Gen d'Hiroshima est le long récit, inspiré de sa biographie, des mois qui ont précédé la bombe (l'histoire commence en avril 1945) jusqu'aux mois et aux années qui l'ont suivie. On suit la vie du petit Gen qui, au fil des pages, gagne une étonnante maturité, luttant pour survivre malgré tout. La bande dessinée s'étale sur 10 tomes : le mangaka prend donc le temps de raconter en détail tout ce qu'il a vécu et tout dont il a été témoin. Dans le premier tome, la vie à Hiroshima est déjà dure : la nourriture manque et la famille Nakaoka a bien du mal à joindre les deux bouts. On se demande comment cela pourrait être pire. Et pourtant, le pire arrive. Le deuxième tome décrit l'explosion et les jours qui l'ont immédiatement suivie. Gen voit mourir son père, sa frère et sa soeur sous ses yeux, impuissant. Malgré sa générosité et son courage, il ne peut rien faire et voit par centaines les gens mourir autour de lui.La lecture de cette BD est difficile. Je n'ai lu que les deux premiers tomes et j'appréhende de continuer. Il y a une grande sincérité dans la narration de l'auteur. On sent que raconter - et raconter absolument tout - est pour lui une manière de réussir à dépasser le traumatisme. Raconter pour vivre, pour continuer à vivre malgré tout (on retrouve là le "sauf que" problématisé par Philippe Forest).
Au-delà de l'aspect de témoignage, cet ouvrage est une violente critique politique. Nakazawa est sans complaisance pour la politique de son pays. Il n'accuse jamais les Américains, mais affirme sans cesse la responsabilité des Japonais : le militarisme acharné de l'armée qui envoie ses enfants à la boucherie, la propagande du gouvernement qui traite les Coréens comme des sous-hommes et accuse les étrangers de tous les maux, l'aveuglement du peuple qui refuse d'accepter la défaite et développe des comportements égoïstes. Le père du petit Gen est profondément pacifiste. Sa mort clame l'échec de la paix.

Malgré la catastrophe, les personnages tentent de survivre. « Soyez comme ce blé, fort, même si vous vous faites piétiner… », disait le père de Gen à ses enfants. Réussir à vivre malgré tout, c'est aussi le thème d'un album au style très différent : Le pays des cerisiers, de Fumiyo Kouno.
Cette auteur, née en 1964 à Hiroshima, n'a pas connu la bombe. Son récit est donc une fiction et non une autobiographie. Il débute par l'histoire de Minami, une jeune femme qui a survécu à l'explosion, mais a perdu une partie de sa famille. Nous sommes en 1955. La ville et les habitants se reconstruisent. Une histoire d'amour s'ébauche pour la jeune fille... mais bientôt la maladie la rattrape. La deuxième partie de l'album se déroule plus de trente ans plus tard, à Tokyo. Au fil des pages, nous comprenons la parenté de l'héroïne avec la jeune Minami. Des années plus tard, la bombe continue de laisser des traces dans la vie familiale, chez les hibakusha (les victimes de la bombe) et leurs descendants...
Inutile d'en raconter plus... Ce qui fait la beauté de cet album n'est pas son histoire, mais son style, tout en délicatesse. Le dessin est fin, très féminin, presque naïf comme dans une bande dessinée pour petites filles. Il y a beaucoup de vie dans les jolis visages des personnages, à l'image du dessin à l'aquarelle de la couverture.
Gen d'Hiroshima
Le Pays des cerisiers
- Sur Gen d'Hiroshima : la page de Wikipédia, une critique de Krinein et les couvertures de l'édition Vertige Graphic.
- Sur Le Pays des cerisiers : une critique sur ActuaBD ou Sceneario.com.
Ci-dessus le recto, et ci-dessous le verso :





