Nous avons revu ce week-end, le film de Sofia Coppola sorti en 2004, Lost in translation, racontant le malaise d'un acteur sur le déclin et d'une jeune femme fraîchement sortie de la vie étudiante, lors de leur séjour à Tokyo.
Lorsque je l'avais vu pour la première fois, à sa sortie en salle, le film m'avait emballé, aussi bien pour le jeu des deux acteurs principaux - Bill Murray, plein d'humour, et Scarlett Johansson, très jolie dans ses moues adolescentes - que pour le portrait envoûtant qui est fait de la ville de Tokyo. Je n'étais jamais allé au Japon à l'époque et je crois que l'image que le film donnait de Tokyo correspondait à l'image que je m'en étais construite par ricochets de clichés : une mégalopole gigantesque avec des immeubles de verre immenses touchant le ciel et un précipice infranchissable entre les cultures.
Revoir Lost in translation une semaine après un premier voyage au Japon change inévitablement le regard porté sur le film. Certaines images me parlent bien plus que la première fois où je les ai vues. Ainsi, Geisha Line ressemblait exactement au personnage de Charlotte lorsqu'elle déambulait, effarée, dans les salles de pachinko. Nous avons également reconnu certains lieux, comme le grand carrefour triangulaire de Shibuya où l'héroïne se perd dans la foule. Je peux dire désormais que j'y suis allé moi aussi et en montrer la preuve en image :
La scène où Bill Murray est dans la salle d'attente de l'hôpital et qu'une vieille dame japonaise s'évertue à lui parler en japonais alors que l'Américain n'y comprend strictement rien m'a bien amusé. Nous aussi, nous avons rencontré de vieilles personnes qui nous faisaient de grandes conversations incompréhensibles, comme cet homme un peu timbré dans un minuscule restaurant de Bessho, dans lequel nous devions être les seuls touristes de l'année, ou cet autre homme, rencontré sur un banc à la sortie du Pavillon d'or à Kyoto et dont nous nous demandons encore aujourd'hui ce qu'il a bien pu nous raconter et pourquoi il nous a donné sa carte de visite.
Toutefois, à côté de toutes ces micro-scènes portant un regard amusé et distancié sur le Japon et le choc culturel ressenti par un Occidental projeté dans une ville où la modernité et les excès en tout genre sont exacerbés, je n'ai pas tout à fait reconnu le Tokyo dans lequel j'ai habité une petite semaine. Les personnages sont si perdus dans leur ennui et leur solitude qu'ils sont incapables de voir vraiment la ville et de s'y mouvoir. Leur hôtel est magnifique (il s'agit de Park Hyatt, un célèbre palace 4 étoiles) et n'a rien à voir avec le petit ryokan bon marché dans lequel nous avons dormi, mais il est un peu comme une prison les retenant confinés dans le confort et les empêchant de partir à la rencontre de la ville. Le film donne une image asphyxiante de Tokyo, ne dévoilant que la face chic et branchée, complètement artificielle, de la capitale.
Bien sûr, c'est cela Tokyo et c'est ce qui nous a plu... Monter au 48e étage d'une des tours jumelles de la mairie de Tokyo (Tokyo metropolitan Government Office) et voir la ville s'étendre à nos pieds. Ou refaire la même expérience de nuit à Osaka, 150 mètres au-dessus du sol, en haut de l'observatoire du Jardin flottant :
Ou bien se balader le soir dans les rues bruyantes et grouillantes et se laisser éblouir par les néons clignotants qui font le jour en pleine nuit. Même en plein jour, comme ici à Akihabara, les rues ne sont que d'immenses panneaux publicitaires :Mais Tokyo n'est pas seulement cette folie vertigineuse. Tokyo, c'est aussi les forêts de cerisiers roses du parc Ueno, sous lesquels on peut pique-niquer...
... ou encore les toutes petites maisons à un étage du quartier de Yanaka. C'est aussi, comme partout dans le Japon, les temples traditionnels comme le Senso-ji à Asakusa. Pas besoin de se rendre jusqu'à Kyoto, comme le fait Charlotte, pour entrevoir la spiritualité zen ! Il n'empêche que Lost in translation reste un beau film sur l'impossible incommunicabilité des cultures et surtout sur l'amitié improbable de deux êtres en quête de leur identité. Mais c'est sûr, on aurait envie de secouer un peu Bob et Charlotte pour qu'ils ouvrent un peu leurs yeux trop embués par l'ennui ! En cela, je suis tout à fait d'accord avec cette critique qui est faite du film sur ce site : le Japon n'est pas réellement le troisième personnage du film et reste un prétexte pour évoquer la difficile communication entre les hommes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire