"Une vie toute neuve", c'est une belle expression pour commencer une nouvelle année, n'est-ce pas ? C'est en fait le titre d'un film franco-coréen sorti au cinéma la semaine dernière, réalisé par Ounie Lecomte.
L'histoire est celle d'une petite fille, Jinhee, qui a 9 ans en 1975, en Corée du Sud. Elle vit une vie d'enfant, insouciante et exaltée, aux côtés de son père. Le père nous est quasiment présenté sans visage, par des choix délibérés de prise de vue de la caméra. C'est que ce père va commettre l'impensable : abandonner son enfant. En effet, un jour, il achète à Jinhee une nouvelle robe, lui fait choisir un gros gâteau dans une pâtisserie, puis va avec elle dans une institution tenue par des soeurs catholiques. Il repart quelques minutes plus tard, sans donner un mot d'explication à sa fille, ni même lui dire au-revoir. L'institution est un orphelinat et c'est là que Jinhee va vivre les prochains mois.
Jinhee est devenue orpheline. Vérité difficile à accepter... et qu'elle n'accepte pas. Au fil des saisons, la vie de la jeune fille nous est montrée, et avec elle la lourde acceptation d'un destin non choisi. Car Jinhee résiste, refuse de se plier aux règles de l'orphelinat et ne veut pas se considérer orpheline, comme les autres petites filles de l'institution. Car l'accepter, ce serait accepter de ne jamais revoir son père. Pourquoi ne reviendrait-il pas ? Il lui a dit qu'il allait revenir... Les adultes ne tiennent pas leurs promesses ?
Ainsi racontée, l'histoire paraît mélodramatique, voire larmoyante à souhait. Il n'en est rien. Il y a beaucoup de pudeur et de délicatesse dans ce film. La petite actrice est pleine de retenue et de simplicité. Elle n'en fait jamais trop. Les scènes sont filmées quasiment à huis-clos : on ne quitte pas l'univers presque étouffant de l'orphelinat. De l'autre côté des grandes grilles, on devine le monde qui bouge, qui vibre. Mais les jeunes orphelines vivent refermées dans ce lieu étriqué, et pourtant en un sens plutôt rassurant (les personnages des adultes encadrants sont froids, mais en même temps attachants). Toute la force du film est de raconter l'histoire à partir du seul point de vue de la fillette. Cette focalisation sur le personnage principal nous fait entrer dans le regard de Jinhee et nous communique son mal-être, sa révolte. Jinhee s'emmure dans le silence, et pourtant à ce silence et à cette retenue s'accroche une émotion forte et communicative. Le personnage de son amie Sookhee, son double inversé, ouverte et enthousiaste, est lui aussi attachant et creuse dans cette solitude une amitié sincère.
Le film est largement autobiographique : sa réalisatrice Ounie Lecomte, comme son héroïne, est née en Corée du Sud et a été adoptée par une famille française. "Une vie toute neuve", c'est un passé douloureux à accepter, une vie à construire - "ce n'est qu'un au-revoir", comme le chantent les enfants au départ d'une pensionnaire de l'orphelinat partant rejoindre ses nouveaux parents adoptifs.
Un beau film qu'il ne faut pas tarder à aller voir... avant qu'il ne soit plus à l'affiche !
- Un article du Monde sur le film.
Réalisé par Ounie Lecomte
Avec Kim Saeron, Park Doyeon, Park Myeong-Shin
2009
1 commentaire:
J'avais déjà envie de le voir, et après avoir lu à ta critique, j'y suis allée
C'est effectivement un très beau film qui me semble malheureusement mal distribué dans les salles
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