Dimanche dernier, les Moun sont sortis de leur antre pour aller au cinéma. En règle générale, c'est toujours Geisha Line qui choisit les films ou les spectacles et qui oblige son mari à la suivre. Geisha Line aime bien les films un peu intellos dont personne n'a jamais entendu parler et qui ne passent qu'en VO dans de tous petits cinémas d'art et d'essai. Maître Moun n'a pas trop les mêmes goûts, mais bon, il n'a pas le choix. Alors le lundi midi à la cantine, quand ses collègues racontent que le dernier Batman était trop génial avec de mégas effets spéciaux, il se ramasse un peu dans son siège et n'avoue que sur la torture que lui, ce week-end, il n'a pas vu le film n°1 au box office américain, mais un obscur film afghan, sous-titré et en noir et blanc, qui n'est sorti que dans une seule salle, mais qui a remporté quand même le prix du festival de films intimistes de Triffouille-plage.
Bref, dimanche dernier, Geisha Line avait trouvé un film un peu de ce genre, qui avait l'air vraiment bien : un film allemand, avec un titre anglais, mais se passant au Japon. Cherry Blossoms, ça s'appelait. En gros, un film sur le deuil et les maladies incurables... je vous raconte pas combien Maître Moun était ravi !
Sauf qu'arrivés au cinéma, les Moun ont appris qu'il ne restait plus de place pour Cherry Blossoms. "Comme c'est dommage !", a dit Maître Moun sans dissimuler un sourire de soulagement. Il n'y avait qu'un film commençant à peu près à la même heure et que les Moun n'avaient pas déjà vu : Un été avec Coo. Geisha Line s'est exclamée : "Mais c'est un dessin animé pour les enfants !" Mais Maître Moun a insisté et, quelques minutes plus tard, ils se sont retrouvés dans une salle de cinéma rempli d'enfants. Ils se sont discrètement glissés à côté d'un gamin, histoire de faire croire qu'eux, les grands adultes, ne venaient pas tous seuls voir ce genre de film.
Un été avec Coo est un dessin animé de Keiichi Hara, sorti l'été dernier au Japon. Adapté d'une série de romans pour la jeunesse de l'écrivain Masao Kogure (assez peu connu apparemment), il conte l'histoire d'un petit garçon, nommé Koichi, qui trouve dans le lit d'une rivière asséchée un étrange petit animal. Il s'agit en fait d'un kappa, créature de la mythologie japonaise, ressemblant un petit peu à une tortue, mais doté de pouvoirs magiques, dont celui de parler exactement comme les humains. Toute la famille du petit garçon adopte la créature et la surnomme Coo. Le petit Coo, qui est bien mignon avec sa touffe de cheveux ébouriffés et sa petite carapace, s'intègre bien à la famille. Mais le secret de la famille ne tarde pas à se savoir et bientôt le Japon entier est au courant qu'un kappa a été découvert. Face à l'assaut médiatique, c'est la fin de la tranquillité pour Coo et ses amis...
Le dessin est joli, plein de couleurs, à l'image de l'été rempli de soleil et de verdure qui est représenté. L'univers mis en scène est très réaliste : il s'agit de celui d'une famille type dans le Japon contemporain. Nous sommes très loin de la fantaisie des anime de Miyazaki. Mais tout l'intérêt du film est justement d'avoir projeté dans ce quotidien banal une créature fantastique, tout droit sortie du folklore traditionnel. Cette confrontation permet de revisiter le personnage du kappa, inconnu des Français, mais bien ancré dans l'imaginaire nippon. C'est un peu l'histoire de E.T., sauf que les scénaristes japonais n'ont pas eu à puiser dans la science-fiction et ont simplement tiré le fil d'une légende existante.
Car les kappa existent ! Enfin, ils existent dans la mythologie, au même titre que les sirènes ou les elfes des légendes européennes... Un kappa est un génie de l'eau, vivant dans les rivières. Il ressemble à une tortue, mais a un bec et n'est pas plus grand qu'un singe. Le sommet de son crâne est en creux, afin d'y déposer du liquide dont il tire sa force vitale. Le film reprend plusieurs traits de caractère de la mythologie : comme tous les kappas, Coo parle parfaitement japonais, adore les concombres (d'où le nom de "kappa maki" pour les maki aux concombres) et a un vrai talent pour mener des combats de sumo. Il a également la même tendance à laisser échapper des gaz... ce qui a bien fait rire tous les enfants réunis dans la salle de cinéma ! Cependant, dans la mythologie, les kappas ne sont pas aussi gentils que le petit Coo. Ce sont avant tout des créatures maléfiques. Dans le film, le kappa adore le poisson cru... mais en fait ce sont les enfants que les kappas aiment dévorer ! La légende dit même que les kappas attirent les enfants en leur aspirant les organes par l'anus. On voit bien que la légende a été adoucie et rendue plus lisse par rapport aux versions traditionnelles. Il en est de même avec nos bons vieux contes (qui sait encore aujourd'hui que le Petit Chaperon rouge, dans ses versions initiales, buvait le sang de sa Mère-Grand avant de se faire dévorer à son tour par le méchant loup ?). Un été avec Coo est un bel exemple de réappropriation du folklore japonais et de son interprétation dans des problématiques modernes - la critique de l'omniprésence des médias, l'aspiration écologique à la préservation de la nature, le respect des différences...
Une illustration ancienne d'un kappa de la mythologie
Toriyama Sekien (1712, †1788) (lien de l'image)
Mes maîtres ont passé un bon moment avec Coo et, en sortant du cinéma, avaient même envie de retourner au Japon pour randonner près des rivières dans l'espoir de trouver eux aussi un petit kappa. Un film qui devrait plaire aux enfants - mais pas trop jeunes : il y a quelques scènes tristes, à tel point que la petite fille devant moi a fini en pleurs dans les bras de son papa et sa maman.
- La critique de Libération
Un été avec Coo
Studio : Dentsu Inc.
Studio : Dentsu Inc.
Réalisateur : Keiichi Hara
Scénaristes : Masao Kogure, Keiichi Hara
Sortie en France : 2008
Scénaristes : Masao Kogure, Keiichi Hara
Sortie en France : 2008
Sortie au Japon : 2007
5 commentaires:
Je ne savais pas que ce dessin animé était sorti... Merci donc pour l'article et l'info ! Ca donne envie d'aller le voir ;)
Le film est sorti mercredi dernier, je crois. Mais c'est vrai qu'on n'en parle pas beaucoup dans les médias j'ai l'impression !
le site officiel:
http://www.coo-lefilm.com
Oui oui oui... je l'affirme... TADAM... je t'ai fait une déclaration d'amour bien méritée I LOVE YOUR BLOG ici : http://www.webjam.com/olala/olalacestbon/$sur_le_grill/2008/09/18/olala_une_declaration_damour_
Bises
Olala
Merci pour Olala pour cette déclaration d'amour ! Et mince, comme j'ai le poil tout blanc (enfin, oui, c'est vrai tirant légèrement sur le gris), ça va se voir que je suis en train de rougir !
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