vendredi 4 décembre 2009

Une bulle dans une tasse de thé

2009 touche bientôt à sa fin. Mais j'ai lézardé en chemin, paressant sur le bord du chemin du Tokaido. Vite, il me faut reprendre la route, sous peine de ne pas être au rendez-vous à Kyoto le 31 décembre prochain, dernier jeudi de l'année.

Pardonnez-moi d'avance de vous faire cavaler ainsi sur les chemins d'Hiroshige, mais il faut rattraper cinq jeudis passés à rêvasser.

Je convie à ma promenade Issa Kobayashi, merveilleux poète du XIXe siècle qui dort à mon chevet depuis quelque temps. Issa est une bulle dans une tasse de thé. C'est ce que signifie le nom qu'il s'est choisi lorsqu'il est devenu poète de haiku et qu'il a pris la route le menant loin de sa montagne. Voyez-vous l'éclat de la bulle qui danse à la surface de la tasse de thé ? Il faut bien regarder - c'est si soudain, si éphémère. La poésie d'Issa, le grand voyageur, a porté son regard sur cette bulle à peine perceptible. Isoler l'instant, exprimer la tragédie de la vie dans une poignée de mots. La vie d'Issa fut si douloureuse que je refuse d'en parler ici. Survivre à ses enfants, y a-t-il plus grand drame ?
Pourtant, j'imagine Issa marchant sur le Tokaido, transformant son voyage en poèmes... A-t-il trouvé là moyen de survivre à sa douleur ?

Pas une mince affaire
que d'être né humain
crépuscule d'automne

Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
44e relais : Ishiyakushi
"Temple de Yakushi en pierre" (Ishiyakushiji)


Les pluies de mai !
enserré par les bambous -
mon hameau natal
Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
45e relais : Shono
"L'averse" (Haku-u)



Mes genoux
dans le froid d'une nuit en montagne
si usés
Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
46e relais - Kameyama
"Eclaircie après la neige" (Yukibare)



Les concours de pets
vont bientôt pouvoir recommencer
réclusion hivernale
Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
47e relais : Seki
"Départ matinal du daimyo" (Honjin hayadachi)



L'été en montagne
à chaque pas en montée
la mer apparaît un peu plus
Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
48e relais : Sakanoshita
"Le sommet d'où l'on jette son pinceau" (Fudesute mine)



La plupart des haikus sont tirés de cette édition :
Issa, maître de Haiku - Et pourtant, et pourtant
Traduction de Wing fun Cheng et Hervé Colle
Mondarren, 2006