Quand il fait chaud comme en ce moment, l'idéal serait de pouvoir grimper au sommet d'une montagne et, à 2 500 mètres d'altitude, profiter un peu de l'air pur. Seulement, ce n'est pas possible pour moi, pauvre mouton citadin, arraché à ses alpages. Ma maîtresse a essayé de compenser ma vie en appartement en me posant tout en haut du frigo laissé ouvert... Mais, quand même, ce n'est pas pareil !
Alors, à défaut de grands horizons, pour me rafraîchir, le seul moyen que j'ai trouvé, c'est de lire un manga dont les histoires se passent dans les montagnes du Grand Nord. C'est le cas de l'album de Jirô Taniguchi (toujours lui), intitulé L'homme de la toundra et sorti en France en 2006 chez Casterman. Ce recueil rassemble six nouvelles dont le thème unificateur est la nature et les rapports que les hommes entretiennent avec elle. Qu'il s'agisse du Grand Blanc et des vastes étendues couvertes de neige de l'Alaska ("L'homme de la toundra", "Le grand ouest blanc"), ou de la Grande Bleue et de l'immensité de l'océan ("Kaïyosé-Jima, l'île où accostent les coquillages", "Retour à la mer"), à chaque fois c'est une nature sauvage et parfois cruelle qui ne se laisse jamais totalement dompter à laquelle viennent se confronter les héros. La nature décrite est toujours grandiose, dessinée avec beaucoup de réalisme (bien que je ne pense pas que le mangaka ait déjà mis les pieds lui-même dans l'Antartique). La nature protège ou met à l'épreuve. Elle révèle l'homme à lui-même, comme ce chasseur d"ours ("matagi") qui, combattant le vieil ours qui a tué son fils plusieurs années auparavant, parvient dans le face-à-face à surmonter sa culpabilité et à accepter le destin que la nature a dessiné pour lui.
Les deux premières nouvelles sont particulièrement frappantes et font des allusions directes à l'univers de Jack London. "Le grand ouest blanc" est librement inspiré de Croc-blanc : les dessins de la meute de loups et de la chienne-louve séductrice donnent des frissons, révélant la faiblesse des hommes face à la force naturelle des bêtes sauvages.
"L'homme de la toundra" est également un hommage explicite à Jack London, puisque c'est lui qui est désigné comme le personnage principal. Dans le Klondike, des chercheurs d'or se retrouvent prisonniers d'une tempête. Ils sont miraculeusement sauvés par un vieil indien qui leur raconte la légende, quasi surnaturelle, du grand élan blanc. Le vieil Indien apprend au jeune Jack qu'il faut aimer la nature et la respecter pour qu'elle vous rende en retour cette confiance. Cette expérience le fait renoncer à conquérir l'or d'une terre qui ne lui appartient pas. La nouvelle se termine par un saut dans le temps : des années plus tard, au Japon, des notes éparses sont retrouvées dans des affaires ayant appartenu à Jack London. S'y trouve une nouvelle inachevée, emprunte de poésie : celle de l'homme de la toundra qui suivait la piste de l'élan blanc.
Le récit de Taniguchi se fonde sur des faits exacts. London a bien été chercheur d'or au Klondike en 1896. Il s'est également rendu au Japon. Les images du manga donnent envie de se replonger dans Jack London. J'ai essayé de trouver quelle est cette nouvelle qu'évoque la bande dessinée. Mais, même dans cette biographique très complète de l'oeuvre de Jack London ou bien sur ce site qui réunit plusieurs oeuvres originales (en anglais) de l'écrivain américain, je n'ai pu l'identifier avec exactitude. S'agit-il de "A l'homme sur la piste" ou de "The league of the old men"? Je n'en suis pas sûr du tout... Si vous avez des infos, je suis curieux !
L'homme de la toundra
Jirô Taniguchi
Casterman
Collection Sakka
2006
- Critiques sur le site BD Sélection
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