"Il y a longtemps, m'a raconté Haha, à chaque fois qu'une femme poussait un soupir, on disait qu'elle perdait une goutte de sang." Et, dans sa tristesse et sa solitude, plus la femme perd de gouttes de sang, plus elle devient pâle... C'est ainsi qu'est devenue la maman du petit Kanji : sa peau est maintenant si claire qu'elle est presque aussi transparente que les ailes d'une libellule. Le jeune garçon décide donc de partir à la recherche de couleurs, pour redonner vie au visage de sa maman. Il est aidé par un joli papillon jaune...
L'album Kanji, de Lisa Bresner, commence ainsi ce joli voyage qui va nous mener à travers les couleurs : le jaune (kiro) du papillon, le rouge (akaï) du coquelicot, le noir (kuroï) et le rose (bara) de la si rare mélancolie, le blanc (shiroï) de la fleur de lotus.
Des mots japonais parsèment l'histoire. Ils ne sont pas traduits, mais introduits dans le cours du récit. En début d'ouvrage, un lexique franco-japonais, accompagné en pages de garde par le dessin des idéogrammes, donne la signification de la trentaine de termes utilisés. Mais, pris par l'histoire, on n'a pas vraiment besoin de s'y reporter pour être immédiatement séduit par ce petit récit. Les mots japonais s'intègrent parfaitement dans la narration et contribuent même à rendre le récit encore plus poétique, lui donnant un certain mystère.
Les illustrations d'Anne Buguet accompagnent merveilleusement l'histoire. Certaines pages sont inspirées d'estampes japonaises, comme les premières doubles pages où l'on voit le portrait de la maman qui ressemble étrangement à une silhouette peinte par Utamoro.
Pour écrire ce compte rendu sur ce joli album, j'ai tapé le nom de l'auteur dans Google. J'ai vu que Lisa Bresner avait écrit des dizaines de livres, qu'elle était née en 1971 et était professeur de chinois... Et puis j'ai découvert qu'elle s'était donnée la mort à l'été 2007, quelques semaines à peine avant la parution de cet album chez Picquier Jeunesse. Elle n'avait que 36 ans. Sa bibliographie est impressionnamment longue, riche et diverse (romans pour adultes, albums pour enfants, poésies érotiques, et même un film). On devine que sa vie a eu lieu à cent à l'heure. Peut-être avait-elle le sentiment que sa vie serait courte ?
Découvrir un livre et, derrière lui, une personnalité riche qu'on devine belle, et, aussitôt après, apprendre que celle-ci n'est plus, m'a rendu un peu triste. Le témoignage de son amie, de l'éditeur Hubert Nyssen d'Actes Sud ou de son éditeur chez Gallimard (voir les commentaires de l'article) sont émouvants et m'ont donné envie de lire d'autres livres de Lisa Bresner. A-t-elle trop soupiré et perdu trop de gouttes de sang ? N'a-t-elle pas rencontré de papillon pour l'aider à reprendre espoir ?
Kanji
Lisa Bresner
Illustrations d'Anne Buguet
Picquier Jeunesse
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