lundi 23 mars 2009

Les quatre saisons

Le printemps est revenu depuis quelques jours et, après un hiver qui semble avoir duré trois siècles, cela fait du bien de retrouver ce que le froid de l'hiver semblait avoir définitivement perdu : les jolies fleurs qui boutonnent timidement sur le balcon, les rayons du soleil qui sont plus nombreux et plus chaleureux et puis les jours qui, de semaines en semaines, deviennent un peu plus longs.

Il y a dans la culture asiatique une attention toute particulière portée à l'alternance cyclique des saisons. Récemment, les Moun en ont vu deux beaux exemples cinématographiques.

Le premier film est sud-coréen et est sorti en 2003 : Printemps, été, automne, hiver... et printemps. Avec un titre comme celui-ci, on ne peut pas trouver de symbolique plus claire ! En effet, tout le film est construit sur une large comparaison entre la succession des quatre saisons et l'évolution d'une vie humaine. On suit l'évolution d'un élève auprès de son maître bouddhiste. Lorsque c'est le printemps, l'élève n'est qu'un enfant d'une dizaine d'année. C'est la saison des apprentissages et de l'innocence. A l'été, l'enfant a grandi et est devenu adolescent : c'est la découverte de la passion et des tentations du désir. A l'automne, le jeune homme est adulte : colère et révolte lui font remettre en question l'enseignement de son maître. Lorsque l'hiver vient, l'homme, âgé désormais d'une quarantaine d'années, se repentit et acquiert la sagesse. Il est prêt désormais à devenir maître à son tour. Le printemps peut revenir... la relève est assurée.
A une narration construite sur la succession des saisons s'ajoute une parfaite unité de lieu : toute l'histoire a lieu dans un seul et même endroit - un tout petit temple flottant qui se trouve au milieu d'un lac, au coeur de la montagne. Ce lieu, magnifiquement filmé, est le troisième personnage de l'histoire. On le voit à travers les saisons, toujours flottant, sous les fleurs du printemps, les feuilles rougies de l'automne ou emprisonné dans la glace de l'hiver.
Évidemment, ce n'est pas un film d'action. Mais à aucun moment, je ne me suis ennuyé ! Le film est d'une grande délicatesse et offre une superbe vision de la philosophie bouddhiste et, plus largement, ouvre une réflexion sur le sens de l'existence et de l'expérience du temps.


Autre film construit autour de la succession des saisons, mais japonais cette fois-ci : Dolls de Takeshi kitano. Ce film est beaucoup plus noir et d'une construction plus complexe, comme souvent chez Takeshi Kitano (dont nous avons déjà parlé ici). Le film s'ouvre sur une longue séquence de bunraku. Le bunraku est un genre traditionnel japonais, aussi célèbre que le ou le kabuki : il s'agit d'un spectacle de marionnettes, né au XVIe siècle. Les grosses marionnettes de bois sont maniées par trois marionnettistes, dont deux sont cachés derrière une capuche noire. La scène de bunraku montre un couple d'amoureux. On comprend que leur histoire est tragique... mais il faudra attendre la fin du film pour mieux comprendre l'histoire de ces "mendiants enchaînés".
La suite du film raconte trois histoires : celle d'un jeune homme qui, le jour de son mariage, s'enfuit pour retrouver la fiancée qu'il avait quittée ; celle d'un chef yakuza qui retourne dans un parc retrouver son premier amour ; puis celle d'une jeune chanteuse pop qu'un accident de voiture a défiguré. Trois histoires, trois destins... trois fins tragiques, d'une grande dureté.
Bon, là aussi, le film raconté ainsi perd de sa force. Car ce qui m'a plu dans ce film, ce ne sont pas tant les histoires que la construction filmique. En lisant la quatrième de couverture du DVD, je m'attendais à trois courts métrages sans liens les uns avec les autres. Bien au contraire, il s'agit d'un film où ces trois récits sont tissés les uns dans les autres et non pas juxtaposés. On regarde les personnages évoluer d'une saison à l'autre - depuis les sakuras du printemps jusqu'aux feuilles multicolores des érables de l'automne. Ce qui fait l'unité de ces trois narrations est l'histoire fondatrice du couple de marionnettes de bunraku. Les deux amants hantent les images du film, croisent les autres personnages, marchant à travers les saisons.
Le film de Takeshi Kitano est d'une grande poésie, même s'il met souvent mal à l'aise. C'est l'histoire de la petite amie délaissée qui, pendant trente ans, attend chaque samedi son fiancé sur le banc du parc, qui m'a le plus touché.


Une scène du film Dolls



Printemps, été, automne, hiver... et printemps
Titre original : Bom yeoreum gaeul gyeoul geurigo bom
Réalisateur : Kim Ki-duk
2003


Dolls
Réalisateur : Takeshi kitano
2002

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