Vous allez dire qu'il n'y a que la bouffe qui nous intéresse. C'est vrai, quand on ne parle pas de la nourriture que l'on mange, on déblatère sur la nourriture que l'on prépare. Et voilà maintenant que l'on va se mettre à écrire que la nourriture qu'on lit !
Figurez-vous que les Japonais sont si fiers de leur cuisine, élément essentiel de leur culture, qu'ils ont inventé un nouveau genre littéraire : le manga culinaire. Je ne sais pas si c'est une appellation officiellement certifiée, mais en tous les cas ce serait le meilleur qualificatif pour désigner les deux ouvrages que je viens de dévorer (c'est le cas de le dire !).Le premier manga est l'œuvre d'un auteur pour qui je vous ai déjà avoué mon coup de cœur : Jirô Tanigucchi. Pour dessiner Le Gourmet solitaire, Tanigucchi s'est lié avec Masayuki Kusumi qui a imaginé le personnage du livre (et qui signe une appétissante postface en forme de nouvelle). Le Gourmet solitaire a beaucoup de points communs avec L'homme qui marche : on y trouve la même poésie du quotidien et la même philosophie hédoniste pour l'attention portée à tous les petits détails du présent. Sauf qu'il s'agit ici d'un homme qui mange ! Le livre est organisé en petits chapitres centrés autour d'un quartier et d'un plat. Dans chaque micro-histoire, on voit le héros (dont on ne sait rien de lui sinon qu'il est représentant en commerce) découvrir avec un plaisir non dissimulé un plat typiquement japonais. Le repas qu'il fait, dans un boui-boui de Shibuya, un parc de Shakujii ou même dans le shinkansen Hikari qui le mène à Osaka, est l'occasion pour cet homme de voir renaître des souvenirs ou de faire des rencontres inattendues.
Figurez-vous que les Japonais sont si fiers de leur cuisine, élément essentiel de leur culture, qu'ils ont inventé un nouveau genre littéraire : le manga culinaire. Je ne sais pas si c'est une appellation officiellement certifiée, mais en tous les cas ce serait le meilleur qualificatif pour désigner les deux ouvrages que je viens de dévorer (c'est le cas de le dire !).Le premier manga est l'œuvre d'un auteur pour qui je vous ai déjà avoué mon coup de cœur : Jirô Tanigucchi. Pour dessiner Le Gourmet solitaire, Tanigucchi s'est lié avec Masayuki Kusumi qui a imaginé le personnage du livre (et qui signe une appétissante postface en forme de nouvelle). Le Gourmet solitaire a beaucoup de points communs avec L'homme qui marche : on y trouve la même poésie du quotidien et la même philosophie hédoniste pour l'attention portée à tous les petits détails du présent. Sauf qu'il s'agit ici d'un homme qui mange ! Le livre est organisé en petits chapitres centrés autour d'un quartier et d'un plat. Dans chaque micro-histoire, on voit le héros (dont on ne sait rien de lui sinon qu'il est représentant en commerce) découvrir avec un plaisir non dissimulé un plat typiquement japonais. Le repas qu'il fait, dans un boui-boui de Shibuya, un parc de Shakujii ou même dans le shinkansen Hikari qui le mène à Osaka, est l'occasion pour cet homme de voir renaître des souvenirs ou de faire des rencontres inattendues.
Maître Moun, qui l'autre soir a subtilement piqué le livre à Geisha Line pour le lire dans le métro, est revenu à la maison complètement décontenancé : "Mais c'est quoi ton truc, y'a pas d'histoire ! Il ne fait que manger !" Hé oui, pages après pages, on voit le même homme attablé et la fin du chapitre correspond à la fin du repas. Mais c'est justement l'intérêt de ce livre, qui ne ressemble à aucun autre. Comme le dit le traducteur de l'ouvrage (Patrick Honnoré) en préface, ce n'est pas de la "BD fast-food", mais c'est de la bande dessinée à déguster avec lenteur et sans modération : "c'est de la cuisine du patron, c'est du pot-au-feu de la grand-mère de Limoges, et parfois, c'est des cerises au sirop d'Alphonse Daudet". Le personnage dessiné est un fin connaisseur, à la fois gourmet et gourmand, capable d'apprécier les mets les plus variés. La joie qu'il prend à anticiper un bon plat en y pensant longtemps à l'avance ou encore le plaisir qu'il a à se laisser surprendre par une saveur inconnue sont communicatifs. Bien sûr, en refermant cet ouvrage, on ne peut que se lamenter d'être ici à Paris et non pas à 10 000 kilomètres de là : quelle injustice de ne pas pouvoir prolonger le voyage culinaire dans un vrai petit restaurant 100 % japonais !
Les papilles en alerte, Geisha Line a lu dans la foulée un autre manga centré autour de la cuisine : le premier des cinq tomes de la série Aya, conseillère culinaire, de Ishikawa Saburô. Le style est très différent de celui du Gourmet solitaire et, en un sens, bien plus classique. Dans ce manga, il y a également de succulents plats (japonais... mais aussi français, ou du moins français à la sauce japonaise), des chefs et des restaurants, mais avec ces situations culinaires, il s'agit bel et bien de raconter une histoire. Aya Kisaragi, l'héroïne, est conseillère culinaire pour la société Food Project. Elle a pour mission de redresser les restaurants sur le point de faire faillite. Très sûre d'elle et de son sens du goût hors du commun, elle a des airs de guerrière et est prête à tout pour arriver à ses fins. Elle n'en finit pas de surprendre son jeune assistant Ippei, un peu benêt. Dans cette série, la cuisine est surtout un prétexte pour dresser le portrait d'une héroïne justicière qui laisse une petite impression de déjà-vu. Il s'agit surtout de faire le récit de rapports humains au sein d'histoires familiales souvent complexes, qui heureusement finissent toujours bien. Mais enfin, même si les histoires racontées sont un peu gentillettes, la lecture de ce manga reste un passe-temps tout de même agréable.
Vous avez faim ? Ha, moi aussi ! Hélas, il faudra seulement se contenter de regarder des plats japonais, à défaut de pouvoir en déguster. Pour pousser le supplice encore plus loin, je vous montre ci-dessous un repas ordinaire que nous avons fait un soir dans l'immense gare de Kyoto, à l'étage des restaurants. Deux bentos présentés dans des boites à tiroirs pour profiter avec mesure de plusieurs plats typiques de la cuisine japonaise. Saurez-vous reconnaître ces mets ?
Nous en avons certainement joui autant que le héros du Gourmet solitaire. Sauf que, contrairement à lui, nous ne savions pas toujours reconnaître et surtout nommer ce que nous mangions. Nous disions "ça ressemble à... " ou encore "on dirait du...", mais impossible de mettre des noms sur ces plats que nous n'avions jamais mangé en France. Le plaisir gustatif du "gourmet solitaire" est aussi celui des mots précis, car, même lorsqu'il mange pour la première fois un plat, il peut le déguster en démultipliant son plaisir grâce à la connaissance qu'il a de la cuisine et à sa capacité à maîtriser la dénomination. Nous, pauvres touristes français, nous pouvions souvent, face à nos menus, croquer un met étranger en nous étonnant et en accompagnant notre surprise d'une platitude lexicale - "oh c'est quoi ce truc noir dans la petite assiette ? et cette boule verte, ça a l'air de quoi ?"
Il y a un plaisir gustatif de la cuisine japonaise, ainsi qu'un plaisir pictural, comme l'a dit Roland Barthes. N'y aurait-il pas aussi un plaisir lexical, réservé aux initiés ?
Jirô Taniguchi - Masayuki Kusumi
Traduction : Patrick Honnoré, Sahé Cibot
Collection Sakka
Casterman
2005 (publié au Japon en 1997)
Aya, conseillère culinaire (tome 1)
Ishikawa Saburô
Scénario de Aouchi Akio. Supervisé par Kobayakawa Yôsei
Collection Doki Doki
Bamboo Edition
2007 (publié au Japon en 2004)
- Sur Le Gourmet solitaire : critique sur le site BD Gest' et jolie page sur la solitude du gourmet sur ce blog
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire