jeudi 31 juillet 2008

Les dernières lueurs des lucioles

Je suis encore tout bouleversé d'une lecture faite il y a quelques jours : une nouvelle de Nosaka Akiyuki, intitulée La Tombe des luciole. Nosaka a acquis la célébrité avec ce livre écrit en 1967, en obtenant le plus prestigieux des prix de littérature au Japon (le prix Naoki) et en nuançant ainsi la réputation sulfureuse de son premier livre Les pornographes.

L'histoire de la Tombe des lucioles est poignante. Elle révèle toute l'horreur de la guerre, et plus particulièrement la réalité terrible à laquelle ont été confrontés les Japonais au moment de la débâcle de 1945. Lors d'un bombardement particulièrement violent mené par les Américains sur Kobe, Seita, 14 ans, doit s'enfuir avec sa petite soeur, Setsuko, âgée de quatre ans. Depuis plusieurs mois, ils n'ont pas de nouvelle de leur père, soldat dans la marine japonaise. Quand leur mère est gravement blessée dans le bombardement et ne tarde pas à mourir de ses blessures, les deux enfants deviennent orphelins. Ils prennent d'abord refuge chez une tante éloignée. Mais cette femme, égoïste et vénale, leur rend la vie si dure que Seita préfère quitter ce foyer d'adoption et vivre seul, avec sa soeur, dans la nature. Les deux enfants sont livrés à eux-mêmes, dans un environnement hostile, où règnent la famine et les épidémies. Malgré le courage de Seita qui prend soin avec tendresse de sa soeur, les enfants ne survivront pas et mourront l'un après l'autre, dans une solitude insoutenable.
Racontée ainsi, l'histoire est sordide. Et elle l'est, en effet. Dès les premières pages, la mort de Setsuko et Seita est annoncée. Mais, même en sachant ce qui allait se passer, j'ai parfois eu du mal à continuer ma lecture, tant tout est décrit avec un réalisme cru n'épargnant aucun détail. Le style de Nosaka est particulier : des phrases démesurément longues (plus d'une page parfois !) alternent avec un vocabulaire argotique, malmenant la langue (inversion des sujets, formules du langage oral...). J'ai trouvé les choix du traducteur pas toujours judicieux, mais je n'avais aucun moyen de comparer avec le texte original, il est vrai. La longueur des phrases donne un rythme haletant au récit. L'ouverture de la nouvelle se lit dans un souffle, rendant plus dramatique encore l'épisode de la découverte du corps abandonné du jeune Seita.
Il s'agit d'un récit très fort, et même oppressant, condensant un maximum d'émotions. L'histoire est en partie autobiographique : le jeune Nosaka a lui aussi vécu un épisode similaire et a perdu sa mère et sa soeur adoptives pendant la guerre. La différence est que Nosaka a survécu à la guerre et s'est retrouvé dans un foyer de correction, suite à des vols de nourriture, alors que son jeune héros meurt. Les critiques disent que l'écriture de cette nouvelle a eu un effet thérapeutique sur l'écrivain : magnifier la mort du personnage a peut-être été en effet un moyen d'évacuer la grande culpabilité avec lequel a grandi Nosaka.
Mais ne nous perdons pas dans des explications psychanalysantes ! La force du récit tient en elle-même, indépendamment du lien avec la biographie de son auteur.
J'ai été touché par cette histoire, et pourtant je la connaissais déjà. La nouvelle a en effet été adaptée dans un film d'animation de Isao Takahata du Studio Ghibli, sorti en 1988. Cet anime, paru sous le titre Le tombeau des lucioles, faisait partie du mince trousseau de Maître Moun lorsqu'il a emménagé avec Geisha Line et tous deux ont vu plusieurs fois la vidéo.
Le film est très fidèle à la nouvelle. On y retrouve le même réalisme : des images très dures des scènes de guerre et de la misère à laquelle sont en proie les habitants, associées à une forte présence des tons rouges et noirs, donnant une atmosphère de fin du monde. Ce dessin animé n'est clairement pas destiné aux enfants. Pourtant, le film d'animation est moins pénible que la nouvelle. Le film est en effet traversé par un certain onirisme : le visage charmant des enfants, le rire de la petite fille, la musique poétique...Il y a dans le film des moments de tendresse et de joie, transfigurés par une vraie poésie. C'est le cas par exemple lorsque les enfants vont sur la plage.

La poésie vient également des lucioles, personnages centraux de l'histoire. Les lucioles, ce sont ces petits insectes qu'attrape Setsuko pour les capturer sous la moustiquaire et ainsi éclairer faiblement la cave qui leur sert de refuge. C'est aussi les avions des kamikazes qui tentent de sauver leur pays et que les enfants contemplent dans le ciel. C'est surtout ces lueurs d'espoir éphémères, vouées à la mort.

Le matin, la petite fille retrouve les lucioles mortes dans leur cabane, et les enterre dans la terre. Quelques semaines plus tard, ce sera le grand frère qui fera la tombe de sa petite soeur, en enfermant dans une petite boite ses dernières cendres, accompagnées de quelques lucioles lumineuses.
Dans la nouvelle, cette tombe improvisée est seulement évoquée dans les premières lignes. Dans le film, elle joue un rôle plus important, apparaissant sous l'aspect d'une boite à bonbons à laquelle est attachée la petite Setsuko et qu'elle trimballe partout avec elle. Lorsque Maître Moun a trouvé cette boite de bonbons en métal dans l'épicerie Kyoko à Paris, puis dans plusieurs magasins au Japon, il s'est empressé d'en acheter, autant par fétichisme que par gourmandise. (Je vous aurai bien fait une photo de ces fameuses boites, mais je ne sais pas où le Moun les a cachées !).
Ce qu'il y a de plus terrible dans la Tombe des lucioles, c'est le sentiment d'injustice et de révolte que l'on ressent face la responsabilité des adultes. Aucun adulte - ni la tante, ni des voisins - ne vient en aide des enfants qui meurent dans une indifférence choquante.

Il est certain que cette histoire n'a pu que marquer les Japonais et interroger la responsabilité des survivants de l'après-guerre. Cette influence est telle qu'on la retrouve dans un film contemporain, sorti en 2004. Nobody knows (film japonais, comme son titre ne l'indique pas) raconte la lente déchéance de quatre enfants, abandonnés par une mère volage et livrés à eux-mêmes. Ce film est d'autant plus grave que cette fois-ci la guerre n'est plus là en arrière-fond pour justifier l'irresponsabilité des adultes...

La Tombe des lucioles (Hotaru no Haka)
Nosaka Akiyuki
Traduit par Patrick de Vos
Picquier
1967


mardi 29 juillet 2008

Qui descend le plus du singe ?

Quand je regarde Mina, c'est-à-dire quand je lève les yeux vers le ciel - soit vers le sommet d'un arbre, soit vers le haut d'une bibliothèque -, je me dis souvent que cette espèce de chat qui cohabite avec moi doit avoir des gènes de singe. Vous verriez la facilité avec laquelle la bête grimpe aux arbres ! De quoi vous donner le torticolis à lever ainsi la tête !
Cherchez le chat

Sans mentir, les singes que nous avons vu au Japon n'étaient pas plus habiles. Pourtant, génétiquement il est certain que le singe tient plus de l'homme (ou vice versa) que du chat !
Les singes sauvage qui vivent au Japon sont une variété du macaque appelé nihon-zaru. Il s'agit de l'espèce de primates la plus septentrionale. Et en effet, ces singes au pelage beige clair ont l'habitude de passer des hivers rudes dans la montagne enneigée et de supporter des températures largement négatives. L'image des singes qui font trempette dans les onsens (c'est-à-dire les sources chaudes) et se lancent des boules de neige est bien connue. C'est d'ailleurs ces images de guides touristiques qui nous ont donné envie de nous enfoncer dans les Alpes japonaises et de nous rendre jusqu'au parc naturel de Jigokudani Yaen-kôen, dans la "vallée de l'enfer", vers Yudanaka, près de Nagano, pour observer ces "singes de la neige" en liberté.

Le parc est un peu excentré et il faut marcher un petit kilomètre sur un sentier avant de rejoindre le parc proprement dit. Avant même de franchir l'entrée (et d'acheter notre billet), nous avons aperçu quelques singes qui batifolaient près d'une petite rivière et d'un geiser.
Ce n'est pas un barbecue, mais bien de la fumée qui sort naturellement de la terre

Maître Moun est devenu fou et a dégainé son appareil photo, mitraillant les petits modèles poilus... qui avaient l'air d'en avoir vu d'autres.


Cela nous semblait fou de nous approcher aussi près de singes qui ne semblaient pas avoir du tout peur des hommes. Mais nous n'étions pas au bout de nos surprises. Une fois franchie l'entrée du parc, les singes étaient dix fois plus nombreux ! Il y en près de 200. Nous avons donc une nouvelle fois ressorti nos appareils photos et fait de nombreuses photos de famille.


Evidemment, c'est la proximité du singe avec l'homme, dans ses gestes, ses mimiques, qui frappe, voire qui rend mal à l'aise. Observez le regard d'un singe : n'a-t-on pas l'impression d'y voir les yeux d'un homme ? Seules leurs bouilles rougies les rendent peu élégants.

Nous sommes restés un long moment parmi ces singes. Nous avons regardé les petits téter leur maman avec amour...

.. ou bien se balader en sécurité sur le ventre ou le dos de leur mère...


... ou se réchauffer dans l'eau chaude de la source...


... ou encore s'amuser à grimper sur les panneaux...


.. et à vouloir attraper l'innocente Geisha Line...

Aujourd'hui, ce qui m'amuse, c'est de me rendre sur la web-cam du parc (cliquez ici). Lorsque nous étions là-bas, il y avait un gros singe paresseux qui dormait sur la caméra. Peut-être y en a-t-il un en ce moment-même, sans qu'on puisse le voir ? C'est surtout marrant de regarder les singes à travers les saisons et, au fil des mois, les voir évoluer autour de leur grande piscine naturelle, sans se soucier le moins du monde d'être vus à l'autre bout du monde. N'est-ce pas là un loft-story mondial à la sauce primate ?

Nous avons également rencontré quelques singes sur l'île de Miyajima. Nous avions grimpé au sommet de l'île, sur le mont le plus élevé, et redescendions tranquillement dans la forêt déjà assombrie par le soir tombant. Maître Moun râlait un peu : "y sont où les singes que tu m'as promis ?" En effet, nul singe en vue, contrairement à ce qu'annonçait la brochure touristique. Mais tout à coup, nous avons entendu des bruits aigus, comme des cris de bébé affamé. Nous avons levé la tête. Des fleurs roses sont tombées sur notre tête. Un singe s'amusait à cueillir les fleurs d'un arbre et à les lancer sur les touristes intrus.

Ces singes-là étaient encore plus fascinants que les singes de Jigokudani Yaen-Koen car nous avions l'impression qu'ils étaient complètement sauvages, ne se donnant à voir qu'aux humains qui, comme nous, s'étaient éloignés des chemins touristiques. Peut-être se sont-ils amusés à se moquer de nous, ce jour-là. Autant que ces singes du village de Yudanaka qui s'amusaient à voler des œufs laissés à chauffer dans les sources chaudes, et à les croquer en quelques coups de dents !
Regardez le petit singe sur la gauche : c'est lui le voleur d'œuf !

Oui au Nô

J'ai beaucoup bavardé ces derniers temps, et je voudrais quand même revenir un peu au point de départ de ce blog : notre voyage au Japon.
Lorsque nous étions à Tokyo, nous avions le vague projet d'aller voir un spectacle de Nô. Mais le temps nous a manqué. Et puis il faut dire que vue la tête de nos amis japonais lorsque nous leur avions confié qu'on voulait assister à une représentation de Nô ou de Kabuki, on avait été un peu refroidis : les jeunes Japonais d'aujourd'hui avaient l'air de nous dire que le Nô, c'est quand même un peu ennuyeux/long/répétitif/incompréhensible (au choix) et résolument élitiste.

Finalement, le hasard a bien fait les choses. A la fin de notre séjour, lorsque nous sommes arrivés sur l'île de Miyajima, au large d'Hiroshima, la dame de l'office du tourisme nous a confié qu'on était chanceux car ce jour-là était le dernier jour d'un festival de Nô consacrant une représentation exceptionnelle n'ayant lieu qu'une fois dans l'année et, qui plus est, entièrement gratuite. Maître Moun était tout content et, à peine les sacs déposés au ryokan, nous nous sommes rendus sur la scène de théâtre de Nô.

Miyajima et le Nô vivent une belle histoire depuis 400 ans. Le sanctuaire d'Itsukushima abrite en effet la plus ancienne scène de théâtre Nô. Le plus fabuleux, c'est que la scène est entièrement construite sur la mer : la grande estrade de bois est édifiée sur pilotis, à quelques centimètres de la mer qui, au gré des marées, vient et se retire régulièrement sous les acteurs. Le théâtre est ouvert sur l'extérieur, seulement protégé des intempéries par un toit, et, entre les acteurs et le public, il y a un espace d'eau et de sable. Voici une photo pour mieux visualiser l'installation :
Le grand torii au loin, derrière la scène

Les spectateurs étaient assis par terre, sur le sol de bois. Nous avons essayé de nous faufiler pour nous mettre au premier rang. Devant nous, il y avait de grosses caméras de qualité professionnelle, avec trépieds, zoom hyper puissant et méga micro. Nous avons cru tout d'abord qu'il s'agissait de la télévision qui était venue enregistrer le spectacle. Mais nous nous sommes rendus compte que les cameramen étaient en fait de vieilles dames, sans doute des fans inconditionnelles de Nô qui avaient sorti tout leur matériel high-tech pour l'occasion ! Peu de temps après notre arrivée, elles ont commencé à plier bagage et l'une d'elles a insisté pour donner à Geisha Line un petit coussin pour ses petites fesses !
Les copines camerawomen de Geisha Line

Bref, nous avons pu rapidement être aux premières loges et assister pile face à la scène à la pièce jouée. Avec son appareil photo d'amateur, Maître Moun a pris le relais des vieilles dames à la vidéo.


Le bruit de fond désagréable, c'est le vent, vrai inconvénient d'une scène en pleine air ! Le vent était particulièrement fort et froid. Pourtant, spectateurs et acteurs semblaient imperturbables. La représentation durait toute la journée, soit près de sept heures, avec une alternance d'environ cinq pièces, appartenant à des genres différents. A côté de moi étaient assis un couple de personnes âgées. Le monsieur était très digne dans son costume ceintré et le visage impassible sous son chapeau. La concentration dont il faisait preuve m'a particulièrement frappé. Il suivait chaque mouvement de la scène, sans laisser apparaître la moindre émotion, et vérifiant régulièrement le titre des drames représentés sur son livret de théâtre. A midi pétante, son épouse a sorti de son sac deux bentos en bois, avec des baguettes, et ils ont ensemble mangé leurs makis tout en ne quittant pas la scène des yeux.


Au bout de quelques temps, la faim s'est également faite sentir dans l'estomac de mes maîtres. Ils avaient quelques scrupules à manger dans un théâtre. Mais ils se sont rendus compte que tout le monde autour d'eux avait sorti son pique-nique. Alors ils ont fait pareil en ouvrant leur paquet de chips et allant acheter des bentos vendus à l'arrière des spectateurs.


Et le spectacle, me direz-vous ? Si je parle beaucoup de tout ce qu'il y a autour, c'est que j'ai passé pas mal de temps (on a dû rester une heure ou une heure et demie environ) à regarder autour de moi, plutôt qu'à observer la scène. Car, soyons honnête, une grande partie de ce qui se passait sur la scène m'échappait ! Le Nô est un théâtre très stylisé et codifié, où chants et danses alternent, menés par des acteurs masqués et dont les gestes sont lentement rythmés et alourdis par de précieux costumes. C'est le cas par exemple de cet acteur qui devait avoir bien chaud sous sa coiffe et sa robe !

Ce qui frappe, évidemment, ce sont les vocalisations des chants, accompagnés d'instruments de musique minimalistes (des tambourins et une flûte traversière). Rien à voir avec les harmonies de notre musique occidentale ! Quant aux paroles, impossible de les comprendre bien entendu. Mais nous n'étions sans doute pas les seuls, puisque les pièces sont souvent jouées en japonais archaïque, la langue parlée au XVIe siècle.

Dans ces cas-là, il s'agit de se concentrer sur ce qui est universel : les gestes et les mimiques. Ceux-ci étaient relativement clairs pour l'une des pièces, où il était question du vol d'un pot de riz. A posteriori, je pense qu'il s'agissait d'un kyôgen, petite pièce comique jouée en intermède entre deux drames.


Il y a peu d'acteurs sur une scène de Nô, outre les musiciens qui restent sur le côté. En fait, l'intrigue est resserrée au maximum, concentrée autour de l'acteur principal (nommé shite) et de son faire-valoir, le waki, qui a pour rôle de donner une raison au shite de se mettre à danser et chanter. Des deux acteurs, seul le shite porte un masque. Ce masque l'aide à entrer dans la peau de tous les personnages qu'il doit jouer - aussi bien un vieillard, un prince qu'une femme (car, comme au temps de Shakespeare, il n'y a pas d'actrice dans le Nô), mais aussi un dieu ou un animal. Dès que l'acteur a revêtu le masque, il devient son personnage. Le masque concentre l'essence du personnage. On dit même que l'acteur passe des heures à contempler le masque qu'il doit porter, afin de s'imprégner du caractère profond du personnage qu'il doit incarner. Lorsque l'acteur ne porte pas de masque, il doit rester impassible, le visage complètement inexpressif, comme s'il portait un masque ! C'est en un sens une très claire façon de marquer la différence entre la réalité et la fiction, entre la vie et le jeu.


Ce qui est amusant, c'est que les masques sont plus petits que les visages des acteurs. Du coup, l'acteur ne voit pas très bien ce qui se passe sur scène et doit se repérer en fonction des poteaux qui composent le théâtre. Je ne sais pas vous, mais moi je serais mort d'angoisse à l'idée de trébucher !

Il y a plus d'une soixantaine de masques qui symbolisent autant de personnages. Ils sont réunis en six catégories : hommes, femmes, démons, vieillards, esprits vengeurs... Evidemment, il aurait fallu rester toute la journée pour contempler tous ces masques. Nous avons pu simplement observer les gracieux mouvements d'éventail de l'acteur. Il s'agit là aussi d'un accessoire essentiel, qui donne des indications sur la nature du personnage.


Au bout d'un bon moment, Geisha Line commençait à avoir drôlement froid, assise par terre ainsi en plein vent. Nous avons donc laissé là le vieux monsieur et son épouse, valeureux spectateurs, et abandonné à leurs vocalises les acteurs de la scène, et avons quitté le sanctuaire pour nous balader dans l'île. Quoi qu'il en soit, cet intermède de Nô fut une expérience hors du commun, c'est certain !

dimanche 27 juillet 2008

Basse table

Ils en ont rêvé, ils l'ont fait ! Mes maîtres ont cédé aux appels du temple de la consommation et se sont offerts une table basse d'inspiration japonaise. Je dis d'"inspiration", car le lien avec le Japon est assez ténu pour cette table "Made in Italia". Pourtant, mes maîtres avaient repéré sur Internet une boutique vendant des meubles japonais et s'imaginaient y trouver leur bonheur. Ils ont fait des kilomètres pour s'y rendre... pour finalement se dire que la table qui leur plaisait sur la photo était un peu chère et aussi un peu trop basse (les Japonais, sans doute, ont de toutes petites jambes !). Ils ont donc bêtement acheté une table basse carrée dans une grande enseigne d'ameublement.
Bref, mes maîtres ont pu enfin ressortir leurs chaises japonaises ramenées du Japon qui, depuis quelques semaines, avaient pour triste sort d'en être réduites à servir de "pare-chat" contre les assauts griffés du Ninja sur le canapé en cuir.

(Pas de commentaire sur la couleur des chaussettes blanches, merci !)

En accomodant tous les restes du dimanche soir et en les disposant artistiquement dans la porcelaine des 100 yens shop, mes maîtres se sont improvisés un petit dîner japonais.

Soupe miso maison, riz gluant vinaigré, carottes rapées à la Moun (et à la sauce de sésame), épinards et tempura (pas du tout maison cette fois-ci, mais merci au cuisinier tout frais !), thé vert...
... et un pose-baguettes sauvé des griffes du chat qui a cru que c'était un nouveau jouet :
Manger du riz nature devient un délice lorsque c'est accompagné de l'algue nori achetée dans une galerie marchande d'Osaka. Le nori est bien connu, car c'est l'algue rouge (qui est en fait noire lorsqu'elle est sèche et verte lorsqu'elle est humidifiée) qui entoure les maki. Mais la fameuse algue qu'on a achetée à Osaka a vraiment beaucoup plus de goût que celle qui accompagne les traditionnels maki des restau (pseudo-)japonais. Ca pique effrontément sous la langue et laisse un fort goût en bouche qu'il n'est pas vain d'adoucir par quelques gorgées de thé vert. Mes maîtres redoutent le moment où il n'y aura plus de nori dans la boîte, car ils doutent qu'on peut en trouver de cette qualité à Paris !


vendredi 25 juillet 2008

La boule coupable

J'ai trouvé un nouveau nom pour le Ninja : la Boule ! Si, si, je ne vous mens pas : ce surnom va comme un gant à la bête féline qui a le malheur de partager la vie sous mon toit.
Bon, je vous raconte ! Tant pis si ce post sera complètement sans rapport avec le Japon et donnera la réputation à ce site de n'être qu'un vulgaire Blog-à-chat...
Ce soir, dès que Geisha Line a mis un pied dans l'appartement, elle a tout de suite été assaillie par une très forte odeur agressant ses narines. Pourtant, comme à chaque fois, Mina est venir accueillir sa maîtresse, la queue en point d'interrogation et les moustaches blanches joyeusement vibrantes. Mais en caressant la Mina, Geisha Line a senti quelque chose de bizarre dans sa petite minette : son ventre était anormalement dur et et rebondi et, elle qui est d'habitude si vive et si alerte, avait la patte traînante et le regard mou. Les indices étaient flagrants : une forte odeur de croquettes au poulet à vous retourner l'estomac et un chat ayant miraculeusement gagné quelques centimètres de tour de ventre. Geisha Line a très rapidement flairé la mauvaise bêtise de son minou ! Et en effet, en entrant dans la salle de bain, elle a pu constater la scène du crime : l'énorme boite à croquettes, remplie le matin même par la maîtresse attentionnée, renversée sur le sol... avec tout son contenu éparpillé sur le sol. Mina, l'air faussement innocente, s'est perchée sur un placard et a regardé, d'un air détaché, son esclave de maîtresse ramasser toutes les croquettes une à une. Je peux vous dire que la Mina n'a pas bougé d'un poil, soudainement indifférente à cette profusion d'aliments carnés qui, en temps normal, la mettent dans une transe infernale. Geisha Line a jeté un coup d'oeil dans la litière et, voyant la quantité de caca-qui-pue s'y trouvant, elle a pu reconstituer avec une exactitude exemplaire le crime commis.
Quant à moi, peluche témoin, j'ai tout vu ! Croyez-moi, ce n'était pas beau à voir ! J'ai vu le chat se précipiter sur la boite en fer et taper dessus comme une folle jusqu'à la faire tomber dans un fracas assourdissant. J'ai vu le chat lancer le cri de la victoire dans un Miaaaaaaaaaaaouuuuuuuuu vainqueur. Et surtout j'ai vu le chat manger, manger, manger, et encore manger des croquettes, des croquettes, et encore encore des croquettes ! C'était une vraie orgie, un spectacle horriblement éprouvant pour les âmes sensibles comme moi. Le chat qui mangeait sans s'arrêter, jusqu'à ce que sa boulimie sans limite lui retourne l'estomac.
Ce soir, la Mina digère son inconséquence et ses excès. Elle dort comme une masse, incapable de courir après la moindre mouche. La boule à croquettes est lestée. Elle n'est pas prête de décoller.

La Boule avec 5 kg de croquettes dans le ventre
ou "Qui dort dîne aussi"

La Boule qui se sent quand même un peu coupable
et qui cherche un endroit pour se cacher




lundi 21 juillet 2008

Anata mo watashi mo pocky !

Si vous êtes déjà allés au Japon, vous avez sûrement déjà goûté aux Pocky. Les Pocky sont de fins gâteaux allongés, dont l'un des bouts est enrobé d'un nappage généralement au chocolat. Commercialisés en France, les Pocky ont pris le nom de Mikado. La marque, fabriquée par Glico depuis 1965, a beaucoup de succès, notamment auprès des jeunes. On trouve des Pocky dans tous les combinis et ils sont loin d'être tous au chocolat. Il y a en effet toutes sortes de parfums : fraise, raisin, melon, thé vert... Certains sont même annoncés pour les hommes, simplement parce qu'ils sont un peu plus amers !
Bref, au Japon, on avait goûté les Pocky au thé vert (ou du moins "Fran", son concurrent). Maître Moun a trouvé que ces gâteaux avaient un goût... disons, "spécial". La preuve, c'est qu'on s'est trimballé les Pocky dans le sac pendant au moins deux semaines (et évidemment, au bout de tout ce temps, ils ne ressemblaient plus qu'à une bouillie peu appétissante !).
Est-ce à dire que les Pocky aux saveurs exotiques ou farfelues sont plus des arguments marketing que des créations gastronomiques ? Peut-être bien !
En tous les cas, Pocky sait y faire en matière de publicité et de création du désir à partir de l'image publicitaire. En surfant sur Internet, je suis tombé sur toute une série de publicités pour Pocky. J'ai fait marcher YouTube, et voilà une petite sélection...
Pour commencer, une version franipponne quelque peu sexy pour les Pocky Decorer.

Oui, oui, écoutez bien, les filles parlent bien en français ! En revanche, je ne pense pas qu'un traducteur réellement francophone est l'auteur des paroles :
"Pocky fait craquer les filles
C'est une duration comme un gâteau...
"
"Duration" signifie-t-il "durée" ? Mystère !

Une version moins hot, mais cent fois plus kitch : les gentils amoureux qui dansent autour d'un Pocky dans un décor rose bonbon...

On se croirait revenu dans le dessin animé Candy, non ?

Une autre pub, comme il y en a un bon nombre, directement destinée aux adolescents. Nous voici dans une vraie sitcom japonaise :


Et enfin, l'une de mes publicités préférées : un Japon traditionnel avec une grosse touche d'auto-dérision...

"Anata mo watashi mo pocky !" Le slogan est facile à mémoriser. Si vous êtes japonophone, pourriez-vous me donner la traduction exacte ?
Allez, un petit coup encore en version MP3 :

Pocky! Anata mo watashi mo pocky! -

mardi 15 juillet 2008

Parlons chiffons

Il n'y a un rien de mieux qu'un petit week-end à la campagne pour mettre à profit l'extrême portabilité de son Eee-PC. J'ai ainsi pu écrire le chapitre 1 des "Mémoires métaphysiques d'un mouton en voyage", tandis qu'à mes côtés Maître Moun conduisait la Mounmobile. En revanche, je confirme qu'il faut avoir un estomac plutôt bien accroché, car au bout d'une heure passée les yeux rivés sur le petit écran et les doigts courant sur le minuscule clavier, j'avais un léger mal au coeur !
Heureusement, je me suis retenu et je n'ai pas vomi sur le tout nouveau Eee-PC de ma maîtresse. Il faut dire qu'elle n'aurait certainement pas aimé, d'autant plus qu'elle a passé un petit moment ce week-end à lui confectionner une belle pochette. Hé oui, elle n'a pas pu attendre pour avoir sa eee-pochette ! Du coup, elle a harcelé Mamicha qui a retrouvé dans les montagnes de tissus stockés dans ses placards des sets de table fleuris qui n'avaient jamais servi. Quelques coups de ciseaux, quelques points d'aiguille, un joli bouton et voilà, le nouveau Eee-PC a une jolie pochette 100 % gratuite !

Y'a même une petite poche à l'intérieur pour mettre en sécurité la clé USB (ou pour y cacher des mots doux de son amoureux) !
Geisha Line est en train de réfléchir à un moyen pour inclure sur le côté un petit porte-crayons qui pourrait être utile. Une pochette coordonnée pour le téléphone portable est aussi à l'étude.

Si vous avez l'esprit critique, vous me direz que cette pochette fait vraiment très très féminin et ressemble un peu trop à une trousse de toilette ! Ce n'est pas faux ! A vrai dire, Geisha Line regrette de ne pas avoir ramené du Japon de jolis tissus qui lui aurait été fort utile aujourd'hui pour se lancer dans ses lubies de couture. La tentation a souvent été forte dans les boutiques japonaises d'acheter quelques coupons de tissu. On trouve en effet dans les magasins beaucoup de pièces de tissus nommées "Furoshiki". Le furoshiki est au tissu ce qu'est l'origami au papier. Il s'agit d'un tissu qui sert à emballer des cadeaux avant de les offrir. On peut aussi emballer ses vêtements quand on va aux bains publics ou son bento quand on fait un pique-nique. Les furoshiki existent probablement depuis l'Ere Nara, c'est-à-dire depuis le 8e siècle. On ne plie pas le tissu n'importe comment : il y une technique bien spécifique et toutes sortes d'emballages envisageables en fonction de l'objet à recouvrir. Comme pour l'origami, il suffit d'avoir le coup de main ! Quelques exemples :

Avouez que c'est plus délicat de recevoir un cadeau emballé dans un joli tissu plutôt que dans un papier qu'on met aussitôt à la poubelle ! C'est aussi bien plus écologique. Pour cette raison, le furoshiki est remis au goût du jour au Japon et est redevenu à la mode.

Bref, encore une raison de retourner au Japon : acheter du furoshiki pour emballer l'ordinateur de poche de Geisha Line !

vendredi 11 juillet 2008

Tout rose pour madame

Ces derniers jours, comme à la même période chaque année, Maître Moun n'a cessé d'harceler Geisha Line : "Dis, qu'est-ce qu'tu veux pour ton anniversaire ?", lui a-t-il répété. "Euh, pas un parfum, ni un sac !", lui a répondu Geisha Line, préférant une réponse négative. Il est vrai qu'à raison de deux parfums offerts par an (un à Noël et un autre à l'anniversaire) et de quelques années de relation, Geisha Line a de quoi se parfumer pendant les dix ans à venir ! Quant aux sacs, ceux qui connaissent Geisha Line savent qu'elles adorent en avoir de toutes sortes et de toutes formes. Hélas, suite à une vive discussion menée devant le placard d'entrée où s'entassent une surpopulation impressionnante de sacs à mains en tous genres, une loi mounesque a été érigée par le Roi Moun : cette loi stipule que "tout sac entrant dans la maison doit être accompagné d'un sac sortant du placard-à-sacs (et, si possible, allant dans la poubelle, et non pas dans un autre placard)". Terrible loi pour Geisha Line qui n'est prête à se séparer d'aucun de ses sacs à mains fétiches !
Bref, Maître Moun a dû se creuser la tête pour trouver un cadeau à sa belle. Comme c'est un mari attentif, il s'est souvenu que dans un magasin elle avait une fois flashé sur de minuscules ordinateurs portables roses. Geisha Line avait oublié son coup de coeur, mais pas Maître Moun ! L'autre soir, il est revenu à la maison avec le sourire de celui-qui-a-fait-une-bêtise-mais-qui-est-vachement-fier-de-l'avoir-faite. Dans son impatience, il n'a pas pu attendre le jour J de l'anniversaire et a posé un paquet dans les bras de sa femme. Geisha Line a poussé un grand cri, presque gênée par un si précieux cadeau !
Le voici :

Alors, vous savez ce que c'est ? Cela tient dans une main, mais ce n'est pas un livre. C'est rose, mais ce n'est pas seulement pour les filles. Cela pèse moins d'un kilogramme et c'est donc bien moins lourd que le contenu du sac à main de Geisha Line. Cela ne vient pas du Japon, mais de Taïwan et c'est arrivé en France en janvier 2008. Cela est vendu sous la marque "Asus", comme, dixunt les concepteurs semble-t-il calés en mythologie, "Pegasus", le cheval ailé.

Les férus d'informatique auront déjà reconnu la petite merveille : le Eee PC !! C'est un tout petit ordinateur de poche qui a un poids plume et un prix très raisonnable vues les capacités de l'engin. Jugez un peu, le tout nouveau Eee PC 701 de Geisha Line pèse 920 grammes, a un processeur basse consommation Intel Celeron cadencé à 900 MHz, une mémoire vive de 512 Mo et 2 Go pour le stockage. "Easy to learn, Easy to work, Easy to play", dit le slogan publicitaire. Et c'est vrai : une fois déballé, il a fallu moins de cinq minutes pour se connecter au réseau Wifi de l'appartement et aller surfer sur Internet ! De nombreux logiciels libres sont installés et l'ordinateur est clé en mains. Fonctionnant sous Linux, l'interface est simple, et on peut téléphoner sous Skype, écrire un roman dans OpenOffice, écouter de la musique, et même se prendre en photo (il y a une webcam intégrée). Bref, "easy, excellent, exciting" comme ils disent chez Asus !
Hélas, l'engin a l'air de plaire à une bête furieuse qui a déjà essayé de le croquer (les Moun ont un chat qui mange les ordinateurs... ne cherchez pas à comprendre !) :


Geisha Line n'a qu'un seul regret : ne pas avoir eu le Eee PC plus tôt ! Si elle avait pu l'amener au Japon, elle aurait pu m'aider à tenir quotidiennement mon blog sans s'enfermer dans les manga-cafés ! Tant pis, il faudra retourner au Japon pour tenter l'expérience...
La tentation est forte d'amener le Eee PC lors des prochaines vacances. Mais comme mes valeureux maîtres ont prévu de partir faire de la bicyclette sous le vent (et la pluie) de la mer du Nord... je ne sais pas si c'est une bonne idée !
En attendant, Geisha Line fait comme toi, Padoule : l'ordinateur sur les genoux, allongée dans le canapé (avec vue sur la Tour Eiffel, à défaut des palmiers !), elle surfe sur mon génial blog :

Pour personnaliser son nouveau joujou, Geisha Line a dans l'idée de lui fabriquer une belle pochette de transport. Elle a déjà plein d'idées, mais elle n'est pas très forte en couture (récapitulons : Geisha Line ne sait ni coudre, ni faire la cuisine... on se demande bien comment elle a bien pu trouver un mari !). Elle aurait bien envie de troquer une des pochettes de la bloggeuse Syven. A moins qu'elle ne convînt Mamicha de ressortir sa machine à coudre (et de s'aider de ce tutorial par exemple...). A suivre...

En attendant, cela fait deux soirs que mes maîtres s'amusent comme des tarés avec leur mini-ordinateur, et en particulier la webcam. Profitez bien de la vidéo ci-dessous, car elle risque d'être censurée rapidement... Trop tard : censuré !

mardi 8 juillet 2008

"Une orgie de sushis"

"L'atmosphère est brillante, pétillante, racée, feutrée, cristalline. Magnifique.
- Nous allons faire une orgie de sushis, dit Kakuro en déployant sa serviette d'un geste enthousiaste. Vous ne m'en voudrez pas, j'ai déjà commandé ; je tiens à vous faire découvrir ce que je considère comme le meilleur de la cuisine japonaise à Paris.

- Pas du tout, dis-je en écarquillant les yeux parce que les serveurs ont déposé devant nous des bouteilles de saké et, dans une myriade de coupelles précieuses, toute une série de petits légumes qui ont l'air marinés dans un je-ne-sais-quoi qui doit être très bon. Et nous commençons. Je vais à la pêche au concombre mariné, qui n'a de concombre et de marinade que l'aspect tant c'est, sur la langue, une chose délicieuse. Kakuro soulève délicatement de ses baguettes de bois auburn un fragment de... mandarine ? tomate ? mangue ? et le fait disparaître avec dextérité. Je fourrage immédiatement dans la même coupelle.
C'est de la carotte sucrée pour dieux gourmets.
- Bon anniversaire alors ! dis-je en levant mon verre de saké.

- Merci, merci beaucoup ! dit-il en trinquant avec moi.
- C'est du poulpe ? je demande parce que je viens de dénicher un petit morceau de tentacule crénelé dans une coupelle de sauce jaune safran.
On apporte deux petits plateaux de bois épais, sans bords, surmontés de morceaux de poisson cru.
- Sashimis, dit Kakuro. Là aussi, vous trouverez du poulpe.

Je m'abîme dans la contemplation de l'ouvrage. La beauté visuelle en est à couper le souffle. Je coince un petit bout de chair blanc et gris entre mes baguettes malhabiles (du carrelet, me précise obligeamment Kakuro) et, bien décidée à l'extase, je goûte.
Qu'allons-nous chercher l'éternité dans l'éther d'essences invisibles ? Cette petite chose blanchâtre en est une miette bien tangible."

Les lecteurs d'un des best-seller de l'année (et même de l'année dernière) auront reconnu dans ces lignes les mots de Renée, la concierge narratrice de L'élégance du hérisson (Gallimard, p. 335-336). L'auteur de ce roman, Muriel Barbery, se trouve actuellement en congé sabbatique au Japon avec son mari (les chanceux).

Alors, les mets japonais sont-ils des miettes tangibles des essences invisibles ? Je ne sais pas. Mais l'idée d'avoir à croquer dans une carotte ou dans une tentacule de poulpe pour découvrir un petit bout d'éternité me plaît beaucoup. On dira que c'est mon côté mystique, hein !
Quoi qu'il en soit, si en bon collègue philosophe, j'ai reconnu sans difficulté le grand ponte de la Sorbonne qui se cache dans le roman sous le pseudonyme de "J. Marian"(il suffit de changer une lettre et d'ajouter une initiale pour en faire un prénom composé, et on se retrouve nez-à-nez avec le champion de la scolastique médiévale tendance secte), j'ignore ce qui se cache derrière ce menu succulent et j'aimerais bien que l'auteur me donne l'adresse de ce restaurant évoqué en toute fin du roman. Un tel restaurant existe-t-il seulement à Paris ? Soyons honnête, depuis notre retour en France, le Japon a bien du mal à revenir dans nos assiettes. Nous avons bien entendu cédé à la facilité du Japonais thaïlandais du coin, mais jamais ô grand jamais nous n'avons pu y retrouver les saveurs des sushis nippons.

Laissons-nous aller à la nostalgie, et rappelons à nos palais insatisfaits et à nos yeux incrédules les doux souvenirs gustatifs de notre voyage au Japon. Les photos ci-dessous ont été prises dans le petit ryokan de Bessho Onsen, ville thermale sur la route de Nagano. Notre hôte ne parlait pas un mot d'anglais (Maître Moun n'est pas prêt d'oublier la discussion mémorable au téléphone qu'il a eu avec ce monsieur pour réserver la chambre), mais il cuisinait de vrais chefs d'œuvre. Ce bon vieux Roland avait bien raison, les vrais repas japonais ressemblent à des tableaux.
Morceaux choisis... (ou comment manger avec un appareil photo à la main) :


On n'a pas pu prendre tout en gros plan, car il nous fallait garder un peu de temps pour manger tout de même.En fin de repas, il ne restait plus grand chose, à part une multitude de petites assiettes vides !

Ah, mince, voilà que j'ai faim maintenant ! Et si j'allais piquer une tête dans la baignoire, pour permettre à mon estomac de rafraîchir son désir impossible à satisfaire ? Cela ne vaut pas un plongeon dans la Méditerranée, comme peuvent se le permettre certains de mes lecteurs estivaux, mais on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a !


Padoule en vacances


Nuages de mots

Le fléau de l'humanité, c'est de croire que tout ce que doit faire l'être humain doit être utile. Qu'utile puisse rimer avec futile semble une provocation de la langue française à cette furieuse recherche de l'utilité, et donc de son double pécunier, la rentabilité (car time is money, c'est bien connu). Heureusement, tout le monde ne pense pas ça. J'ai même eu un pote, prénommé Emmanuel et vivant à Königsberg au XVIIIe siècle, qui disait que la grandeur d'une oeuvre d'art se mesurait à son inutilité, parce que l'art n'a d'autre raison que d'être une "finalité sans fin" n'ayant d'autre sens que celui qui se donne dans la fulgurance de son apparition.

Bon, bon, je m'emballe là ! C'est mon côté "philosophe" qui prend le dessus sur mon côté "voyageur". Il faut dire que j'ai eu le temps de méditer ces derniers temps : Maître Moun (contraint et forcé par sa femme) m'a amené avec lui au pays d'Autant en emporte le vent, mais, au lieu de me faire rencontrer la belle Scarlett, m'a gardé prisonnier dans sa valise ! A croire qu'il a honte de son mouton préféré... Maître indigne !

Bref, revenons à nos moutons, par un post complètement futile, je viens rendre grâce ici à l'inutilité, en vous faisant connaître une petite application gentiment vaine. En effet, si vous vous rendez sur le site Wordle, vous pourrez à l'envi vous amuser, comme moi, à créer des nuages de mots. Deux ou trois clics, et hop, des mots multicolores viennent en rythme danser un harmonieux ballet sur votre écran et constituer une toile inédite. J'ai tapé l'adresse de mon blog, et il en est ressorti ce nuage aux tons pastels :

Et puis ça m'a tellement fait rire, que j'ai recommencé encore une fois :
... et encore une autre fois :

Quelques nuées lexicales pour me rendre compte que j'ai une tendance particulière à abuser de l'adverbe "particulièrement". Hum, hum...

Pour que cette note ait l'illusion d'avoir un rapport (même lointain) avec le Japon, je me suis amusé également à transformer en nuages un petit haïku de Soseki, célèbre écrivain mort au début du XXe siècle. C'est un hommage aux grues, aux couleurs glacées de l'hiver :

Les hommes meurent
Et les grues naissent
Translucides et glacés

Dans tous les sens, cela donne ceci :
Finalement, les machines s'y connaissent en poésie : si une intelligence humaine avait cherché une couleur et une place pour le mot central "translucides", elle n'aurait pas pu en trouver de meilleures que celles qui se trouvent dans le nuage ci-dessus, n'est-ce pas ?