Lors de leur voyage au Japon, les Moun se sont retrouvés à deux reprises dans un cimetière.
La première fois, c'était à Tokyo, à l'issue d'une balade dans le parc de Ueno. Marchant un peu plus loin de la foule rassemblée sous les cerisiers en fleurs du parc, les Moun étaient arrivés jusqu'à Yanaka. Yanaka est un quartier très ancien de Tokyo, à mille lieux des clichés qu'on se fait de la grande métropole japonaise : on n'y trouve que des petites maisons, alignées devant de petits jardins tranquilles qui donnent à ce quartier un air de village. Imperceptiblement, en se baladant dans le quartier, on pénètre dans le grand cimetière de Yanaka qui n'est pas même entouré de grilles ou de murs et qui donne l'impression que les tombes jouxtent les habitations. Ce jour-là, les Moun ont marché près des tombes. Plutôt que des chrysanthèmes, ils pouvaient voir sur les tombeaux des bouteilles (pleines) de saké, des pièces de monnaie ou des petits jouets - autant d'offrandes faites aux morts. Au bout de quelques temps, la nuit s'est mise à tombée. C'était le soir déjà et l'obscurité est venue surprendre les Moun qui s'étaient perdus dans ce grand labyrinthe ne semblant pas avoir de sortie. Ils ont dû demander à plusieurs reprises leur chemin à des passants avant de parvenir à rejoindre une ligne de métro. Geisha Line n'avait pas peur. Mais c'était un petit peu troublant tout de même de se retrouver la nuit dans un cimetière si vaste. Et s'il y avait des fantômes derrière ces sotoba - ces grandes planches de bois gravées que l'on trouve près de la plupart des tombes ?
La deuxième fois que les Moun se sont retrouvés parmi les tombes, c'était à Koyasan, dans le grand cimetière Okuno-in qui fait près de deux kilomètres de long. Ce cimetière réunit plus d'un millier de tombes, dont les plus anciennes sont recouvertes de mousse et enferment des samouraï d'une époque lointaine.
Les Moun suivaient un groupe d'hommes japonais en costume qui eux-mêmes suivaient un guide s'arrêtant tous les cent mètres pour commenter le tombeau d'anciennes célébrités. Quittant ces hommes parfois un peu bruyants, les Moun se sont enfoncés dans le cimetière. C'était la journée, mais il faisait sombre sous les cèdres centenaires. Maître Moun, passant devant une tombe en ruine, a frissonné. Et si sous ces vieilles pierres était dissimulé un yokaï, venu de l'autre monde hanter les touristes étrangers ?
En vérité, durant ces promenades funéraires, nous n'avons vu aucun yokaï. Pourtant, les yokaï sont bien connus des Japonais et font partie de leur mythologie depuis des siècles. Les yokaï, véritables "apparitions ensorcelantes", sont des créatures surnaturelles qui peuplent les légendes. Comme les yureï - fantômes et spectres - et les oni - démons - ils prennent toutes sortes de formes et viennent inquiéter les vivants, imposant leur force maléfique. Les kappa, dont j'ai déjà parlé à l'occasion de ce dessin animé récemment sorti, sont des yokaï, tout comme les tanuki, ces blaireaux libidineux qu'on trouve à l'entrée de certains restaurants.
La deuxième fois que les Moun se sont retrouvés parmi les tombes, c'était à Koyasan, dans le grand cimetière Okuno-in qui fait près de deux kilomètres de long. Ce cimetière réunit plus d'un millier de tombes, dont les plus anciennes sont recouvertes de mousse et enferment des samouraï d'une époque lointaine.
Les Moun suivaient un groupe d'hommes japonais en costume qui eux-mêmes suivaient un guide s'arrêtant tous les cent mètres pour commenter le tombeau d'anciennes célébrités. Quittant ces hommes parfois un peu bruyants, les Moun se sont enfoncés dans le cimetière. C'était la journée, mais il faisait sombre sous les cèdres centenaires. Maître Moun, passant devant une tombe en ruine, a frissonné. Et si sous ces vieilles pierres était dissimulé un yokaï, venu de l'autre monde hanter les touristes étrangers ?
En vérité, durant ces promenades funéraires, nous n'avons vu aucun yokaï. Pourtant, les yokaï sont bien connus des Japonais et font partie de leur mythologie depuis des siècles. Les yokaï, véritables "apparitions ensorcelantes", sont des créatures surnaturelles qui peuplent les légendes. Comme les yureï - fantômes et spectres - et les oni - démons - ils prennent toutes sortes de formes et viennent inquiéter les vivants, imposant leur force maléfique. Les kappa, dont j'ai déjà parlé à l'occasion de ce dessin animé récemment sorti, sont des yokaï, tout comme les tanuki, ces blaireaux libidineux qu'on trouve à l'entrée de certains restaurants.
Un auteur de manga très célèbre au Japon (mais beaucoup moins en France), Shigeru Mizuki, a donné une place capitale dans ses albums à ces étranges yokaï. J'ai lu récemment le recueil de contes dessinés, 3 rue des mystères, publié aux éditions Cornélius. Shigeru Mizuki est né en 1922 et s'est mis tardivement au manga, après avoir perdu un bras pendant la seconde guerre mondiale.
Dans ces sept petites histoires, l'auteur donne vie à ces fameux yokaï, mêlant dans chacune de ses histoires le fantastique, l'horreur mais aussi la poésie et l'humour noir. Sans cesse la question de l'immortalité et de la vie après la mort revient avec obsession. Un ascenseur permet d'accéder à un monde parallèle où les fantômes de personnes mortes tragiquement viennent hanter celui qui n'a pas respecté leur corps, un démon-chat horrible vient attaquer un homme, ou encore un savant tente d'inventer un sérum d'immortalité... En quelques images, nous sommes plongés dans un autre univers, toujours surprenant, souvent effrayant. Shigeru Mizuki maîtrise parfaitement l'art de conter, dans des dessins dont le trait frôle parfois la caricature. Sous sa plume, le fantastique est un moyen d'approcher la connaissance de l'âme humaine et de se moquer de la vanité des hommes à prétendre à l'immortalité. Les monstres, les fantômes et les mauvais génies que sont les yokaï marquent le passage impossible, et pourtant obsédant, entre le monde des vivants et celui des morts. Comme dans l'histoire de ce jeune homme qui tombe amoureux d'une femme venant de l'Au-delà, le mangaka semble nous montrer que pour réussir à vivre sa vie ici-bas, il faut accepter que chacun reste à sa place - les vivants sur terre, les morts là-bas, dans leur monde à eux. Pourtant, cette frontière est indistincte et la proximité des morts dans le monde des vivants fait naître l'angoisse et le malaise.
Extrait du conte "L'ambroisie féline"
(histoire d'un chat 10 000 fois plus effrayant que notre Ninja, c'est dire !)
Ce manga m'a laissé tout chose, une fois le livre refermé. J'ai repensé à un recueil de nouvelles, pourtant dans un style très différent, que j'ai lu il y a déjà plusieurs semaines. Dans Dur, dur, l'auteur Banana Yoshimoto (née en 1964) raconte deux histoires dans lesquelles la mort est là aussi très présente.
La seconde nouvelle, très émouvante, est le récit d'une jeune fille perdant sa soeur, tombée dans le coma après une attaque cérébrale : les jours passants, il est évident que la soeur ne pourra revenir à la vie et, tout doucement, la famille doit accepter de débrancher les appareils et prononcer la mort clinique de la jeune femme. Le thème est très grave, mais le récit n'est jamais larmoyant et toujours pudique et sincère.
La première nouvelle est très différente, moins réaliste et frôlant le fantastique. La jeune narratrice est confrontée à des fantômes : celui d'une femme suicidée qui vient hanter la chambre de l'auberge dans laquelle elle passe la nuit, et surtout le souvenir spectral de la femme qu'elle a aimée et qui vient hanter sa mémoire. Vivants, morts, tout le monde se ressemble. Dans la petite auberge, l'hôtesse paraît considérer normal de fréquenter un fantôme. Quant à la narratrice, c'est l'épreuve de la séparation et l'acceptation de la mort de sa compagne qu'elle doit faire pour continuer à vivre.
En refermant ce petit livre, j'ai eu le même sentiment d'étrangeté qu'à la lecture du manga de Shigeru Mizuki : et si le monde des morts, celui des yokaï et des yureï, était là tout près, en parallèle de ce que nous appelons improprement la "réalité" ?
La première nouvelle est très différente, moins réaliste et frôlant le fantastique. La jeune narratrice est confrontée à des fantômes : celui d'une femme suicidée qui vient hanter la chambre de l'auberge dans laquelle elle passe la nuit, et surtout le souvenir spectral de la femme qu'elle a aimée et qui vient hanter sa mémoire. Vivants, morts, tout le monde se ressemble. Dans la petite auberge, l'hôtesse paraît considérer normal de fréquenter un fantôme. Quant à la narratrice, c'est l'épreuve de la séparation et l'acceptation de la mort de sa compagne qu'elle doit faire pour continuer à vivre.
En refermant ce petit livre, j'ai eu le même sentiment d'étrangeté qu'à la lecture du manga de Shigeru Mizuki : et si le monde des morts, celui des yokaï et des yureï, était là tout près, en parallèle de ce que nous appelons improprement la "réalité" ?
- Sur les yokaï : Wikipédia et le site d'une exposition sur le bestiaire du fantastique japonais organisée à la Maison de la culture du Japon
- Présentation de 3 rue des mystères sur le blog des éditions Cornélius et critique sur un site personnel
- Sur Banana Yoshimoto : Wikipédia et le site officiel de l'auteur
Shigeru Mizuki
Éditions Cornelius
2006
Dur, dur
Banana Yoshimoto
Traduction : Dominique Palmé et Kyoko Sato
Titre original : Hard-Boiled / Hard-Luck
Rivages
2001 (1999 pour l'édition japonaise)
2 commentaires:
Ton post me fait beaucoup penser aux BD de David B.
Personnellement j'ai beaucoup aime "La lecture des ruines" de cet auteur. Ca ne plait pas à tout le monde, il faut accepter de se laisser emporter dans un monde étrange et pas forcément des plus agréable. Mais si tu aimes bien ce style ça devrait beaucoup te plaire... Même si ce n'est pas un japonais ;)
Hé hé, je lis aussi des choses non-japonaises, faut pas croire (même si je n'en parle pas ici !)
Merci pour la référence, Elodie. Je ne connais pas David B. Encore un auteur à découvrir, chouette !
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