mardi 8 juillet 2008

"Une orgie de sushis"

"L'atmosphère est brillante, pétillante, racée, feutrée, cristalline. Magnifique.
- Nous allons faire une orgie de sushis, dit Kakuro en déployant sa serviette d'un geste enthousiaste. Vous ne m'en voudrez pas, j'ai déjà commandé ; je tiens à vous faire découvrir ce que je considère comme le meilleur de la cuisine japonaise à Paris.

- Pas du tout, dis-je en écarquillant les yeux parce que les serveurs ont déposé devant nous des bouteilles de saké et, dans une myriade de coupelles précieuses, toute une série de petits légumes qui ont l'air marinés dans un je-ne-sais-quoi qui doit être très bon. Et nous commençons. Je vais à la pêche au concombre mariné, qui n'a de concombre et de marinade que l'aspect tant c'est, sur la langue, une chose délicieuse. Kakuro soulève délicatement de ses baguettes de bois auburn un fragment de... mandarine ? tomate ? mangue ? et le fait disparaître avec dextérité. Je fourrage immédiatement dans la même coupelle.
C'est de la carotte sucrée pour dieux gourmets.
- Bon anniversaire alors ! dis-je en levant mon verre de saké.

- Merci, merci beaucoup ! dit-il en trinquant avec moi.
- C'est du poulpe ? je demande parce que je viens de dénicher un petit morceau de tentacule crénelé dans une coupelle de sauce jaune safran.
On apporte deux petits plateaux de bois épais, sans bords, surmontés de morceaux de poisson cru.
- Sashimis, dit Kakuro. Là aussi, vous trouverez du poulpe.

Je m'abîme dans la contemplation de l'ouvrage. La beauté visuelle en est à couper le souffle. Je coince un petit bout de chair blanc et gris entre mes baguettes malhabiles (du carrelet, me précise obligeamment Kakuro) et, bien décidée à l'extase, je goûte.
Qu'allons-nous chercher l'éternité dans l'éther d'essences invisibles ? Cette petite chose blanchâtre en est une miette bien tangible."

Les lecteurs d'un des best-seller de l'année (et même de l'année dernière) auront reconnu dans ces lignes les mots de Renée, la concierge narratrice de L'élégance du hérisson (Gallimard, p. 335-336). L'auteur de ce roman, Muriel Barbery, se trouve actuellement en congé sabbatique au Japon avec son mari (les chanceux).

Alors, les mets japonais sont-ils des miettes tangibles des essences invisibles ? Je ne sais pas. Mais l'idée d'avoir à croquer dans une carotte ou dans une tentacule de poulpe pour découvrir un petit bout d'éternité me plaît beaucoup. On dira que c'est mon côté mystique, hein !
Quoi qu'il en soit, si en bon collègue philosophe, j'ai reconnu sans difficulté le grand ponte de la Sorbonne qui se cache dans le roman sous le pseudonyme de "J. Marian"(il suffit de changer une lettre et d'ajouter une initiale pour en faire un prénom composé, et on se retrouve nez-à-nez avec le champion de la scolastique médiévale tendance secte), j'ignore ce qui se cache derrière ce menu succulent et j'aimerais bien que l'auteur me donne l'adresse de ce restaurant évoqué en toute fin du roman. Un tel restaurant existe-t-il seulement à Paris ? Soyons honnête, depuis notre retour en France, le Japon a bien du mal à revenir dans nos assiettes. Nous avons bien entendu cédé à la facilité du Japonais thaïlandais du coin, mais jamais ô grand jamais nous n'avons pu y retrouver les saveurs des sushis nippons.

Laissons-nous aller à la nostalgie, et rappelons à nos palais insatisfaits et à nos yeux incrédules les doux souvenirs gustatifs de notre voyage au Japon. Les photos ci-dessous ont été prises dans le petit ryokan de Bessho Onsen, ville thermale sur la route de Nagano. Notre hôte ne parlait pas un mot d'anglais (Maître Moun n'est pas prêt d'oublier la discussion mémorable au téléphone qu'il a eu avec ce monsieur pour réserver la chambre), mais il cuisinait de vrais chefs d'œuvre. Ce bon vieux Roland avait bien raison, les vrais repas japonais ressemblent à des tableaux.
Morceaux choisis... (ou comment manger avec un appareil photo à la main) :


On n'a pas pu prendre tout en gros plan, car il nous fallait garder un peu de temps pour manger tout de même.En fin de repas, il ne restait plus grand chose, à part une multitude de petites assiettes vides !

Ah, mince, voilà que j'ai faim maintenant ! Et si j'allais piquer une tête dans la baignoire, pour permettre à mon estomac de rafraîchir son désir impossible à satisfaire ? Cela ne vaut pas un plongeon dans la Méditerranée, comme peuvent se le permettre certains de mes lecteurs estivaux, mais on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a !


Padoule en vacances


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Une mise en abîme qui sauve cette dernière image du hors-contexte...
La preuve qu'en vacances j'ai de saines lectures ! ;-)

Anonyme a dit…

Oui, cette dernière image vient complètement comme un cheveu sur la soupe (j'ai pourtant essayé de faire une subtile transition !)...

Bonnes vacances, Padoule ! N'oublie pas de mettre de la crème solaire avant d'aller sur la plage ! Et savoure bien les granités de Padouline !