mercredi 10 septembre 2008

Le yok à la Moun

Pendant des mois, Geisha Line a harcelé Maître Moun, répétant comme une petite fille gâtée : "je veux un wok, je veux un wok !" Maître Moun, pragmatique et intransigeant, lui rétorquait à chaque fois : "Pas question, on va pas acheter de yok !" [NB : Maître Moun, linguistiquement étourdi, mélange parfois les mots. Ainsi, il intervertit systématiquement les vocables "chat" et "monstre". Par exemple, si Maître Moun dit (et c'est du vécu) "le monstre a volé mon saucisson", il faut comprendre qu'un chat est venu subtilement dérober du saucisson dans son assiette, et non pas que qu'un dragon à quatre têtes crachant du feu a débarqué dans la cuisine. D'une façon analogue et pour une raison inconnue, mon maître dit toujours "yok" au lieu de "wok". Il ne faut pas chercher à savoir pourquoi.] Bref, Maître Moun a refusé pendant des mois d'acheter un "yok".
Mais un jour, en ballade dans Belleville, les Moun ont craqué. Peut-être que les canards laqués artistiquement suspendus par leurs pieds dans les échoppes douteuses du quartier leur avaient tourné la tête. En tous les cas, ils sont repartis ce jour-là avec un wok sous le bras. Mais - et c'est là qu'on voit que parfois la Femme est versatile et capricieuse - la folie du wok n'a pas duré longtemps : le wok n'a jusqu'à maintenant servi qu'une seule fois. Depuis, il prend une place folle dans le placard de cuisine sans que personne ne pense à le sortir de son purgatoire.

Pourtant, en amateurs de cuisine asiatique, mes maîtres devraient rendre plus d'hommage au wok. C'est un ustensile de base des cuisines d'Asie. Le wok est une sorte de poêle aux bords très hauts et de forme demi-sphérique. Les aliments cuisent différemment que dans une poêle classique : la chaleur est concentrée sur la base qui est largement plus petite que le haut. Cela permet de cuire les aliments rapidement, avec très peu de matières grasses et, si on s'y prend bien, en conservant tout leur croquant. Bien que le wok semble venir d'abord de Chine, on en trouve souvent dans les restaurants japonais. C'est un des éléments de la cuisine spectacle lorsque le chef a le coup de main : les champignons et le porc qui viennent se retourner dans l'air 50 cm au-dessus du wok, les grosses flammes qui s'échappent du gaz, waouh, c'est toujours impressionnant !

Hier soir, mes maîtres ont vu des woks en action. Il y avait quelques événements à fêter : l'anniversaire de Maître Moun et puis aussi les dernières heures avant l'irruption sur Terre d'un bébé Moun braillard mais adorable (c'est forcé). Grand Frère Moun et sa femme, alias Mae et Cha, les éminents futurs parents, ont amené toute la fratrie Moun dans leur cantine favorite : le restaurant "Wok Cooking", qui se trouve vers Bastille, dans le 11e arrondissement. C'est un restaurant à concept : imaginez, vous, client, vous êtes concepteur de votre propre recette ! D'abord, vous commandez et on vous ramène un bol à moitié vide, avec dans le fond du riz ou des nouilles froides qui se battent en duel. Il ne faut pas râler, c'est normal ! Il vous faut vous rendre au buffet et choisir ce que vous avez envie de manger. Vous remplissez votre bol (archi à ras bord si vous êtes gourmand comme Frère Moun) de mets froids (crevettes, soja, porc, champignons, etc.).
Puis vous choisissez votre sauce et vos épices et vous donnez tout ça à un des chefs cuistots qui lance votre mélange dans son wok. Vous pouvez contempler votre œuvre frire en direct live.
Évidemment, pour se régaler, il ne faut pas perdre ses moyens devant le buffet. J'en ai vu beaucoup qui avaient envie de tout goûter en même temps et qui ont jeté en désordre viandes et poissons sans penser à la gustativité du résultat ! Mais au moins, on ne peut pas se plaindre qu'il y a des trucs bizarres dans son assiette !

Le décor du restaurant est "design", mais l'atmosphère ressemble à celle d'une cantine (de longues enfilées de tables et beaucoup de bruit), ce qui, pour une version améliorée d'un self-service, ne vient pas justifier le prix qui est tout de même assez élevé. C'est "asiatique" au sens le plus large possible : pas vraiment d'un pays déterminé, comme le prouve la carte des entrées qui mélange les nems à la soupe miso et aux tempura. En bref, on ferait tout aussi bien à la maison (si le wok ne moisissait pas dans le placard de cuisine, évidemment !). Mais enfin, c'est rigolo et convivial. On a un peu l'impression de jouer à la dînette et de se prendre pour un apprenti cuisinier. Et on a beau faire soi-même les plats, on se demande parfois s'il n'y aurait pas quelque potion magique dedans : ainsi, le mystère reste entier concernant le plat de Frère Moun qui garde la chaleur ad vitam aeternam ! Frère Moun aurait-il un wok caché quelque part dans son corps ???

En tous les cas, y'en a une qui a fait son baptême de wok et qui, même si c'était encore intra-utérin, semble avoir apprécié. Dis, petite Moun deuxième génération, c'est quand que tu sors de là pour nous faire coucou et nous montrer comment ça fait de devenir tonton et tata ?

Wok Cooking
25, Rue des Taillandiers
75011 Paris
Tel : 08 26 10 09 39

7 commentaires:

Anonyme a dit…

"... et NOUS montrer comment ça fait de devenir tonton et tata ?"

-> Mais et toi Paddy dans tout ça ? J'ai l'impression que tu t'identifies de plus en plus à tes maîtres, et même que tu t'effaces de plus en plus derrière leur vie... prends garde à ne pas disparaître !
Tu sembles très impliqué dans leur quotidien mais est-ce réciproque ?
Eux, s'intéressent-ils à toi et à ta vie ? Se soucient-ils de savoir ce que tu aimerais faire et si tu te portes bien ? Sont-ils attentionnés à ton égard ? Quels étaient tes derniers dialogues avec ces humains ?

Et sinon, quelles-sont tes activités pendant qu'il travaillent ?

Loin de moi l'envie de t'effrayer par la perspective de l'oubli, mais il faut affirmer sa personnalité et interagir pour ne pas cesser d'exister ;-)

Je me suis toujours révolté contre l'expression qui sous-tend qu'agir comme un mouton c'est suivre les autres bêtement, et sans faire intervenir son choix personnel. Prouve que cette comparaison est fausse ! C'est vrai quoi, nous les ovins, nous ne sommes pas de simples spectateurs ; nous ne sommes pas des vaches.
Revendiquons nos revendications !

Anonyme a dit…

Cher Paddywan,

Je ne te savais pas politiquement si virulent ! Ferais-tu parti du syndicat FO (= Forces ovines) ? Tu as raison de militer ainsi pour la libération des moutons en peluche et leur liberté d'expression.
Mais ma vie n'est pas toujours agréable, tu sais. Persécuté par un chat qui, dès qu'il me voit, saute sur moi toutes griffes sorties et enferme mon chapeau vert entre ses crocs, je suis obligé quasiment perpétuelement de rester planqué sur le thermostat de la chaudière (seul endroit hors de danger dans la maison). Du coup, je manque pas mal de choses importantes. Mais heureusement Geisha Line m'emmène souvent avec elle (c'est à ça que servent les sacs à mains des filles : jette un coup d'oeil dans le sac de Padouline, tu seras surpris !).
Quant au futur Moun qui arrive, je suis impliqué, forcément : bébé braillard ou chat miauleur, même combat ! Les dangers sont les mêmes venant d'être vivant mesurant moins de 60 cm de haut !

Anonyme a dit…

Soit. Donc si je comprends bien tu te retrouves plus ou moins prisonnier à longueurs de journées sur un thermostat avec le petit ordinateur depuis lequel tu réponds aux commentaires de ton blog.
c'est tout de même triste. J'espère que tes maîtres te tiennent plus compagnie le soir. Il serait intéressant du savoir ce qu'ils pensent de toi. Pourrais-tu les interviewer pour connaître leur sentiment sur votre cohabitation ?

Anonyme a dit…

Je vais demander si mes Maîtres veulent bien faire une interview (là, pour le moment, ils ne peuvent pas, car ils travaillent, bien sûr !).
Pour me changer les idées, sinon, on peut peut-être arranger une sortie. Que dirais-tu de m'inviter chez toi pour un ou deux jours ? On pourrait se tenir compagnie, discuter des campagnes napoléoniennes en Europe du Nord, et regarder les derniers épisodes de "Desesparate House'mouton" sur grand écran (ça changerait de la télé pourrave de mes maîtres !). Si les photos de mon séjour chez toi sont décentes, je m'engage à les publier sur mon blog ! Partant ?

Anonyme a dit…

Soeur Mae prend la parole est admire ici les talents incontestés d'écriture de Paddy!!! A quand le livre???
Sinon bébé braillard n'est pas là et doit surement encore digérer son wok ;) (certes un peu cher quand même...mais bizarrement on ne sait pas le reproduire à la maison!!)
A bientot...
A oui ue dernière chose: si je comprends bien tant que bb braillard ne mesure pas + de 60 cm y'a des chances pour que ce soit ton ami... mummm c'est bon à savoir ;)

Elodie a dit…

Miam, ça donne l'eau à la bouche tes photos ! En tout cas le wok a au moins un avantage pour madame Moun : c'est cuit. Parce que bon, on l'oublie trop souvent mais 9 mois de grossesse en essayant de respecter les consignes alimentaires classiques, c'est une forme méconnue de torture. Exit les sushis. Exit la charcuterie. Exit le bon fromage au lait cru (même de brebis...hihi).

Mais un bon wok : miam ^^

Anonyme a dit…

Soeur Mae > Hum, ça fait très pieux ton surnom, dis-moi !
Je suis sûr que quand vous aurez refait le papier peint dans votre cuisine il vous prendra de folles envies de cuisiner au wok. Si, si, les lieux influent sur les pratiques !
Pour le bébé braillard, il faudra lui donner des peluches quand il viendra me voir, afin qu'il ne me prenne pas pour bouc émissaire (j'ai de mauvais souvenirs de bébés qui m'ont pris jadis pour leur doudou adoré et qui m'ont bavé dessus !)

Elodie > Je crois que Soeur Mae a déjà passé commande au restau à sushis du coin pour s'y précipiter dès qu'elle sera libérée du bébé Moun !