des petits moments pour rendre grâce aux nourritures terrestres !

Voici donc deux expériences culinaires récentes à partager avec vous...

Tout d'abord, puisque dans un mois on s'envole pour la Corée (et qu'on n'a quasiment rien encore préparé, mais bon...), il nous fallait goûter à la cuisine coréenne. Depuis le temps qu'on entend dire que la cuisine coréenne est un super bonne, il fallait tenter l'expérience.
Direction la rue sainte Anne où, finalement, il n'y a pas que des Coréens ! Après un petit tour vers la minuscule épicerie coréenne Ace Mart (63 rue sainte Anne), nous avons tourné dans une petite rue, la rue Louvois, pour nous rendre au restaurant Hang-A-li. En fait, on n'avait pas prévu d'aller dans ce restaurant, mais dans un autre pas très loin (ZenZoo). Mais à 19h15, c'était déjà complet ! Donc on est entré dans ce petit restaurant dans lequel il n'y avait que des Asiatiques (c'était bon signe !).

On savait que la cuisine coréenne était différente de la cuisine japonaise. C'est vrai : ça n'a rien à voir ! La carte du restaurant nous a facilité la tâche, car bien sûr tout était écrit en français et, surtout, il y avait des petites étoiles pour signaler les plats épicés. Comme mes maîtres ne sont pas courageux pour deux sous, ils ont soigneusement évité les plats piquants et Geisha Line s'est décidée pour un barbecue (de viande de boeuf) qui a cuit devant elle :
...et Maître Moun pour une soupe de poulpe, accompagné de tout un tas de petits plats :

Comment c'était ? Hé bien, c'était la découverte d'une cuisine totalement inconnue. Ce n'est pas que mes maîtres n'ont pas aimé... mais ils n'ont pas adoré non plus. Sans doute faut-il que leur palais s'habitue à ses nouvelles saveurs.

En revanche, à un moment donné, alors que l'instant d'avant il mangeait tranquillement, Maître Moun est devenu soudain tout rouge. Il a posé sa baguette et s'est servi un grand verre d'eau. Pendant 5 min, il n'a pas dit un mot. Quand enfin il a repris son teint normal, il a pu enfin partager le fruit de l'expérience intense qu'il venait de faire : NE PAS MANGER CE QUI EST ROUGE ET RESSEMBLE A DU SIMPLE POIVRON !!!! Ce n'est certainement pas du poivron, mais du piment... Et le piment, ça pique !
Donc, voici la leçon du jour du Maître Moun : si vous trouvez un truc rouge mal identifié dans votre assiette coréenne, surtout ne croquez pas ! Rouge = ALERTE !!! DANGER !!!
Je crois que le message est clair !

Après ce voyage culinaire en Corée, mes Maîtres avaient une folle envie de revenir aux bases élémentaires de leurs plaisirs culinaires : la cuisine japonaise. Le week-end d'après, était prévue chez les Moun une grande soirée ayant pour thème exclusif le Japon (et aussi le spectacle de chat... mais ça, c'est une autre histoire !). Dès l'aurore, maître Moun, après avoir dévalisé son épicerie japonaise fétiche, s'est enfermé dans la cuisine. Il a tiré la porte : interdit aux femelles (humaine ou féline) !, a-t-il déclaré. Geisha Line a bien essayé de regarder par la porte de la cuisine, mais impossible d'approcher le grand maître lorsqu'il est en pleine séance de création culinaire.
Bref, on ne saura ce qui s'est passé dans ces quelques mètres carré. Une chose est sûre, c'est que quelques heures plus tard, cela sentait le riz vinaigré et la sauce soja dans toute la maison. Lorsque les invités sont arrivés, le grand Maître était un petit peu inquiet. C'est que l'épreuve était de taille, puisqu'il y avait parmi les invités un couple franco-japonais grand connaisseur de cuisine japonaise. Impossible de dire face à un plat au goût bizarre "Mais si, je t'assure, ils mangent comme ça au Japon !". Impossible de biaiser !

Quel était le menu ?
Il y avait des sashimis de poisson frais, accompagné de pochettes surprises et de riz surmonté d'une prune umeboshi.


Il y avait aussi la célèbre soupe spécial Moun, accompagné d'une petite salade d'épinard et de daikon à la sauce sésame :

Et puis il y avait aussi des tempura :
Verdict ?

A chaque plat, Kyoko s'exclamait "Oh !!!!!!!!" en donnant le nom japonais du met. C'était rigolo, car le chef Moun savait préparer le plat, mais ne connaissait pas toujours le nom exact. Au final, il semble que Kyoko et son mari ont eu l'impression, le temps d'une soirée, d'être retournés au Japon ! Maître Moun était flatté... et Geisha Line très fier de son petit mari cuisinier !

Par la même occasion, les Moun ont profité de leur amie japonaise pour demander des traductions instantanées (quelle idée de tout écrire en japonais sur les paquets !). Ils ont également appris que pour faire des tempura 100 % japonaises il fallait de la chapelure japonaise (c'est pas pareil avec la chapelure française) et aussi que sur le lampion qui éclairait leur couloir, il y avait marqué "okonomiyaki" !

Sinon, qu'a fait Geisha Line à part manger à l'oeil ? Ben, elle s'est juste occupée du dessert. Un petit gâteau au thé vert, accompagné d'une boule de glace et de mochi :


Il y a également failli y avoir des meringues vertes... mais hélas, le passage dans le four n'a pas été bien concluant. Là, c'était avant la catastrophe :


En tous les cas, Geisha Line est rassurée. Si la crise vient voler le boulot de son mari, il pourra toujours ouvrir un restaurant japonais !