vendredi 14 novembre 2008

Les valeureux perdants

Je suis sur-booké en ce moment et mes obligations de broutage professionnel m'obligent à mettre un peu de côté ce blog. Mais qu'à cela ne tienne, histoire de vous donner quelque chose à lire, en attendant des billets passionnants (mais si, mais si), voici un peu de réchauffé pour vous faire patienter...

Il y a quelques semaines, j'ai vu que l'association Jipango organisait un concours et, en lisant le sujet, j'ai tout de suite su qu'il était fait pour moi. Imaginez, il fallait écrire un petit texte sur son voyage de rêve au Japon et le premier prix était... un billet d'avion pour le Japon !
Illico presto, je me suis installé devant l'ordinateur et, sans me laisser distraire, j'ai tapouillé deux petits textes, me bridant quelque peu pour rester dans la limite impartie de 2 000 signes. Comme il paraît qu'on n'accorde pas de passeport aux moutons en peluche, je me suis dit que je pouvais faire acte de générosité de mes talents d'écrivain, et j'ai signé le premier texte "Geisha Line" et le second "Maître Moun". Bon, d'accord, usurpation d'identité, ça peut coûter cher, mais bon y'a des priorités dans la vie et un aller/retour Paris-Tokyo, cela en est une !

Bref, j'ai fait lire mes textes à Maître
Moun et je lui ai expliqué l'affaire (le billet d'avion 100 % gratos). Il est devenu fou, sautant partout dans l'appart' et faisant la danse de la victoire s'exclamant "je vais aller au Japon, je vais aller au Japon !" Maître Moun a toujours été un doux rêveur et il se voyait déjà à Narita International, prêt à partir à l'assaut des sushis et décidé à faire une cure d'okonomiyaki à tous les repas. Geisha Line (la voix de la sagesse, bien sûr) a eu beau lui expliquer qu'il fallait un peu redescendre sur terre et que le concours n'était pas gagné d'avance... rien n'y a fait et pendant deux jours il lui a rabattu les oreilles avec ses rêves japonais.

Et bien sûr, ce qui devait arriver arriva. A un moment donné il a fallu voir les choses en face : quand on a reçu les résultats du concours, on a bien dû constater qu'aucun de nous n'étaient parmi les gagnants. Tant pis, restons digne et ayons la défaite d'un bon perdant. (Non, ce n'est pas une larme que j'écrase au coin de l'œil).

Les textes des gagnants ont été publiés dans le dernier numéro de Jipango. Je vous laisse aller les lire et comparer avec les miens que je recopie ci-dessous...

Voici le voyage de rêve de Geisha
Line :

Mon Japon de rêve

Mon Japon de rêve, c’est d’abord celui que j’ai imaginé des semaines durant, après avoir réservé les tickets d’avion. Deux villes écrites en capitales sur le billet électronique – Paris, Tokyo – et entre les deux rien que du fantasme. J’imaginais une ville où les immeubles de verre gratteraient les nuages et je me disais que sur le reflet des buildings, il y aurait le Mont Fuji avec son sommet de chantilly, se confondant dans le bleu roi d’un paysage d’estampe d’autrefois.

Puis, cela a été le jour du départ. Je n’ai plus rêvé le Japon, je l’ai vécu. À Shibuya dans la foule des néons, à Kyoto dans le mystère des portes closes des maisons de thé de Gion, à Hiroshima dans la mémoire pesante de la barbarie, à Yudanaka dans un petit restaurant de sushis servant des poissons encore vivants. Mais, à Kamakura, près du sanctuaire Hachiman-gu, lorsqu’une pluie de pétales roses est tombée féériquement sur mes épaules, j’ai cru que je rêvais encore. J’aurais voulu arrêter cet instant au milieu des sakura.

Puis, je suis rentrée à Paris. Mon Japon de rêve est devenu alors celui de mes souvenirs. De toutes mes forces, j’ai essayé de retenir les images du passé : la saveur du thé vert et des gâteaux de haricot rouge dégustés devant les jardins de pierre, les bruits désordonnés du métro tokyoïte, le parfum inédit des tatamis usés des chambres de ryokan.

Mais au fil des mois, mes souvenirs s’estompent et la mémoire de mon voyage s’efface. Désormais, je veux penser à demain plutôt qu’à hier. Aujourd’hui, mon voyage de rêve, c’est celui que je ferai demain.

La pluie des fleurs de cerisiers à Kamakura


... Et le voyage de rêve de Maître
Moun, c'est celui-ci :

Five days

En préparant mon voyage au Japon, je m’étais dit qu’il fallait absolument aller dans un onsen, ville de sources chaudes. J’ai ouvert mon guide touristique et, un peu au hasard, j’ai pointé le doigt sur Bessho Onsen, village perdu vers Nagano. Pour réserver la chambre du ryokan, il a fallu téléphoner. À l’autre bout du fil, à 5 000 km de là, une voix âgée a répondu. L’homme ne parlait pas anglais et moi pas japonais. La conversation fut surréaliste : je disais « 5th April », l’homme comprenait « five day », je reformulais ma phrase, mais l’homme répondait toujours « ah ! five day ! ». Au bout de 10 min, l’homme a échappé un lourd soupir. « Day five april ? », a-t-il demandé. J’ai dit « yes », parce qu’il fallait bien finir par raccrocher.

Le 5 avril, quittant l’effervescence de Tokyo, je suis arrivé dans la petite gare de Bessho. J’ai trimballé mon sac jusqu’au ryokan. Un petit homme est arrivé en sautillant, un large sourire accroché aux oreilles. Il a pris mes bagages, m’a offert des chaussons, et m’a mené à ma chambre. Il y avait mon nom sur la porte. La pièce était grande et recouverte de tatamis. J’ai tout de suite su je serais bien ici.

Je me suis installé, puis l’homme m’a invité dans la pièce d’à côté. Une magnifique table était dressée, recouverte d’assiettes de fine porcelaine. Un poisson grillé me faisait de l’œil, du tofu chauffait sur un petit réchaud et des mets inconnus appelaient mes papilles. J’étais reçu comme un roi. Plus tard, lorsque je me suis immergé dans l’eau bouillante du onsen, j’ai fermé les yeux me disant que finalement ce bonheur japonais j’aurais aimé le vivre non pas seulement le 5 avril, mais bien durant « five days » !

Geisha Line devant le repas de rois

Alors, je ne l'aurais pas mérité mon voyage au Japon ?


6 commentaires:

Dvorah a dit…

Ca c'est sûr qu'avec moi Geisha Line et Moun auraient été tiré au sort pour les départager du premier prix. Les vrais lauréats de Jipango, oh là là quelle platitude !
:-(

Anonyme a dit…

Encore que, j'ai trouvé que la gagnante du 2ème prix n'a pas démérité non plus. Mais pour le 1er prix, je cherche encore à comprendre. Enfin, disons que c'est subjectif et que les critères de sélection devaient être un peu différent de ce qu'on peut imaginer...
Bravo tout de même pour ces deux instantanés de voyage !

Anonyme a dit…

Merci !
Bon, maintenant, si on avait gagné le premier prix - un billet d'avion, j'ai bien dit 1 seul - ou le deuxième - des nuits d'hôtel sans billet d'avion -, il aurait fallu économiser quelques sous pour se payer le deuxième billet d'avion ou bien les deux billets aller-retour pour profiter de l'hôtel. Donc au final ça aurait fait un cadeau relativement coûteux !
(Bon, OK, on se console comme on peut !)

Hajnalka Cserháti, Ojni a dit…

Cette image est trés poétique! Que j'aimerais moi aussi d'étre sous une arbre de cérise comme ca!
Merci!!!

Et bienvenue sur le forum! :))

Anonyme a dit…

Bienvenue ici Ojni !
Les cerisiers en fleurs au Japon étaient une magnifique expérience que je te souhaite de vivre un jour !
A bientôt !

Annie a dit…

Very nice blog you have heree