Vendredi après-midi, Geisha Line avait une réunion à Odéon, en plein quartier latin. Après avoir écouté longuement un monsieur en cravate parler longuement, Geisha Line a vu tous les gens présents autour d'elle se lever et se disperser. Il était 16h15 et la réunion était finie. Gros dilemme : fallait-il retourner au bureau et se remettre au boulot ? Mais le temps de traverser Paris pour retourner au bureau, l'après-midi serait déjà bien entamé et il ne resterait plus beaucoup de temps pour bosser vraiment. Alors, n'écoutant que sa mauvaise conscience, Geisha Line s'est dit qu'elle pouvait bien profiter d'un vendredi après-midi ensoleillé pour faire le bureau buissonnier et flâner dans le quartier de toutes les tentations. Après tout, les mails professionnels, elle pourrait bien les consulter depuis la maison.
Geisha Line a donc laissé entière liberté à ses pieds. Quelques minutes plus tard, ses pieds l'ont menée dans une boutique de secrets de filles et quelques minutes encore plus tard c'est son porte-monnaie qui s'est affranchi de toute limite et qui s'est allègrement délesté de son poids. Prétextant une promo sur les pyjamas, Geisha Line a ainsi craqué pour cette tenue complètement japonisante révélant que, décidément, les petites kokeshis japonaises sont terriblement à la mode en ce moment.
Geisha Line a donc laissé entière liberté à ses pieds. Quelques minutes plus tard, ses pieds l'ont menée dans une boutique de secrets de filles et quelques minutes encore plus tard c'est son porte-monnaie qui s'est affranchi de toute limite et qui s'est allègrement délesté de son poids. Prétextant une promo sur les pyjamas, Geisha Line a ainsi craqué pour cette tenue complètement japonisante révélant que, décidément, les petites kokeshis japonaises sont terriblement à la mode en ce moment.
Les pieds et le porte-monnaie de Geisha Line ayant goûté à la liberté, ils n'allaient pas s'arrêter en si bon chemin. D'une manière complètement incontrôlable, ils ont mené Geisha Line dans une célèbre et grande librairie parisienne dont, évidemment, elle n'a pu sortir indemne...
De retour à la maison, Geisha Line a essayé son pyjama de geisha (mais les geishas mettent-elles des pyjamas en vérité ?) et, toute de rouge vêtue, elle a ouvert un de ses livres nouvellement achetés pour entamer une lecture en parfaite adéquation avec la gamme chromatique adoptée : le roman graphique Rouge bonbon, de Kiriko Nananan, paru dans la collection Sakka de Casterman. Cet album est en fait la réunion de dix-huit petites histoires très courtes, de personnages chaque fois différents, mais toujours féminins. Avec beaucoup de sensibilité mais aussi de simplicité, la mangaka a isolé quelques instants de la vie intime de jeunes femmes d'aujourd'hui. La narration est réduite à l'essentiel. De ces héroïnes, nous ne savons pas grand chose. Elles nous laissent simplement apercevoir un peu de leur fragilité, de leurs doutes, de leurs espoirs ou, le plus souvent, de leurs coups de blues. Une rupture imminente, le souvenir d'un amour passé, l'espoir d'un amour rêvé, le poids des ans... Il y a dans les thèmes abordés beaucoup de gravité. C'est un regard triste et désabusé qui est porté sur le quotidien. A chaque instant, ces jeunes femmes se trouvent sur la ligne instable d'une incertaine limite - limite entre l'espoir et le la mélancolie, entre l'envie de vivre et le désir de tout laisser tomber.
De retour à la maison, Geisha Line a essayé son pyjama de geisha (mais les geishas mettent-elles des pyjamas en vérité ?) et, toute de rouge vêtue, elle a ouvert un de ses livres nouvellement achetés pour entamer une lecture en parfaite adéquation avec la gamme chromatique adoptée : le roman graphique Rouge bonbon, de Kiriko Nananan, paru dans la collection Sakka de Casterman. Cet album est en fait la réunion de dix-huit petites histoires très courtes, de personnages chaque fois différents, mais toujours féminins. Avec beaucoup de sensibilité mais aussi de simplicité, la mangaka a isolé quelques instants de la vie intime de jeunes femmes d'aujourd'hui. La narration est réduite à l'essentiel. De ces héroïnes, nous ne savons pas grand chose. Elles nous laissent simplement apercevoir un peu de leur fragilité, de leurs doutes, de leurs espoirs ou, le plus souvent, de leurs coups de blues. Une rupture imminente, le souvenir d'un amour passé, l'espoir d'un amour rêvé, le poids des ans... Il y a dans les thèmes abordés beaucoup de gravité. C'est un regard triste et désabusé qui est porté sur le quotidien. A chaque instant, ces jeunes femmes se trouvent sur la ligne instable d'une incertaine limite - limite entre l'espoir et le la mélancolie, entre l'envie de vivre et le désir de tout laisser tomber.
Le graphisme, à mille lieux des mangas traditionnels, vient appuyer cette étrange ambiance qui se dégage des pages. Les traits sont larges, très noirs, mais en même temps quasiment inachevés, presque comme des crayonnés. Certaines vignettes sont même difficiles à lire, tant les lignes sont déliées et entremêlées. Le point de vue narratif est original, très proche de la construction cinématographique : d'image en image, on suit le regard de la jeune femme - on voit ce qu'elle voit, et, souvent, le dessin nous arrête sur un détail, une scène qui, pourtant, pourrait paraître anodin. Une grande place est laissée au texte qui, parfois, occupe des vignettes entières, assurant une harmonieuse respiration entre l'image et l'écrit.
Bien sûr, je me doute que ce genre de bande dessinée ne doit pas plaire à tout le monde - et en tout cas pas aux lecteurs qui aiment à être transportés dans des histoires et des univers parallèles. Ici, ce sont la délicatesse et la fragilité de la narration graphique qui font le charme de ce roman. Il faut accepter d'entrer dans les intimités qui nous sont présentées, même si on aurait envie de marcher sur la pointe des pieds pour ne pas faire de bruit.
Bien sûr, je me doute que ce genre de bande dessinée ne doit pas plaire à tout le monde - et en tout cas pas aux lecteurs qui aiment à être transportés dans des histoires et des univers parallèles. Ici, ce sont la délicatesse et la fragilité de la narration graphique qui font le charme de ce roman. Il faut accepter d'entrer dans les intimités qui nous sont présentées, même si on aurait envie de marcher sur la pointe des pieds pour ne pas faire de bruit.
Dans son pyjama rouge de japonaise doll, Geisha Line tournait les pages de ce livre très noir. Nouvelles après nouvelles, il s'agissait presque à chaque fois de l'histoire d'un échec ou d'une insatisfaction, dite la plupart du temps avec une certaine crudité. Geisha Line s'est mise à soupirer. C'est donc ça, l'amour ? se disait-elle, un peu démoralisée... Mais les dernières histoires sont plus gaies et, doucement, laissent sous-entendre que lorsqu'une histoire se termine une autre peut commencer, plus belle encore que l'ancienne. Heureusement : le rouge n'est pas seulement la couleur du sang et de la souffrance, mais aussi celle des bonbons (à la fraise).
Kiriko Nananan
Casterman
Collection Sakka
2008
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