dimanche 8 février 2009

Sous la peau du loup

Sous la peau du loup, de Choi Juhyun.


Ce manhwa, emprunté un peu au hasard à la bibliothèque, est une énigme. Un titre mystérieux évoquant un loup qui n'apparaît pas en couverture, ni lorsque on feuillette rapidement l'ouvrage ; un auteur dont le nom a des consonances étrangères et dont on en apprend sur le rabat du plat 1 qu'il s'agit d'une jeune sud-coréenne (née en 1978). Et voilà, c'est tout : pas de texte de 4e de couverture, pas d'indications paratextuelles. Rien d'autre : on ouvre les premières pages et on est embarqué dans l'histoire, sans filet ni guidage. Voyage à risques, car dès les premiers dessins le lecteur s'aperçoit que, dans l'univers qui est mis en scène dans cet album, aucune cohérence ni logique ne viennent organiser le récit. Des brides d'histoires - une auteur qui se voit refuser l'accès d'un restaurant, des enfants qui vivent dans un tiroir, des jeunes filles kidnappées enfermées dans un lieu inconnu... - mais, dès qu'on croit comprendre quelque chose, dès qu'on pense percevoir un lien narratif, tout se brise et, sans crier gare, on est projeté dans une autre ébauche de récit.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'auteur de cette bande dessinée met à rude épreuve son lecteur. Tout l'album est comme des images échappées de rêves mis bout à bout. La logique temporelle est abolie : une jeune femme a des fils plus vieux qu'elle, une autre garde la main d'un homme rencontré dans un bar... On ne sait jamais où on en est, où on va et, sans cesse, on erre entre rêves et souvenirs. Je dois avouer qu'il a fallu que je m'accroche pour ne pas abandonner la lecture. Difficile pour le lecteur d'accepter le pacte de lecture proposé par cet album qui bouleverse les règles élémentaires de la narration.

Pourtant, il y a quelque chose de puissant dans cet OVNI littéraire. Le style de dessin tout d'abord : une bande dessinée sans case ni bulle, avec un dessin très simple, à l'encre de Chine. On pense inévitablement à Marjane Satrapi (et puis aussi à l'auteur libanaise Zeina Abirached, publiée par le même éditeur). Sous l'apparent onirisme apparaissent des thèmes politiques : une société militarisée où règnent censure et violence, et surtout un enfermement quasi omniprésent qui semble être le seul lien de tout l'album. En filigrane se dessine une image très personnelle et engagée de la Corée d'hier et d'aujourd'hui.

Un livre exigent et hermétique... qui m'a rebuté plus qu'il ne m'a séduit !

Sous la peau du loup
Choi Juhyun
Editions Cambourakis
2008

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