vendredi 27 juin 2008

La loterie des dieux

Je continue ma série sur la religion au Japon, commencée ici et poursuivie .
Je disais hier que les Japonais vivent la religion sur un mode ludique. C'est particulièrement frappant avec l'exemple des petits papiers qu'on nomme omikuji. La première fois que nous sommes entrés dans un temple bouddhique et un sanctuaire shinto, nous n'avions jamais entendu parler des omikuji. Nous avons donc été surpris lorsque nous avons vu tous ces morceaux de papier blanc accrochés sur les fils d'un grand panneau, dans un coin du sanctuaire :

Comme à chaque fois qu'au Japon nous nous sommes retrouvés devant une coutume en apparence insolite, nous avons pris le temps d'observer les gens et leurs gestes pour en comprendre le fin mot. Nous avons pu constater ainsi ce rituel : après avoir versé quelques centaines de yens, les personnes secouaient une boite allongée, y piochaient un numéro et l'homme ou la femme se trouvant à la "boutique" du sanctuaire ouvrait un petit tiroir et en tirait un long papier blanc, couvert de signes. Les Japonais lisaient avec attention ce papier, souvent en riant ou du moins en souriant, puis soit le pliaient et le gardaient dans leur poche, soit allaient le suspendre à un arbre ou à un vaste tableau, déjà recouvert de papiers pliés. Nous avons rapidement compris que sur ces papiers il devait y avoir des prédictions. Mais le mystère restait entier quant à savoir ce qu'il y avait d'inscrit précisément sur ces bandes de papier.
C'est une amie de Geisha Line qui nous a expliqué en détail le rituel, en le réalisant devant nous et en traduisant les inscriptions du papier. Celui-ci annonce la bonne ou au contraire la mauvaise fortune à celui qui l'a tiré au sort. On trouve plusieurs prédictions, présentées en ordre décroissant, dont une seulement est cochée :
Daikichi (très très bon)
Chukichi (très bon)
Kichi (bon)
Suekichi (bon mais tardif)
Syokichi (ni bon ni mauvais)
Kyou (mauvais)
Daikyou (très mauvais)
Si l'oracle nous a annoncé une bonne nouvelle, on garde le papier et on peut le mettre dans ses affaires, comme une amulettes. Si au contraire la prédiction est de mauvaise augure, on l'accroche à un arbre pour que le mauvais sort soit déjoué.
Ce jour-là, notre amie avait tiré le présage "kichi". Elle voulait s'en débarrasser. Étonnés, nous lui avons dit que "bon" c'était déjà pas si mal, même si ce n'était pas un destin "très très bon" qui était annoncé. Finalement, elle a plié le papier et l'a gardé dans sa poche. Soyons pragmatiques, comme mes maîtres : pourquoi bouder un bonheur, même s'il est tout tout petit ?

J'ignore ce que deviennent les omikuji suspendus aux arbres des temples : finissent-ils brûlés par les prêtres lorsqu'il commence à y avoir surproduction de papier ? Même question pour les plaquettes de bois que sont les ema. Et puis surtout, la question que je me pose est celle-ci : les Japonais croient-ils vraiment à toutes ces superstitions ? Car au fond, ne sommes-nous pas là dans le même registre que l'horoscope de Marie-Claire ?! J'imagine que chacun y croit quand ça l'arrange, non ?
En tout cas, si vous voulez tenter vous aussi l'expérience et que vous n'avez pas les sous pour aller jusqu'au Japon, vous pouvez jouer à la loterie sacrée sur Internet en allant sur ce site (en anglais). Alors, la chance est avec vous ?




jeudi 26 juin 2008

Prions un peu (2e partie)

J'avais commencé à parler de la religion au Japon et j'avais dit qu'il y aurait une suite... La voici donc enfin !

Comme je le disais, ce qui m'a particulièrement frappé, c'est la forte présence du sentiment religieux et des rites dans la population japonaise, quels que soient l'âge ou l'origine géographique des personnes. Ce pays qu'on considère si moderne n'a pas tourné le dos aux traditions religieuses en se lançant à l'assaut du XXIe siècle.

En même temps, il m'a semblé que le sentiment religieux était souvent une foi très proche de la superstition. Lorsque les Japonais prient les dieux, c'est la plupart du temps pour leur demander quelque chose ! La preuve en est avec la multitude de plaquettes votives nommées ema qu'on rencontre dans les sanctuaires shinto. Ces plaquettes de bois sont achetées à l'entrée des sanctuaires par les fidèles qui y inscrivent leurs souhaits (santé, bébé, succès scolaire ou professionnel...), puis les suspendent sur un grand panneau. Quand il y a beaucoup de vent, on entend les plaquettes se cogner les unes contre les autres dans une mélodie harmonieuse.



Comme je suis un grand curieux, je me suis souvent surpris à lire ces souhaits... quand ils étaient écrits dans une langue connue de moi bien évidemment. C'était parfois émouvant. Ou parfois drôle : j'ai surpris une plaquette sur laquelle un Français avait écrit une blague dans un vocabulaire pas très châtié. Ah ces Français ! (Hélas, je n'ai pas retrouvé la photo qui a sans doute été effacée lorsque nous étions à court de carte mémoire.)

Chaque santuaire abrite des ema au motif différent, propre au dieu auquel est consacré le lieu sacré. Ci-dessous, on voit sur la photo prise dans le parc Ueno, à Tokyo, que les dessins des plaques de bois reprennent le visage de la statue qui se trouve dans le sanctuaire.


A l'origine, le terme ema signifie "tableau-cheval". A l'époque féodale, les chevaux étaient considérés comme des animaux sacrés, véritables messagers et montures des dieux. Ce n'était pas un dessin de cheval que l'on offrait dans les sanctuaires shinto, mais un vrai cheval, lorsqu'il était question de prier pour une météo clémente avec les cultures ou bien pour apaiser la colère des dieux. Plus tard, les chevaux furent dessinés sur des plaquettes de bois qui en vinrent ensuite à représenter toutes sortes de sujets.

Aujourd'hui, les Japonais viennent y écrire leur voeu et choisissent le sanctuaire à qui adresser leur souhait. Ainsi, si vous souhaitez trouver (ou garder) un amoureux (ou une amoureuse), il vous faudrait aller dans ce petit sanctuaire de Nara, entièrement consacré à l'amour. Les ema sont en forme de coeur, n'est-ce pas mignon ?


Dans ce sanctuaire, il y avait d'autres plaques votives, ainsi que des statues, représentant des motifs en lien avec l'amour... mais beaucoup plus explicites ! Si vous avez l'esprit mal placé et avez des tendances pervers, vous comprendrez tout de suite ce que représentaient ces dessins. Mais j'étais accompagné de jeunes femmes japonaises et je n'ai pas osé diriger mon appareil photo vers cette partie du sanctuaire. Tant pis pour vous, vous n'aurez pas de dessins obsènes ici !

La prochaine fois, je vous parlerai des omikuji... Donc à suivre !





lundi 23 juin 2008

La Suède au Japon

Ce week-end, mes maîtres se sont rendus à Ikéa. Ils aiment bien aller à Ikéa. Pas seulement pour regarder les meubles, ouvrir les portes des placards de cuisine ou essayer l'assise des canapés, mais aussi tout simplement pour observer les gens qui, comme eux, se promènent dans l'immense magasin. Il y en a toujours pour s'installer confortablement sur un sofa et deviser avec son conjoint tout comme s'ils étaient exactement dans leur salon. Et puis surtout on y croise immanquablement des couples qui se disputent. Cela donne toujours des dialogues fabuleux, du genre "Puisque c'est comme ça je ne remettrai plus jamais de ma vie les pieds à Ikéa !" (lancé sur un ton hargneux, sans appel), ou encore "Je te dis qu'il faut prendre le plan de travail noir et non pas marron, pourquoi tu m'écoutes pas, b***** de m***** !" (propos censurés). Après avoir vu tous ces couples, épuisés par trois heures d'arpentage intensif dans les couloirs de la grande surface commerciale, Geisha Line a eu envie de se disputer avec Maître Moun, mais il n'y a rien eu à faire, mes maîtres s'entendaient à merveille. Alors ils ont juste fait semblant de se chamailler, juste pour le fun (on s'amuse comme on peut) !

En bons consommateurs, après avoir fait leurs achats, mes maîtres se sont rendus à la cafétéria d'Ikéa pour déjeuner. Devant une assiette de saumon fumé à l'aneth (histoire de rester dans l'ambiance scandinave), Geisha Line s'est exclamée que visiter Ikéa lui donnait sacrément envie de se rendre en Suède et elle s'est demandée si le ministère du tourisme suédois avait des intérêts dans la célèbre marque de magasins d'ameublement. Car quand on y pense, les magasins Ikéa ne sont-ils pas de convaincants ambassadeurs de la Suède dans le monde entier ? A part ABBA, Björn Borg et Ingmar Bergman, que connaît-on d'autre de la Suède, hormis l'image simple et fonctionnelle véhiculée par le vendeur de meubles ? Moi-même, sans le logo d'Ikéa, je ne sais pas si je saurais dire quelles sont les couleurs du drapeau suédois...
De retour à la maison, mes maîtres ont entassé dans le couloir les nombreux cartons des meubles en kit qu'ils avaient achetés. Mina, habile experte en montage (et surtout démontage), s'est chargée de déballer les colis...... et de visser les étagères. Sachez que la force naturelle de l'incroyable Mina est telle qu'elle peut se servir de ses dents comme tournevis... L'incroyable Hulk à côté d'elle, c'est de la gnognote !

Maître Moun a accepté de donner un coup de main à Mina, mais celle-ci n'a pas dérogé à son rôle de contremaître et a pris tous les risques pour vérifier la qualité du travail de son ouvrier.

Bref, pendant que Mina bricolait, j'ai eu tout le loisir de me poser des questions existentielles : quid de Ikéa au Japon ? A priori, j'aurais dit que la marque Ikéa aurait tout pour plaire aux Japonais : on retrouve chez les meubles du Suédois le même goût japonais pour la simplicité, la prédominance des matières naturelles comme le bois travaillé de façon épurée, et la recherche de solutions ingénieuses pour un habitat petit et confiné. Apparemment, je suis loin d'être seul à avoir fait cette analyse, puisque Tommy Kullberg, patron d'Ikéa Japan, est arrivé aux mêmes conclusions (voir cet article). Mais une petite recherche sur Internet m'a permis d'apprendre que le coup de foudre entre Ikéa et les Japonais n'avait pas été immédiat. Aujourd'hui, le groupe Ikéa, fondé en 1943, est implanté dans 34 pays avec 220 magasins dans le monde (voir l'historique sur leur site), mais il ne s'est installé au Japon que récemment, avec une première boutique ouverte à l'est de Tokyo en avril 2006. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour se lancer à l'assaut du gigantesque marché japonais ? A vrai dire, Ikéa avait déjà tenté de s'implanter au Japon au milieu des années 1980. Mais l'expérience s'était soldée par un échec, sans doute faute d'une bonne compréhension des attentes du public nippon. Vingt ans plus tard, Ikéa a accepté d'adapter son catalogue en fonction de certaines caractéristiques du marché japonais et a par exemple revu à la baisse la taille de certains de ses meubles (car évidemment les lits de 2,50 mètres de long ne correspondaient pas à la taille moyenne d'un couple de Japonais !). Les moeurs japonaises ont elles aussi évolué et il n'est plus si choquant pour un Japonais d'avoir à se servir et à monter soi-même son meuble, comme le veut le concept même de l'ameublement en kit.

A lire les témoignages de Français expatriés en visite dans les magasins Ikéa du Japon (par exemple David ou Mariem), il ne semble pas y avoir tant de différences avec les boutiques qu'on trouve chez nous. Bien sûr, le service est meilleur au Japon... mais ce n'est pas étonnant quand on connaît les efforts des Japonais à bien servir leur clientèle. J'ai feuilleté le catalogue en ligne du site Ikéa Japon et j'ai vu exactement les mêmes photographies et les mêmes produits que sur notre catalogue français. C'est là qu'on s'aperçoit de l'impact du mondialisme sur l'uniformisation des goûts mondiaux...

Dommage, car le design suédois à la sauce japonaise m'aurait bien plu : mes maîtres auraient ainsi pu enfin trouver une table basse à la bonne hauteur, adaptée aux sièges qu'ils ont ramenés du Japon. Car pour le moment, lorsqu'ils s'assoient sur leurs chaises japonaises, mes maîtres ont directement la tête au niveau du haut de leur table basse française... ce qui leur donne une attitude plutôt bestiale lorsqu'ils ont l'idée de dîner assis par terre, à la Japonaise !

En fait, pour trouver leur bonheur, les Moun devraient plutôt se rendre chez le concurrent japonais d'Ikéa : Muji. Il s'agit d'une chaîne de meubles et d'objets pour la maison, née en 1980, qui se distingue par un design encore plus épuré et minimaliste que celui d'Ikéa et qui joue sur la tendance écolo. Au Japon, les magasins Muji ont beaucoup de succès et offrent des produits bons marchés... ce qui n'est pas vraiment le cas en France, où la marque s'est plutôt lancé dans un créneau citadin branché (et fortuné). J'ai regardé sur le catalogue de Muji France, mais celui-ci a été retravaillé au goût des Français, et impossible de trouver une table basse vraiment basse. En revanche, on trouve de tels produits sur le catalogue nippon qui visiblement s'est posé les mêmes questions que mes maîtres.
Extraits du catalogue Muji Japon

Le problème, c'est que le Japon, ça fait tout de même un peu loin pour s'acheter une table basse... même en kit !


lundi 16 juin 2008

Les onigiris du dimanche soir

Au Japon, il y a un met que Geisha Line aimait bien acheter dans les combinis, pendant que Maître Moun dévalisait le rayon des bonbons : des onigiris. Un onigiri est une petite boulette de riz, la plupart du temps de forme triangulaire. Il est généralement fouré d'une petite prune salée (umeboshi), ou bien de poisson, de légumes, ou de toute autre chose (tout étant marqué en japonais, je n'ai pas pu identifier tout ce que j'ai pu manger !). L'onigiri est l'équivalent du sandwich jambon-beurre à la japonaise. Le riz est entouré d'une algue nori, petite lamelle noire que l'on trouve dans les makis. C'est drôlement facile à manger, si bien qu'on peut grignoter sa bouchée de riz n'importe où et à toute heure de la journée. On pourrait croire que manger du riz froid en en-cas, c'est un peu bizarre. En fait, c'est super bon et, avouez-le, bien plus diététique qu'avaler une barre chocolatée hyper-caloriée !

Dans les supermarchés, on trouve tout un tas d'onigiris différents, pour à peine plus de 100 yens. Ils sont frais et savamment emballés. Pour protéger l'algue nori, celle-ci n'entre en contact avec le riz que lorsqu'on tire sur l'emballage plastique. La première fois, Geisha Line a eu un peu de mal à comprendre comment ça marchait, mais Moun, toujours aussi malin, lui a montré le truc !

Dans un 100-yen shop, mes maîtres ont acheté de petits moules de plastique pour fabriquer des onigiris sans trop se prendre la tête. Voilà un bon moment que l'envie les démangeait d'essayer leurs nouveaux moules, mais ils étaient à cours de riz. Mais ils ont rempli les placards la semaine dernière et ils n'avaient plus d'excuse pour ne pas ressortir l'auto-cuiseur et tenter une nouvelle expérience culinaire.

Ce n'est pas bien difficile de faire des onigiris. Le tout est de réussir la cuisson du riz. Il faut avouer que Maître Moun est de plus en plus doué en la matière. Il veille à bien rincer le riz avant de le cuire, afin d'enlever l'amidon. Cela peut paraître un peu fastidieux, mais c'est ce qui fait toute la différence au final. Dimanche soir, mes maîtres ont jeté le chat hors de la cuisine et se sont mis à mouler du riz. On ne pouvait plus les arrêter ! Mais pour tout dire, l'idée de faire des onigiris ne leur est venue que cinq minutes avant de s'y mettre : du coup, ils n'avaient pas grand chose à fourer dans leurs boulettes de riz. Heureusement, ils ont dégotté dans leur frigo quelques batons de surimi. Geisha Line a bien eu l'idée de tenter des onigiris au camembert, mais Maître Moun a refusé un tel sacrilège ! Bien qu'ils soient presque natures, les onigiris des Moun étaient excellents. Cela venait aussi certainement de la grande qualité du nori, acheté à Kyoto dans une petite boutique du grand marché couvert de Nishikikoji-dori.


Les onigiris ont donc fait le repas du dimanche soir chez les Moun... ce qui serait sûrement une hérésie pour des Japonais puisque les onigiris ne sont pas considérés comme un vrai plat !

Pour accompagner le riz, Maître Moun a concocté une soupe miso maison (avec le miso brun qui dort depuis des semaines dans la porte du frigo), une salade de roquette finement assaisonnée à la sauce sésame et puis aussi une petite purée de patate douce.


La patate douce, que les Japonais nomment satsuma imo, est également une (re)découverte faite au Japon. Maître Moun en mangeait quand il était petit garçon et il a été ravi de retrouver au Japon cette saveur de son enfance parisienne. Au Japon, la patate douce a une chair jaune très claire et une peau marron-rose. On la mange tout simplement grillée, avec la peau, et on peut l'acheter dans la rue à un marchand ambulant. Elle ressemble un peu à de la pomme de terre, mais avec un goût beaucoup plus doux et sucré, proche de la châtaigne. La patate douce vient des Tropiques, mais on en trouve en France bien entendu. Les patates douces de nos supermarchés sont cependant un peu différentes de celles du Japon : elles ont une chair plus orangée, ressemblant un peu à celle du potiron.

Maintenant que les Moun savent faire les onigiris, ils pourront en prévoir pour leur prochain pique-nique dans leur bento. Quand Geisha Line voit les bentos de certaines bloggeuses (comme sur le blog de Pimp and Pomme ou encore les rigolos bentos de Cvalou), avec leurs jolis onigiris, elle regrette de manger à la cantine (...ou plutôt d'être trop paresseuse pour avoir le courage de se mettre chaque jour en cuisine pour préparer son pannier-repas !).



Les jeunes filles ne sont plus ce qu'elles étaient

Je continue d'explorer l'univers manga en rodant au rayon BD de ma bibliothèque municipale. Bientôt, j'aurai épuisé la source, car c'est une petite bibliothèque qui n'est pas très riche en mangas. Mes deux dernières découvertes sont des mangas avec des filles... mais attention, les héroïnes nous font entrer dans un univers plus trash que romantique !

Le premier album s'intitule Le Cercle du suicide, d'Usamaru Furuya, publié chez Sakka (Casterman). Le manga s'ouvre sur une scène violente, difficilement soutenable : à la station Shinjuku, à Tokyo, 54 jeunes lycéennes se jettent du quai sous le métro entrant en gare. Des jolies jeunes filles en uniformes, il ne reste plus que leurs cadavres sanglants et déchiquetés. Le mangaka ne pratique pas l'ellipse et nous donne à voir la scène du suicide collectif. Personnellement, j'ai vite tourné la page pour ne pas trop attarder mon regard sur ces images morbides (je suis un mouton sensible et émotif !). Dans ce carnage, une adolescente est survivante : Saya. La jeune Saya a du mal à accepter la situation et elle s'enferme encore plus dans son mal-être. Mais elle retrouve une énergie de vie en devenant à son tour, comme l'avait été sa camarade Mitsuko, sorte de gourou d'un nouveau "cercle du suicide" et en rassemblant d'autres jeunes lycéennes perdues, pour qui elle apparaît comme un modèle. Les suicides sont un cercle sans fin duquel on ne peut sortir vivant...
Il pourrait y avoir dans ce manga une vague analyse sociologique d'une société japonaise à la dérive où les adolescentes se prostituent après la classe et où la mort fascine et rassemble. Mais le propos de l'auteur est essentiellement fantastique. Il ne se soucie pas vraiment de chercher des explications sociétales ou psychologiques aux suicides de ces jeunes filles, mais achemine plutôt son histoire vers un thriller quelque peu effrayant et, du moins, qui met très mal à l'aise. J'ai refermé l'album avec une vraie impression de malaise. Les dessins sont plutôt agréables - les traits fins et travaillés -, les personnages féminins sont jolis (les jupes des lycéennes sont très très courtes, fantasme semble-t-il récurrent chez les mangakas !)... ce qui, par contraste, rend encore plus terrible la noirceur de l'histoire et la violence de certaines scènes. J'ai trouvé que cette violence était gratuite : y avait-il d'autres intentions derrière le sang et les têtes décapitées ? Les allusions fantastiques viennent anéantir toute subtilité socio-psychologique, qu'on avait pu trouver dans le film Virgin suicides de la fille Coppola, qui traite du même sujet. D'ailleurs, il semble que le manga soit l'adaptation d'un film japonais de Shion Sono... mais si les images du film sont aussi rudes que celle du manga, je crois que ce n'est pas trop pour moi !

Ne quittons pas l'univers des jeunes filles japonaises, mais changeons de genre. Pink est une histoire de fille, écrite par une fille - Kyoto Okazaki. Casterman a eu l'originalité d'éditer cet ouvrage dans deux formats : la collection "Sakka" en sens de lecture japonais, et, à un prix plus élevé, l'adaptation au sens de lecture occidentale dans la collection "Ecritures".
L'héroïne s'appelle Yumi. Elle a 22 ans. Le jour, elle est employée de bureau et la nuit elle est call-girl pour arrondir ses fins de mois et ramener assez d'argent pour nourrir le vorace animal de compagnie qu'elle élève dans son salon : un crocodile ! Autour d'elle gravitent des personnages presque aussi déjantés qu'elle - Keiko, sa petite soeur capricieuse ; Haruo, l'amant de sa belle-mère qui va devenir son petit-ami ; ou encore sa marâtre, aussi machiavélique que la belle-mère de Blanche-Neige.

Le personnage de Yumi décontenance tant elle est originale et imprévisible. Il en est de même pour l'album qui ne cesse d'adopter des directions différentes et de bousculer son lecteur en changeant les points de vue et les narrateurs. L'ensemble est foisonnant et brouillon en même temps, comme le trait de la dessinatrice qui est souvent lâche et imprécis. Des thèmes graves, comme la prostitution et la solitude citadine, sont traités avec insouciance. Le sexe est très présent et montré sans tabou ni pudeur. Parodie de conte de fée ? Portrait réaliste de la jeunesse féminine ? Histoire d'amour ? Pink est tout cela en même temps sans vraiment vouloir se limiter à un seul genre.

Personnellement, j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de choses intéressantes dans cet album, mais qu'il donnait l'impression de partir dans tous les sens et de ne pas être complètement fini. J'aurais aimé moins de pages, mais plus travaillées et pensées. Mais bon, peut-être est-ce encore mon esprit cartésien qui a du mal à se faire au foisonnement narratif...

Le Cercle du suicide
Usamaru Furuya
Traduction : Naomiki Sato & Marie-Saskia Raynal
Casterman - collection Sakka

Pink
Kyoto Okazaki
Casterman - collection Sakka et collection Ecritures

jeudi 12 juin 2008

Des grues de papier

Demain, c'est vendredi 13. Geisha Line a décidé que le vendredi 13 était un jour comme les autres, parce qu'elle est née un 13 et qu'elle n'a jamais cru aux mauvaises superstitions. La preuve, c'est qu'elle a vécu pendant plusieurs années avec un chat noir et, à part quelques mauvais coups de griffe, il ne lui ai jamais rien arrivé de vilain.
Mais tout de même, quand ça l'arrange, Geisha Line veut bien être un tout petit peu superstitieuse. Parce que demain, quelqu'un que Geisha Line connaît très très bien depuis sa naissance (et même qu'elle a connu les neuf mois avant qu'elle ne soit arrivée au jour) va se faire opérer. On a beau vouloir faire confiance à la médecine moderne, c'est tout de même un peu angoissant.
Alors, pour matérialiser l'espoir et la chance, Geisha Line fait comme une petite fille d'Hiroshima nommée Sadako Sasaki : elle plie des grues de papier. Au Japon, la grue est symbole de longévité et de santé. Un proverbe dit que celui qui pliera mille grues verra son voeu exaucé. Le 6 août 1945, la petite Sadako Sasaki, qui n'avait que deux ans et habitait à quelques kilomètres du centre d'Hiroshima où explosa la première bombe atomique, voulut croire très fort à ce dicton, lorsque, dix ans après, on révéla dans son corps fragile une grave leucémie. Elle se mit alors à plier des dizaines et des dizaines d'oiseaux de papier. Elle n'arriva pas jusqu'au bout des mille grues, mais ses camarades de classe l'aidèrent après sa mort. Aujourd'hui, en souvenir de cette petite fille et de toutes les personnes malades, des gens du monde entier se mettent à l'origami et plient des grues de papier.
C'est à Hiroshima, ville tristement célèbre, où les souvenirs pèsent si lourds, que Geisha Line et Maître Moun ont appris l'histoire de la petite fille japonaise. Un monument lui est consacré et tout autour des milliers de grues de papier, venues du monde entier, y sont rassemblées.

Geisha Line n'est pas superstitieuse. Mais quand même, pour porter chance demain matin à la personne qu'elle aime et qui va se faire opérer, elle a plié quelques dizaines de grues. Une armée d'oiseaux pourra peut-être aider à lutter contre la maladie ?
Hélas, la maison des Moun est habitée par un monstre à poils tigrés et à pattes blanches. Les oiseaux de papier ont dû être enfermés dans une boite en carton, car le ninja avait un peu trop tendance à s'attaquer aux innocentes bêtes de papier et à les disperser sous tous les meubles de l'appartement.

Je ne sais pas s'il y a encore ici des personnes qui lisent ce blog. Mais on ne sait jamais. Si vous passez par là, vous pouvez peut-être penser demain matin à la personne à qui tient tant Geisha Line et plier pour elle un ou deux petits oiseaux d'espoir...
Pour le descriptif détaillé, c'est ici.



lundi 9 juin 2008

Prions un peu (1re partie)

Depuis mon retour du Japon, je n'ai pas abordé dans ce blog un sujet pourtant essentiel, qui nous a accompagné tout le long de notre séjour : la religion. C'est qu'à vrai dire je ne savais pas vraiment par quoi commencer, tant il y a de choses à dire et de photos à montrer ! En effet, nous avons visité au Japon autant de temples qu'un touriste ne visite d'églises à Rome ! Sauf qu'entrer dans un temple n'a rien à voir avec le fait de pénétrer dans une église. Ce n'est pas que les deux lieux soient architecturellement différents, c'est que le rapport aux deux religions - le christianisme d'une part, et le bouddhisme/shintoïsme d'autre part - est foncièrement différent. Je ne vais pas chercher à faire une analyse comparée des deux religions. Je voudrais seulement retranscrire mes impressions de voyageur (car j'en sais un petit peu plus sur la question qu'avant mon voyage)...

Naïvement, avant d'aller au Japon, j'imaginais le temple japonais sur le modèle d'une église, voire d'une mosquée (parce qu'on m'avait dit qu'il fallait enlever ses chaussures avant d'entrer dans le lieu saint) : un lieu fermé dans lequel on pénètre pour rencontrer le dieu et où l'on prend le temps de prier et de se recueillir. Arrivé au Japon devant le premier lieu religieux que nous avons visité - il s'agissait du sanctuaire Meiji, à Tokyo - j'ai pu m'apercevoir qu'il n'en était rien. Tout d'abord, ce qui frappe, c'est qu'au Japon les religions co-habitent. Dans un temple bouddhiste, il n'est pas rare de trouver un sanctuaire shintoïste, et les Japonais passent indistinctement de l'un à l'autre, sans s'attacher à un rite de façon exclusive. La religion ne se vit pas dans l'attachement possessif. Est-ce parce que les Japonais ne grandissent pas sous le modèle d'un dieu unique, à l'horizon d'une religion monothéiste ?

A Tokyo, le Senso-ji, à Asakusa

En tous les cas, on retrouve dans la composition architecturale du temple cette même impression de liberté et d'ouverture. Le temple n'est pas un endroit fermé sur lui-même, mais reste ouvert. Ouvert ne signifie pas que la frontière entre le sacré et le profane n'est pas précisément marquée. Au contraire, il faut passer sous une frontière symbolique pour entrer dans le temple bouddhiste : généralement une grande porte de bois, gardée de chaque côté par de menaçants gardiens - des "niô", qui sont des rois célestes. Nous en avons pris plusieurs en photo, bien qu'ils soient habituellement protégés par des grilles.
Un des Niô de Nara, à l'entrée du Todai-ji
Chio-in, à Kyoto : une des plus imposantes porte San-mon du Japon

Une autre porte de temple bouddhiste, à kamakura

Dans un sanctuaire shintô, la frontière profane/sacré est marquée par un "torii", c'est-à-dire un portique, généralement de couleur orangée. Là aussi, nous en avons franchi un bon nombre.
Des torii à Ueno (Tokyo)

Les torii sont souvent placés dans des sites naturels qui leur donnent une présence impressionnante. C'est le cas au bord du lac Ashi, à Moto-Hakone - paradis des photographes amateurs qui peuvent immortaliser tout à la fois le Fuji-san et le torii orangé au bord de l'eau.
Vue sur Fuji-san depuis Hakone

C'est surtout le cas également à l'entrée de l'île de Miyajima où le torii a les pieds dans l'eau lorsque la marée est haute.

Le célèbre torii de Miyajima, les pieds dans l'eau

Dans les sanctuaires shintô, on trouve aussi des cordes de chanvre tressée (shimenawa) ou des guirlandes de papier suspendues (gohei). Là aussi est marqué symboliquement le lieu du passage.

Une fois qu'on a pénétré dans le lieu sacré, il faut se purifier. Dans les sanctuaires shintô, on trouve systématiquement des fontaines, souvent gardées par un joli dragon. Maître Moun s'est amusé à en prendre plusieurs en photo.

Un dragon de Kyoto

Un autre dragon de Tokyo (Asakusa, Senso-ji)

De grandes louches sont mises à disposition des fidèles qui doivent recueillir un peu d'eau pour se laver les mains et se rincer la bouche (sans boire d'eau bien entendu !).

Toujours les dragons du Senso-ji

Une fois ces ablutions faites, on peut s'approcher du pavillon principal contenant le honzon (statue principale). Mais ce bâtiment n'est jamais seul. On trouve souvent à proximité une pagode (dans laquelle on ne peut pénétrer) et d'autres bâtiments. C'est cela qui m'a frappé : visiter un temple, ce n'est pas contempler un grand bâtiment, mais entrer dans un grand ensemble architectural composé de plusieurs bâtiments. Dans les temples les plus vastes, il faut donc marcher pas mal !

Une pagode d'un temple de Koyasan


A Kamakura
Le même temple, d'un autre point de vue

Dans les sanctuaires, l'édifice où se trouve le (ou les) dieu(x) est le honden. On n'y pénètre pas. En revanche, il faut réveiller le kami (= le dieu) qui peut s'être endormi. Un coup de cloche ou un quelques coups frappés dans les mains, et voilà on peut s'incliner avec respect et jeter quelques pièces de monnaie dans l'urne, avant de faire en silence une prière. Ainsi, un sanctuaire n'est jamais un lieu de silence. On entend toujours une clochette retentir !

A Kyoto
(Les moutons aussi, ça prie)

La prière est généralement courte. On ne s'assoit pas, ni ne se met à genoux. Seuls les moines se recueillent ainsi longuement. En revanche, tout le monde prie. Lycéens sortant de l'école, femmes jeunes ou plus âgées, hommes d'affaires, touristes... La religion ne paraît pas être une affaire de génération ou de classe sociale. Il est considéré comme normal d'avoir une pensée pour le dieu lorsqu'on passe devant un sanctuaire ou un temple. Ainsi, j'ai même vu un étudiant, en pleine fête d'hanami, y aller de sa petite prière et, pour cela, tenir sa canette de bière entre les lèvres, car il n'avait pas trouvé d'autre endroit pour la poser devant le honden !

Des lycéens devant un temple à Kyoto

Mode d'emploi de la prière à destination des enfants

Les Japonais croient-ils vraiment en Dieu ou bien leurs pratiques s'apparentent-elles à la superstition ? Vaste question... J'essaierai d'y répondre dans un prochain post, promis !

Donc... à suivre !

vendredi 6 juin 2008

Des flocons d'ouate dans le ciel

Voici un petit moment que je n'ai pas parlé de mes lectures. Ce n'est pas que je n'ai rien lu ces derniers temps, mais c'est plutôt que mes lectures m'ont éloignée du Japon pour me ramener complètement en France, pendant la Seconde guerre mondiale (émouvant journal d'Hélène Berr) ou dans un panorama mi-sociologique, mi-autobiographique de ces soixante dernières années (excellent récit d'Annie Ernaux retraçant Les Années).

Toutefois, j'ai fait tout de même un petit détour par le Japon du début du siècle avec le roman autobiographique d'Inoue Yasushi, Shirobamba. Inoue Yasushi (1907-1991) est un grand auteur japonais, connu en particulier pour plusieurs récits historiques. Dans Shirobamba, il retrace le quotidien d'un petit garçon, nommé Kôsaku, au début des années 1920, dans un petit village de montagne. Le récit est largement inspiré de son enfance et empreint d'une douce nostalgie. Le petit Kôsaku vit avec Onui, la maîtresse de son arrière grand-père, une ancienne geisha. Même si l'enfant et la vieille dame n'ont aucun lien génétique, une grande affection les unit, contribuant à rendre l'enfance du petit garçon légère et joyeuse, malgré la pauvreté et l'extrême ruralité de la vie. Tout est vu à travers le regard de l'enfant qui partage avec nous ses émotions impalpables et sa découverte du monde des adultes. Le roman est composé d'une série de petites scènes qui nous plongent dans un Japon qui, aujourd'hui, n'existe plus et que la distance du temps rend presque rêvé.

L'histoire de Kôsaku est si émouvante que ça m'a donné envie de continuer à le voir grandir et de le retrouver avec sa vieille grand-mère. Cela tombe bien car ce récit a une suite, au nom du héros. Kôsaku m'attend sur ma pile de livres à lire !

Ah, au fait, vous ne savez pas ce que signifie "shirobamba" ? L'explication se trouve dans l'incipit du roman. Toutefois, il semble que la traductrice a renoncé à trouver l'équivalent français. S'agit-il de lucioles ?

Extrait :
« C'était pendant la quatrième ou cinquième année de l'ère Taishô, il y a donc environ quarante ans. Les enfants avaient l'habitude, le soir, de courir çà et là sur la route du village en criant "Les shirobamba ! les shirobamba !" Ils poursuivaient ces petites bêtes blanches qui flottaient comme des flocons d'ouate dans le ciel commençant à se teinter des couleurs du crépuscule. »
Shirobamba
Inoue Yasushi
2 traductions disponibles : Rose-Marie Fayolle (Denoël) et Anne Rabinovitch (Folio Gallimard)

  • Sur l'auteur, Yasushi Inoue
  • Présentation de l'éditeur (texte de 4e de couverture) sur le site Shunkin

jeudi 5 juin 2008

Hello, dear Kitty !

Geisha Line a ramené du Japon quantité d'objets Hello Kitty. Elle les a trouvés pour la plupart dans des 100 yen shops, c'est-à-dire que les babioles Hello Kitty coûtaient environ 60 centimes d'euros. Alors forcément, c'était un bon prétexte : "Regarde, Moun, c'est pas cher ce ravissant drapeau rose Hello Kitty et ça prend pas de place dans la valise !", l'entendais-je susurrer à son mari dans les boutiques. Belle excuse ! Ainsi, maintenant, pour entrer dans le bureau de Geisha Line, il faut pousser une porte qui annonce la couleur :
Ne parlons pas non plus des petits tampons encreurs à l'effigie du chaton ou des baguettes pour manger le riz... Geisha Line fait même sa fière désormais, dans son tee-shirt acheté dans une boutique d'Akihabara. La voici le lendemain de son achat, à Moto-Hakone, devant le mont Fuji (rien que ça !) :

Mais Geisha Line a fait bien pire ! Elle a ramené de quasiment chacune des villes qu'elle a traversées un petit porte-clé montrant Kitty devant un élément du lieu touristique visité. Ainsi, il y a Hello Kitty dans un oeuf noir d'Howakudani (en souvenir de ces oeufs frais qu'on peut faire durcir en les posant sur les effluves brûlantes de la montagne), Hello Kitty sur la tête du grand Bouddha de Kamakura, Hello Kitty devant le Kinkaku-ji doré de Kyoto, Hello Kitty devant le tori de Miyajima... et j'en passe ! Au Japon, il est courant de s'acheter ainsi un petit objet représentant l'endroit visité, pour l'accrocher à son portable. Je crois même que c'est une habitude aussi répandue que l'achat des cartes postales en Europe.

Geisha Line, de retour en France, ne sait pas très bien ce qu'elle pourrait bien faire de tous ces porte-clés... En attendant, ils servent d'attrape-chat (le vrai chat de la maison, Mina le Ninja) près de l'ordinateur.

Geisha Line s'étonne elle-même de succomber ainsi, comme une débutante, à un pur objet marketing, objet d'une furieuse mode planétaire. Comme tout le monde pourtant, elle ne peut s'empêcher de trouver Hello Kitty "kawaï" (= mignon). Pourquoi donc ?

Je ne sais pas comment expliquer le succès de ce petit chat blanc qui a un noeud accroché sur son oreille gauche. Hello Kitty est née en 1974, dans l'imagination d'un styliste de Sanrio, grande société à qui l'on doit une multitude de petits personnages analogues. On dit (sur ce site de fans) que le patronyme anglo-saxon s'expliquerait par le grand succès de la mode anglaise auprès des petites Japonaises dans les années 1970. Le nom de "Kitty" serait également un rappel du nom du chat d'Alice dans le roman de Lewis Carroll. Le succès d'Hello Kitty n'a fait que grandir au fil des années, au Japon, mais aussi en Europe et aux Etats-Unis. Il a inspiré toute une foule d'objets "goodies", depuis le simple sac ou les stylos jusqu'au yukata, au lecteur MP3, et même la carte bleue ! La marque Sanrio est un modèle d'action marketing réussie inégalé. Il y aurait plus de 22 000 produits, représentant la moitié des revenus de Sanrio qui s'élèvent à environ 1 milliard d'euros par an. Depuis quelques semaines, Hello Kitty est même devenue officiellement l'ambassadrice du tourisme au Japon et en Chine. Le but est de promouvoir les visites, selon le Ministère de l'aménagement du territoire, l'équipement, des transports et du tourisme, qui, pour la première fois, a promu un personnage imaginaire au statut de représentante officielle. Est-ce à dire qu'au Japon on va voir Hello Kitty encore plus souvent qu'aujourd'hui ? (sous-entendu : est-ce possible tant elle a déjà envahi tout l'univers commercial !)
Deux photos prises à Howakudani, près de Moto-Hakone

Alors, pourquoi tant de succès ? Ses créateurs avancent l'argument que c'est l'absence de bouche dans le dessin d'Hello Kitty qui la rend si mignonne. Elle ne sourit jamais, mais n'est jamais triste ou en colère : on peut prêter toutes les émotions à ce visage au graphisme ultra simple (gros traits de contours, prédominance du blanc et du rose, stéréotype des personnages pour enfants). Sans doute représente-t-elle dans l'imaginaire (essentiellement féminin, il faut l'avouer) l'archétype d'un bonheur et d'une joie simples et sans arrière pensée. Hello Kitty ne fait rien, ne parle pas, ne pense à rien. Elle est un visage éternellement identique à lui-même, ne prenant aucune ride, et ne cessant de charmer les âmes voulant rester enfants. C'est une image simple et légère de l'enfance. Dans le monde d'Hello Kitty, tout le monde est heureux et gentil. C'est un peu le pays de Oui-oui, le kitch en plus, mais avec une animalisation qui permet une plus grande identification.

C'est mon explication. Elle vaut ce qu'elle vaut et est peut-être aussi simpliste que le visage de Kitty. C'est un sujet qui mériterait d'être approfondi : à quand la Mythologie à la Barthes de la kawaï Hello Kitty ?

  • Pour tout connaître de la vie d'Hello Kitty et apprendre par exemple qu'elle a une soeur jumelle, Mimmy, qui se reconnaît par la position inversée de son noeud à l'oreille, aller sur ce site de fans.
  • Pour voir quelques produits Hello Kitty classés par genre et participer à des concours de création Hello Kitty, aller sur ce blog.
  • Pour réaliser des gâteaux Hello Kitty, piquer une idée de recette ici ou bien ici pour les cookies.