J'ai donc lu l'autre jour le premier tome de Mon année, sous-titré "Printemps". Le thème de l'histoire a le mérite d'être très peu traité et c'est courageux - mais nécessaire - d'oser l'aborder dans un album pour le grand public. L'histoire est en effet celle de Capucine, petite fille trisomique âgée de 8 ans. Elle vit à Reims avec ses parents et fréquente l'école publique. La trace de son handicap ne se lit pas sur son visage et bien des personnes qui ne la connaissent pas la prennent pour une petite fille comme une autre, ne comprenant le comportement parfois bizarre qui est le sien. Mais, malgré ses efforts, Capucine a de plus en plus de mal à suivre à l'école. La directrice annonce aux parents qu'il va falloir se résoudre à envoyer l'enfant dans un établissement spécialisé. C'est une année de changements qui s'annonce pour la petite Capucine. On devine ainsi que dans les trois autres tomes le lecteur va être témoin de ces métamorphoses.
Le dessin de Taniguchi est d'une remarquable précision. Chaque détail est retranscrit avec une grande attention. Ainsi, dans les premières pages, on reconnaît d'emblée la plage de Deauville et, au fil des pages, on n'est pas dépaysé par les images du quotidien français. En un sens, c'est assez impressionnant de la part d'un dessinateur japonais qui ne vit pas en France. Il faut dire que Taniguchi est tout de même venu en France en vue de réaliser cet album et qu'il a pas mal travaillé à partir de photographies. La couleur - inhabituelle chez cet auteur - rend les scènes encore plus vivantes et percutantes.
Toutefois, je dois dire que j'ai été un petit peu déçu par cet album. Le scénario est lent et l'histoire peine à débuter. Bien sûr, il faudra attendre les autres tomes pour que l'histoire prenne de son ampleur. Mais tout de même, je suis arrivé à la 64e page de l'album un peu frustré. Il est vrai qu'il y a une certaine sensibilité et une pudeur dans le point de vue porté sur l'enfant. J'ai aimé notamment les dessins d'enfant qui viennent scander certaines pages : la petite Capucine, quand elle a du mal à exprimer un sentiment, fait un dessin. C'est une astucieuse façon de montrer le regard de l'enfant et d'approcher sa sensibilité à fleur de peau.
(c) Dargaud
Jean-David Morvan s'est pas mal documenté pour écrire son scénario. Comme il l'explique ici dans une interview, il s'est rendu dans un centre pour enfants trisomiques et a rencontré des parents. On ne doute pas que l'album est bien informé. Pourtant, il m'a semblé qu'il manquait quelque chose dans cette histoire - pas assez de vécu ? pas assez d'émotion ? Je ne sais pas... Il faudra lire les trois autres tomes pour se faire une vraie idée de l'ensemble (mais ils ne sont pas encore sortis !).
Par ailleurs, peut-être que ma frustration vient également un petit peu de l'atmosphère franco-française donnée à cet album. Ce que j'aime chez Taniguchi, c'est voir en direct une certaine image du Japon (notamment contemporain). Ici, puisque l'histoire se passe en France, sans aucun lien avec le Japon, il n'y a pas le même effet d'exotisme et de séduction par le détail pittoresque. Peut-être que lorsque cet album sera traduit en japonais et sortira au Japon, il saura finalement séduire davantage les Japonais que les Français... pour une fois ?
Notez toutefois un tout petit détail "anagéographique" (argh ! je ne sais pas si le mot existe !). Dans l'intérieur impeccablement français de la famille de Capucine, j'ai vu un accessoire 100 % japonais qui a peu de chance de se trouver chez des Français. L'avez-vous remarqué ? (Maître Moun n'a pas trouvé, j'ai dû lui souffler !)
- Une critique et plusieurs pages de la BD ici
- Pour en savoir plus sur la réalisation de l'album, voir ici (sur Actuabd)
Mon année
Jean-David Morvan / Jîro Taniguchi
Dargaud
2009
4 tomes
Album grand format - 64 pages
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