lundi 9 juin 2008

Prions un peu (1re partie)

Depuis mon retour du Japon, je n'ai pas abordé dans ce blog un sujet pourtant essentiel, qui nous a accompagné tout le long de notre séjour : la religion. C'est qu'à vrai dire je ne savais pas vraiment par quoi commencer, tant il y a de choses à dire et de photos à montrer ! En effet, nous avons visité au Japon autant de temples qu'un touriste ne visite d'églises à Rome ! Sauf qu'entrer dans un temple n'a rien à voir avec le fait de pénétrer dans une église. Ce n'est pas que les deux lieux soient architecturellement différents, c'est que le rapport aux deux religions - le christianisme d'une part, et le bouddhisme/shintoïsme d'autre part - est foncièrement différent. Je ne vais pas chercher à faire une analyse comparée des deux religions. Je voudrais seulement retranscrire mes impressions de voyageur (car j'en sais un petit peu plus sur la question qu'avant mon voyage)...

Naïvement, avant d'aller au Japon, j'imaginais le temple japonais sur le modèle d'une église, voire d'une mosquée (parce qu'on m'avait dit qu'il fallait enlever ses chaussures avant d'entrer dans le lieu saint) : un lieu fermé dans lequel on pénètre pour rencontrer le dieu et où l'on prend le temps de prier et de se recueillir. Arrivé au Japon devant le premier lieu religieux que nous avons visité - il s'agissait du sanctuaire Meiji, à Tokyo - j'ai pu m'apercevoir qu'il n'en était rien. Tout d'abord, ce qui frappe, c'est qu'au Japon les religions co-habitent. Dans un temple bouddhiste, il n'est pas rare de trouver un sanctuaire shintoïste, et les Japonais passent indistinctement de l'un à l'autre, sans s'attacher à un rite de façon exclusive. La religion ne se vit pas dans l'attachement possessif. Est-ce parce que les Japonais ne grandissent pas sous le modèle d'un dieu unique, à l'horizon d'une religion monothéiste ?

A Tokyo, le Senso-ji, à Asakusa

En tous les cas, on retrouve dans la composition architecturale du temple cette même impression de liberté et d'ouverture. Le temple n'est pas un endroit fermé sur lui-même, mais reste ouvert. Ouvert ne signifie pas que la frontière entre le sacré et le profane n'est pas précisément marquée. Au contraire, il faut passer sous une frontière symbolique pour entrer dans le temple bouddhiste : généralement une grande porte de bois, gardée de chaque côté par de menaçants gardiens - des "niô", qui sont des rois célestes. Nous en avons pris plusieurs en photo, bien qu'ils soient habituellement protégés par des grilles.
Un des Niô de Nara, à l'entrée du Todai-ji
Chio-in, à Kyoto : une des plus imposantes porte San-mon du Japon

Une autre porte de temple bouddhiste, à kamakura

Dans un sanctuaire shintô, la frontière profane/sacré est marquée par un "torii", c'est-à-dire un portique, généralement de couleur orangée. Là aussi, nous en avons franchi un bon nombre.
Des torii à Ueno (Tokyo)

Les torii sont souvent placés dans des sites naturels qui leur donnent une présence impressionnante. C'est le cas au bord du lac Ashi, à Moto-Hakone - paradis des photographes amateurs qui peuvent immortaliser tout à la fois le Fuji-san et le torii orangé au bord de l'eau.
Vue sur Fuji-san depuis Hakone

C'est surtout le cas également à l'entrée de l'île de Miyajima où le torii a les pieds dans l'eau lorsque la marée est haute.

Le célèbre torii de Miyajima, les pieds dans l'eau

Dans les sanctuaires shintô, on trouve aussi des cordes de chanvre tressée (shimenawa) ou des guirlandes de papier suspendues (gohei). Là aussi est marqué symboliquement le lieu du passage.

Une fois qu'on a pénétré dans le lieu sacré, il faut se purifier. Dans les sanctuaires shintô, on trouve systématiquement des fontaines, souvent gardées par un joli dragon. Maître Moun s'est amusé à en prendre plusieurs en photo.

Un dragon de Kyoto

Un autre dragon de Tokyo (Asakusa, Senso-ji)

De grandes louches sont mises à disposition des fidèles qui doivent recueillir un peu d'eau pour se laver les mains et se rincer la bouche (sans boire d'eau bien entendu !).

Toujours les dragons du Senso-ji

Une fois ces ablutions faites, on peut s'approcher du pavillon principal contenant le honzon (statue principale). Mais ce bâtiment n'est jamais seul. On trouve souvent à proximité une pagode (dans laquelle on ne peut pénétrer) et d'autres bâtiments. C'est cela qui m'a frappé : visiter un temple, ce n'est pas contempler un grand bâtiment, mais entrer dans un grand ensemble architectural composé de plusieurs bâtiments. Dans les temples les plus vastes, il faut donc marcher pas mal !

Une pagode d'un temple de Koyasan


A Kamakura
Le même temple, d'un autre point de vue

Dans les sanctuaires, l'édifice où se trouve le (ou les) dieu(x) est le honden. On n'y pénètre pas. En revanche, il faut réveiller le kami (= le dieu) qui peut s'être endormi. Un coup de cloche ou un quelques coups frappés dans les mains, et voilà on peut s'incliner avec respect et jeter quelques pièces de monnaie dans l'urne, avant de faire en silence une prière. Ainsi, un sanctuaire n'est jamais un lieu de silence. On entend toujours une clochette retentir !

A Kyoto
(Les moutons aussi, ça prie)

La prière est généralement courte. On ne s'assoit pas, ni ne se met à genoux. Seuls les moines se recueillent ainsi longuement. En revanche, tout le monde prie. Lycéens sortant de l'école, femmes jeunes ou plus âgées, hommes d'affaires, touristes... La religion ne paraît pas être une affaire de génération ou de classe sociale. Il est considéré comme normal d'avoir une pensée pour le dieu lorsqu'on passe devant un sanctuaire ou un temple. Ainsi, j'ai même vu un étudiant, en pleine fête d'hanami, y aller de sa petite prière et, pour cela, tenir sa canette de bière entre les lèvres, car il n'avait pas trouvé d'autre endroit pour la poser devant le honden !

Des lycéens devant un temple à Kyoto

Mode d'emploi de la prière à destination des enfants

Les Japonais croient-ils vraiment en Dieu ou bien leurs pratiques s'apparentent-elles à la superstition ? Vaste question... J'essaierai d'y répondre dans un prochain post, promis !

Donc... à suivre !

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