mercredi 19 novembre 2008

Cheval de Troyes

Maître Moun est parti en voyage d'affaires ce matin et a quitté sa belle Geisha pour le pays de l'andouillette. Il ne m'a pas amené, mais j'ai la preuve en image que sa valise était drôlement chargée pour un simple déplacement de deux jours...Mais que font donc tous ces doudous échappés de Paddyland dans la valise du grand maître ?!!!

lundi 17 novembre 2008

Botchan

Novembre 1905. Voilà 38 ans que le Japon vit à l'ère Meiji, période inédite qui a bouleversé son histoire et l'a fait s'ouvrir vers l'extérieur et entrer de plein pied dans la modernité. Un chat noir et un chat blanc se battent, tandis qu'un homme est assis devant chez lui et se coupe les ongles de pieds. Il s'agit de l'écrivain Soseki Natsume, né en 1867, quasiment en même temps que l'ère Meiji. "Où va le Japon ?" se demande-t-il, alors que germe en lui l'idée d'un nouveau roman. Un roman qui serait gai et drôle, un "récit picaresque avec une morale édifiante", dont le héros serait un "petit gars d'Edo" (p. 47). Doucement, le personnage de "Botchan" naît dans son esprit. Soseki ne sait pas encore très bien quelle sera l'intrigue de son roman. Ce qu'il sait, c'est qu'il a besoin d'écrire pour calmer ses nerfs, un peu comme si l'écriture était un "pet de l'esprit" (p. 50).
C'est ainsi que s'ouvre le monumental "manga littéraire" du scénariste Natsuo Sekikawa et du mangaka Jiro Taniguchi, dont j'ai déjà parlé à multiples reprises. Au temps de Botchan est un manga en cinq tomes qui dresse un panorama détaillé de la littérature japonaise de l'ère Meiji, au début du XXe siècle. S'intéressant à plusieurs personnages clés du monde culturel et littéraire, les deux auteurs évoquent avec précision cette époque d'un Japon à la fois fasciné par le monde occidental et violemment effrayé des changements brutaux des débuts de l'industrialisation et de l'occidentalisation qui le font tourner le dos à ses traditions.
J'avais abordé cette longue saga il y a quelques mois par le tome 4 (oui, je suis fâché avec l'ordre !), consacré à des portraits d'activistes politiques d'extrême gauche, et en particulier à l'anarchuste Shusui Kotoku qui sera condamné à mort pour avoir tenté d'assassiner l'empereur. Bien qu'il n'y ait pas d'ordre narratif imposé entre les différents tomes, j'avais trouvé ce manga relativement difficile à lire, dû en particulier à la grande quantité de noms et de personnages évoqués et à mes nombreuses lacunes sur la vie politique du Japon du début du siècle. Le volume 1 du Temps de Botchan est davantage centré sur l'histoire d'un seul personnage - celui de Soseki - et sur la naissance et l'écriture de son célèbre roman Botchan. Le manga paraît ainsi plus facilement abordable, d'autant plus que la richesse (quasi encyclopédique parfois !) du scénario est mise en valeur par le dessin précis et la construction presque cinématographique de Taniguchi. On assiste à la genèse d'une œuvre qui, bien que son auteur l'ignore encore, deviendra LE classique de la littérature japonaise, connu et étudié par tous les petits Japonais à l'école.
Honte à moi, je ne connaissais pas ce roman de Soseki. Pourtant le petit livre Botchan, dans sa jolie édition du Serpent à plume, dormait dans ma bibliothèque depuis des années, m'ayant suivi avec fidélité d'un déménagement à l'autre. La lecture du manga était donc l'occasion inespérée de lire enfin ce fameux roman. Il s'agit d'un roman à la première personne, raconté par le héros que sa nourrice appelle "Botchan", ce qui signifie jeune maître. Botchan se qualifie lui-même d'impulsif et bagarreur. La vérité, c'est qu'il se révèle souvent naïf et irréfléchi. Orphelin dès l'adolescence, il achève des études qui le mènent - sans qu'il l'ait vraiment choisi - vers la carrière de professeur de sciences physiques. Nommé loin de son Tokyo natal, dans une petite bourgade de l'île de Shikoku, il est projeté dans un univers qu'il juge immédiatement hostile et dans lequel il n'arrive pas à s'intégrer. Ses élèves se moquent de lui et lui jouent de vilains tours qui feraient cauchemarder tout stagiaire d'IUFM. Mais Botchan ne trouve pas plus d'affinité auprès de ses collègues qu'il baptise de surnoms ridicules et dont il découvre progressivement les manoeuvres intrigantes et hypocrites. Roman initiatique, Botchan est le récit désabusé d'un échec. Soseki a certainement été inspiré par sa propre expérience de jeune enseignant à Matsuyama, ville thermale perdue dans la campagne.
Le style de Soseki est sans concession, porté par un cynisme et un esprit satirique acerbe. Botchan est à la fois héros et anti-héros. Il se révèle orgueilleux, imbu de lui-même, méprisant vis-à-vis de ses jeunes élèves et dans l'ensemble souvent ridicule tant il porte sur les intrigues humaines un regard naïf, voire benet. Et en même temps, Botchan est malgré tout attachant, notamment par sa droiture inflexible et par l'affection qu'il porte à son ancienne domestique, Kyo, quasi seul personnage féminin du roman.
Soseki aurait écrit Botchan en quelques jours seulement - voilà qui m'impressionne ! La lecture de ce roman est une formidable plongée dans le Japon de Meiji qui, moderne à l'époque, apparaît à nos yeux aujourd'hui décalé et ancien. En même temps, j'ai trouvé qu'il y avait parfois quelques longueurs. L'histoire est enfermée dans le microcosme du lycée et, un peu plus largement, de la petite ville provinciale. L'intrigue, collée à cette unité de lieu, peine parfois à avancer et manque d'une dimension supérieure.
En tous les cas, la lecture conjointe du manga et du roman est une façon idéale d'aborder l'œuvre de Soseki et l'un et l'autre ne cessent de se répondre. J'ai lu les deux livre conjointement et j'ai même relu quelques passages du manga après avoir terminé le roman. Mieux qu'une adaptation d'un roman en BD, il s'agit avec Au temps de Botchan d'un vrai accompagnement critique qui éclaire l'oeuvre, son auteur et le contexte historique.

Au temps de Botchan
Natsuo Sekikawa (scénario) / Jiro Taniguchi (dessin)
Le Seuil
5 volumes, parus en France à partir de 2002 (et au Japon à partir de 1987)

Botchan
Natsume Soseki
Traduit par Hélène Morita
Le Serpent à plumes
1993 (paru au Japon en 1906)

vendredi 14 novembre 2008

Les valeureux perdants

Je suis sur-booké en ce moment et mes obligations de broutage professionnel m'obligent à mettre un peu de côté ce blog. Mais qu'à cela ne tienne, histoire de vous donner quelque chose à lire, en attendant des billets passionnants (mais si, mais si), voici un peu de réchauffé pour vous faire patienter...

Il y a quelques semaines, j'ai vu que l'association Jipango organisait un concours et, en lisant le sujet, j'ai tout de suite su qu'il était fait pour moi. Imaginez, il fallait écrire un petit texte sur son voyage de rêve au Japon et le premier prix était... un billet d'avion pour le Japon !
Illico presto, je me suis installé devant l'ordinateur et, sans me laisser distraire, j'ai tapouillé deux petits textes, me bridant quelque peu pour rester dans la limite impartie de 2 000 signes. Comme il paraît qu'on n'accorde pas de passeport aux moutons en peluche, je me suis dit que je pouvais faire acte de générosité de mes talents d'écrivain, et j'ai signé le premier texte "Geisha Line" et le second "Maître Moun". Bon, d'accord, usurpation d'identité, ça peut coûter cher, mais bon y'a des priorités dans la vie et un aller/retour Paris-Tokyo, cela en est une !

Bref, j'ai fait lire mes textes à Maître
Moun et je lui ai expliqué l'affaire (le billet d'avion 100 % gratos). Il est devenu fou, sautant partout dans l'appart' et faisant la danse de la victoire s'exclamant "je vais aller au Japon, je vais aller au Japon !" Maître Moun a toujours été un doux rêveur et il se voyait déjà à Narita International, prêt à partir à l'assaut des sushis et décidé à faire une cure d'okonomiyaki à tous les repas. Geisha Line (la voix de la sagesse, bien sûr) a eu beau lui expliquer qu'il fallait un peu redescendre sur terre et que le concours n'était pas gagné d'avance... rien n'y a fait et pendant deux jours il lui a rabattu les oreilles avec ses rêves japonais.

Et bien sûr, ce qui devait arriver arriva. A un moment donné il a fallu voir les choses en face : quand on a reçu les résultats du concours, on a bien dû constater qu'aucun de nous n'étaient parmi les gagnants. Tant pis, restons digne et ayons la défaite d'un bon perdant. (Non, ce n'est pas une larme que j'écrase au coin de l'œil).

Les textes des gagnants ont été publiés dans le dernier numéro de Jipango. Je vous laisse aller les lire et comparer avec les miens que je recopie ci-dessous...

Voici le voyage de rêve de Geisha
Line :

Mon Japon de rêve

Mon Japon de rêve, c’est d’abord celui que j’ai imaginé des semaines durant, après avoir réservé les tickets d’avion. Deux villes écrites en capitales sur le billet électronique – Paris, Tokyo – et entre les deux rien que du fantasme. J’imaginais une ville où les immeubles de verre gratteraient les nuages et je me disais que sur le reflet des buildings, il y aurait le Mont Fuji avec son sommet de chantilly, se confondant dans le bleu roi d’un paysage d’estampe d’autrefois.

Puis, cela a été le jour du départ. Je n’ai plus rêvé le Japon, je l’ai vécu. À Shibuya dans la foule des néons, à Kyoto dans le mystère des portes closes des maisons de thé de Gion, à Hiroshima dans la mémoire pesante de la barbarie, à Yudanaka dans un petit restaurant de sushis servant des poissons encore vivants. Mais, à Kamakura, près du sanctuaire Hachiman-gu, lorsqu’une pluie de pétales roses est tombée féériquement sur mes épaules, j’ai cru que je rêvais encore. J’aurais voulu arrêter cet instant au milieu des sakura.

Puis, je suis rentrée à Paris. Mon Japon de rêve est devenu alors celui de mes souvenirs. De toutes mes forces, j’ai essayé de retenir les images du passé : la saveur du thé vert et des gâteaux de haricot rouge dégustés devant les jardins de pierre, les bruits désordonnés du métro tokyoïte, le parfum inédit des tatamis usés des chambres de ryokan.

Mais au fil des mois, mes souvenirs s’estompent et la mémoire de mon voyage s’efface. Désormais, je veux penser à demain plutôt qu’à hier. Aujourd’hui, mon voyage de rêve, c’est celui que je ferai demain.

La pluie des fleurs de cerisiers à Kamakura


... Et le voyage de rêve de Maître
Moun, c'est celui-ci :

Five days

En préparant mon voyage au Japon, je m’étais dit qu’il fallait absolument aller dans un onsen, ville de sources chaudes. J’ai ouvert mon guide touristique et, un peu au hasard, j’ai pointé le doigt sur Bessho Onsen, village perdu vers Nagano. Pour réserver la chambre du ryokan, il a fallu téléphoner. À l’autre bout du fil, à 5 000 km de là, une voix âgée a répondu. L’homme ne parlait pas anglais et moi pas japonais. La conversation fut surréaliste : je disais « 5th April », l’homme comprenait « five day », je reformulais ma phrase, mais l’homme répondait toujours « ah ! five day ! ». Au bout de 10 min, l’homme a échappé un lourd soupir. « Day five april ? », a-t-il demandé. J’ai dit « yes », parce qu’il fallait bien finir par raccrocher.

Le 5 avril, quittant l’effervescence de Tokyo, je suis arrivé dans la petite gare de Bessho. J’ai trimballé mon sac jusqu’au ryokan. Un petit homme est arrivé en sautillant, un large sourire accroché aux oreilles. Il a pris mes bagages, m’a offert des chaussons, et m’a mené à ma chambre. Il y avait mon nom sur la porte. La pièce était grande et recouverte de tatamis. J’ai tout de suite su je serais bien ici.

Je me suis installé, puis l’homme m’a invité dans la pièce d’à côté. Une magnifique table était dressée, recouverte d’assiettes de fine porcelaine. Un poisson grillé me faisait de l’œil, du tofu chauffait sur un petit réchaud et des mets inconnus appelaient mes papilles. J’étais reçu comme un roi. Plus tard, lorsque je me suis immergé dans l’eau bouillante du onsen, j’ai fermé les yeux me disant que finalement ce bonheur japonais j’aurais aimé le vivre non pas seulement le 5 avril, mais bien durant « five days » !

Geisha Line devant le repas de rois

Alors, je ne l'aurais pas mérité mon voyage au Japon ?


mercredi 12 novembre 2008

Résumé des épisodes inédits

Hello, chers lecteurs !

Non, non, non, je ne vous ai pas oubliés ! (Mais peut-être que vous, de votre côté, vous m'avez oublié, hein, avouez !). Les jours, les semaines passent, mais pas une seule seconde m'est laissée pour ouvrir ce blog et y bafouiller quelques mots. Comme quoi, même les moutons en peluche sont victimes du temps qui passe !

Pour ne pas vous laisser en reste, voici un petit résumé des épisodes précédents qui n'ont pas été diffusés sur ce blog...

J'ai tout d'abord vécu d'intenses moments de solitude. Ah, la solitude, my Godness, que c'est triste ! Tout seul, émigré sur le thermostat de la chaudière du couloir, j'ai vu défiler les jours contemplant avec amertume les poils de chats recouvrant la moquette... Mes maîtres étaient trop occupés pour se souvenir de mon existence. Maître Moun, en vadrouille à l'autre bout de l'hémisphère Sud, a préféré son tout nouveau Doudou-Chat et l'a amené à ma place dans son voyage d'affaires pour tenter de rencontrer Nelson (pas Monfort, mais Mandela, of course). Damned, je suis devenu vert de jalousie devant une telle injustice. Heureusement, le Moun, charitable à ses heures, a ramené de son séjour sud-africain un copain de la brousse. Celui-ci me ressemble étrangement, bien que ce soit un singe. On le soupçonne d'avoir été fabriqué dans la même usine chinoise que moi. D'ailleurs, Mina-le-ninja ne s'y est pas trompée et l'a aussitôt félinement agressé.
Mais bon, bien qu'il ne soit pas fute-fute, ce nouvel ami peluche est assez sympa et au moins, ça me fait quelqu'un avec qui parler sur mon thermostat solitaire.


De son côté, Geisha Line, abandonnée par son petit mari, n'a pas même eu l'idée d'en profiter pour me bichonner. Au contraire, elle a joué les Pénélope attendant son Ulysse. Alternant machine à coudre et machine à écrire, elle s'est mise à coudre des doudous à la chaîne, leur inventant tour à tour un costume et une jolie histoire. Une nouvelle rivale pour moi, un nouveau site Internet encore à l'état de chantier... et me voici encore une fois passé aux oubliettes !
Heureusement, alors que mes maîtres étaient occupés ailleurs, j'ai eu un peu de visite. L'ami Roddy, mon merveilleux compatriote, est passé à la maison. Il était avec un nouveau pote à lui, Stony, venu tout droit du mystérieux Stonehenge.
Nous avons devisé toute la soirée, nous remémorant de valeureux souvenirs d'anciens brouteurs de pelouse verte. Ah, quel bon moment passé ensemble, immortalisé par cette joyeuse photo de famille !

Autre moment joyeux dans ma triste vie de ces derniers jours, et pas des moindres : mon mariage ! Oui, vous avez bien lu, je me suis marié ! L'heureuse élue s'appelle Mounette. Elle a, comme il se doit pour un nippophile comme moi, des origines japonaises et porte le kimono à merveille. Bon, OK, c'est une brebis maîtresse femme qui, je dois l'avouer, me fait un peu peur et qui ne laisse pas de doute pour savoir qui porte la culotte dans le couple.
Mounette est née sous les doigts habiles et l'imagination infinie de la talentueuse Mimi Kaolin, avec qui Geisha Line a swappé il y a quelque temps. Mimi a été d'une générosité complètement déraisonnable qui a beaucoup touché Geisha Line. La brebis Mounette est venue célébrer la noce dans un restaurant japonais de la rue Sainte-Anne et, entre deux plats de riz, a présenté sa riche dot devant les yeux ébahis des Moun.

Un joli pendentif qui a trouvé sa place sur la porte d'entrée (hors d'accès du chat, ouf !) et une jolie fleurette de couturière pour Geisha Line :
... de trop jolis papiers, de taille et de texture différents, pour inventer de nouveaux origamis et de magnifiques pochoirs multicolores, estampillés "sakura" :
... et de beaux coupons de tissus japonais :

Ah, et il y avait aussi une sucette Hello Kitty. Mais elle a très rapidement disparu sous des dents connaisseuses, hélas !
Merci mille fois Mimi Kaolin ! Ma maîtresse ne méritait pas tant de générosité ! Mais n'espère pas t'en sortir si facilement : les mains gauches de Geisha Line fomentent un p'tit cadeau de remerciement pour un certain fan de Pokemon de ta connaissance, hé hé !