vendredi 9 janvier 2009

Pour les enfants

J'avais dit que je parlerai de mes dernières découvertes en littérature pour la jeunesse à tendance japonisante. Alors voilà, je m'y colle ce soir...

Curieusement, à la bibliothèque, j'ai trouvé bien plus d'ouvrages d'histoires se passant au Japon écrits par des Français que par des Japonais. Même dans les livres pour les enfants le Japon est à la mode et est un grand sujet d'inspiration graphique. En toute logique, cela donne des livres parlant du Japon tel que ce pays apparaît dans l'imaginaire occidental, plutôt que des ouvrages donnant vie à la culture japonaise en elle-même. Le Japon fait rêver et les auteurs français en retiennent des images fortes susceptibles d'éveiller la curiosité du lecteur et des personnages symboliques.

L'un de ces personnages phares est celui du samouraï. Le samouraï est avant tout un guerrier, donc un homme dont on peut considérer que sa caractériste première est la violence. Pourtant, on trouve de nombreux samouraï dans les contes pour enfants.

Ito ou la vengeance du samouraï, d'Evelyne Reberg, est un petit "conte de sagesse" (si on en croit le nom de la collection d'Albin Michel Jeunesse), qui s'ouvre sur une terrible scène de massacre - l'attaque de la famille du jeune Ito par un cruel groupe de bandits. Marqué par cette scène traumatisante qui l'a rendue orphelin, le petit Ito décide de se venger dès qu'il sera en âge de le faire. Il quitte ainsi son foyer pour devenir un grand samouraï. Il rencontre Banzo, un vieil homme étrange qui entend faire de lui un valeureux guerrier. Mais on ne devient pas samouraï du jour au lendemain et, avant d'apprendre à se battre, il faut apprendre à devenir patient et à maitriser ses émotions. La vengeance n'est pas un plat qui se mange chaud brûlant. Bien au contraire. La fin de se conte est quelque peu surprenante, mais on est très vite pris par ce récit initiatique.

La légende du jardin japonais, d'Arnauld Pontier, toujours dans la collection "Petits contes de sagesse" d'Albin Michel, met également en scène un samouraï - ou plutôt un daimyo, chef de samouraï. Mais dans ce conte, c'est l'histoire de la fille du samouraï, Senhimé, qui est racontée. Il s'agit d'une histoire d'amour - mais une histoire d'amour tragique, car le père, jaloux et possessif, n'accepte pas que sa fille puisse tomber amoureuse d'un garçon. L'auteur a ainsi imaginé une histoire sur l'origine des petits jardins japonais - ces magnifiques jardins miniatures où tout est parfaitement à sa place et minutieusement agencé.
Si j'ai aimé l'histoire d'amour et la magnifique héroïne qui "était si jolie que les fleurs des magnolias s'inclinaient sur son passage" (page 11), j'ai trouvé qu'à la fin le jardin japonais arrivait un peu comme un cheveu sur la soupe. Le lien entre le jardin et l'histoire des personnages aurait peut-être mérité d'être mieux travaillé ? En tous les cas, j'ai eu un coup de cœur pour les illustrations de François Place qui sont d'une grande précision et en même temps d'une grande pureté. Tous les symboles du Japon y sont - les lanternes de pierre, les toits tombants, les tatamis et le service à thé vert, le sabre du samouraï... - mais en même temps c'est une belle façon de se projeter dans le Japon féodal des contes. A tel point qu'on pourrait croire que ce conte est belle et bien une histoire traditionnelle japonaise.

L'évocation du Japon passe donc principalement par l'illustration et la mise en scène des paysages du Japon des anciens temps. Dans les albums d'Akiko, Antoine Guilloppé recrée le Japon par des choix graphiques innovants. J'ai lu Akiko la curieuse et Akiko la rêveuse (mais il existe aussi un Akiko l'amoureuse). Dans ces petits albums pour les tous jeunes, l'héroïne, qui est une petite fille (curieuse et rêveuse, donc), vit au pied du mont Fuji. Chaque illustration mêle le noir et blanc des traits à des jeux de couleurs. Ainsi la tenue de la petite fille est mise en avant : le jeu du kimono fleuri, très coloré, ressort magnifiquement sur les à plats noirs et blancs du paysage hivernal de Akiko la curieuse. On a l'impression qu'il s'agit de collages, quasiment avec du vrai tissu japonais.
Si j'ai beaucoup aimé le graphisme, j'ai un peu moins adhéré aux histoires. Akiko la curieuse conte le parcours de la petite Akiko à travers une nature parfois hostile, et Akiko la rêveuse, la quête, mi rêvée mi réelle, d'une grand-mère à "l'automne de sa vie". J'ai trouvé que la narration manquait un peu de structure et qu'on passait trop vite d'une idée à l'autre, comme si l'auteur avait du mal à canaliser son récit... mais bon, peut-être ai-je lu trop vite ces petits albums.

Ces petits contes ("de sagesse" dit Albin Michel ou "zen" dit Antoine Guilloppé chez Picquier Jeunesse) révèlent un univers finalement assez différents d'un autre ouvrage que j'ai lu, qui n'est pas narratif, mais uniquement documentaire. Il s'agit d'un joli livre qui, sans doute, ne doit pas se trouver facilement en librairie : Kodomo-e, l'estampe japonaise et l'univers des enfants, de Brigitte Koyoma-Richard (Herman, "éditeurs des sciences et des arts").
Cet ouvrage, reproduisant un grand nombre d'estampes de la période d'Edo, présente des kodomo-e. Ce terme désigne l'ensemble des images consacrées et destinées aux enfants, c'est-à-dire à la fois des images représentants des enfants (et leurs mamans), et des images pour des enfants. A travers ces estampes, on fait un voyage très riche dans l'univers familial du Japon traditionnel. On y apprend beaucoup sur les habitudes quotidiennes, sur la mode vestimentaire et capillaire (ainsi les petits garçons avaient une partie de leur crâne rasée dans leur petite enfance !), sur les croyances médicales, sur les fêtes... On voit que les estampes, témoins de leur époque, sont de beaux documents historiques.
Mais les estampes n'étaient pas des œuvres d'art à afficher dans son salon. Beaucoup d'entre elles servaient de jouets et formaient des maquettes à découper et à plier, des jeux de société, des masques. Elles étaient destinées à être découpées, par exemple pour habiller une poupée de papier ou donnaient des idées pour réaliser un théâtre d'ombres chinoises. L'estampe était donc une vraie image ludique. Les petits Japonais de l'époque étaient déjà bien gâtés !

La légende du jardin japonais
Arnauld Pontier
Illustrations de François Place
Albin Michel Jeunesse
Collection "Petits contes de sagesse"
2003

Ito ou la vengeance du samouraï
Evelyne Reberg
Illustrations d'Olivier Tallec
Albin Michel Jeunesse
Collection "Petits contes de sagesse"
2001

Akiko la curieuse
Akiko la rêveuse
Textes et illustrations d'Antoine Guilloppé
Picquier Jeunesse
2004

Kodomo-e - L'estampe japonaise et l'univers des enfants
Brigitte Koyama-Richard
Hermann
2004

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Passionnant...je ne connaissais pas les kodomo-e.