mardi 26 août 2008

Ovinades

L'ami Roddy, mon honorable compatriote, m'envoie une carte postale de ses vacances en Angleterre et m'écrit : "Ici, c'est le pays des moutons !" Que nenni ! Le pays des moutons, c'est la Hollande ! Si, si, je vous assure, je n'ai jamais vu autant de camarades ovins au kilomètre carré que lors de mes vacances dans les bas pays. Vous ne pouvez pas imaginer comme j'étais ravi de pouvoir enfin rencontrer les miens. Nous avons ainsi pu partager nos impressions ovines et deviser avec enthousiasme de nos préoccupations habituelles, inaudibles aux bipèdes : le croustillement sous la dent de la verdure des pâturages, les techniques de démêlages des noeuds dans les poils, les vils désirs des humains qui ne cherchent qu'à nous transformer en pulls, en fromages, ou pire en ragoût...

Une de mes rencontres de vacances a, sur ce propos, poussé très loin la réflexion et m'a parlé de sa thèse de troisième cycle sur la métempsychose du mouton qui, d'animal de chair, devient boule de gouda. Il a fallu à ce brillant mouton des années d'observation et d'expérimentation pour bien analyser le processus de transformation chimico-psychique. Le voici ci-dessous à l'oeuvre, avec son fidèle stagiaire : Selon cet éminent savant, l'âme du mouton est transfigurée dans le fromage et, lorsque vous croquez dans du gouda ou de la mimolette, vous réincarnez sous votre dent le principe spirituel du mouton qui en est à l'origine. Ces thèses mériteraient d'être davantage connues, je vous le dis !

En revanche, un des collègues de ce chercheur n'a pas eu la chance de finaliser ses propres recherches. Celui-ci étudiait en effet la métempsychose du principe psychique du mouton en principe carné. Il était bien avancé dans ses thèses, mais hélas il est tombé sous la lame de couteau d'un boucher et a fini tout droit dans l'assiette d'êtres humains sans scrupules. Parmi ceux-ci, il y avait mes deux Français de maîtres. C'était dans une auberge renommée (Catharina Hoeve) de Texel, île de la Hollande septentrionale de la mer des Wadden. Mes maîtres ont été sans pitié et ont dévoré en toute animalité six côtelettes à eux deux. Triste tableau de la gourmandise humaine...


Voyager est toujours l'occasion de rencontrer des gens différents, ayant d'autres coutumes, mais aussi d'autres visages. Ne croyez pas que je sois raciste. Non, je suis très tolérant avec toutes les races. Mais laissez-moi avouer que j'ai croisé en Hollande beaucoup de moutons... disons, bronzés. Etaient-ils immigrés africains ? Je ne sais pas, car quand j'ai voulu discuter avec eux, ils m'ont regardé d'un air ahuri. En tous les cas, je peux confirmer que ce n'était pas des sans-papiers arrivés clandestinement en cargo sur les côtes du Nord, car ils portaient tous une immatriculation audiométrique :

Autre caractéristique des moutons hollandais, c'est l'extrême coquetterie de la gente féminine. J'ai ainsi croisé une belle qui, visiblement, venait de se faire faire un brushing chez le coiffeur. Avec ses cornes délicieusement torsadées et sa fourrure laineuse, elle était à croquer (sans mauvais jeu de mots avec les côtelettes ci-dessus). Je lui aurais volontiers compter fleurette en détour d'un champ, mais mes maîtres étaient trop pressés sur leurs vélos pour qu'ils daignent s'arrêter et me laisser dévoiler mes charmes dévastateurs de séducteur.
Malgré le rythme haletant de cette expédition à bicyclette, mes maîtres m'ont permis d'admirer quelques oeuvres artistiques. Vermeer et Van Gogh peuvent aller se rhabiller. Rien n'est plus prodigieux en matière artistique que cette sculpture ovine sur laquelle j'ai eu la fierté de poser :
Si les moutons hollandais peuvent s'avérer de grands scientifiques et de grands artistes, ce n'est pas vraiment le cas dans le domaine sportif. Aux dernières olympiades, ils sont tous arrivés derniers. Pour exemple, voici les candidats hollandais au semi-marathon, aux derniers J.O. (= Jeux Ovins) :
Ils avaient dû faire une pause en chemin, semble-t-il ! C'est là qu'on voit les ravages du dopage à l'herbe verte (aussi répandue dans les prairies hollandaises que le cannabis à Amsterdam). Il est temps que le comité ovimpique mette un terme à ses pratiques douteuses...
Car, sachez-le, la drogue a un effet dévastateur sur les malheureux moutons qui s'y adonnent. J'ai ainsi surpris dans un champ toute une famille de moutons se livrant à un comportement inquiétant. Avaient-ils perdu la tête et la cherchaient-ils dans une mangeoire ? J'espère pour eux qu'ils seront parvenus à y retrouver leur esprit.

De mes vacances hollandaises, je garde globalement le souvenir de belles rencontres. Mais l'une d'elles devrait particulièrement marquer mon proche avenir. Mes maîtres ont en effet eu l'idée saugrenue d'adopter un nouveau mouton en peluche. Il s'appelle Tex. Il est brun, a le poil tout doux et le regard d'une intelligence peu acérée. Geisha Line l'a déjà apprivoisé et le prend pour sa nouvelle mascotte. Je redoute un peu les tête-à-tête que je vais devoir passer avec lui. Quoi ?Non, je ne suis pas jaloux !
Mais je suis bien content que Mina, le Ninja, revienne la semaine prochaine de ses vacances. Je pense qu'elle saura lui remettre les idées en face !

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